Amélioration des services et des soins de fin de vie : santé des infirmières
11 novembre 2013
Mieux comprendre les effets sur la satisfaction et le bien-être des infirmières : Des pistes d’actions sont formulées afin de mieux soutenir les soignants dans le contexte des SP de fin de vie, tant sur le plan organisationnel, professionnel, qu’émotionnel.
L’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) du QUEBEC vient de publier les résultats du projet de recherche qui incluait cinq études sur les effets de l’organisation du travail sur la santé et la sécurité du travail (SST) des infirmières qui dispensent des soins palliatifs de fin de vie en milieu hospitalier.
Avec le vieillissement de la population, la demande de soins palliatifs (SP) de fin de vie est croissante et les services de santé s’organisent. Au Québec, les SP de fin de vie sont sur tout intégrés aux soins curatifs et on retrouve peu d’unités de SP spécialisés. Ces soins s’incorporent alors aux soins à domicile ou aux soins dispensés sur les unités de soins spécialisés en centre hospitalier, comme l’oncologie et les soins critiques.
Les infirmières y jouent un rôle majeur. Selon ce choix organisationnel, les infirmières vivent un contexte de travail particulier, car elles ont à prodiguer dans un temps restreint à la fois des soins curatifs parfois complexes et à la fois des SP de fin de vie (approche mixte). Dans ces milieux où la visée curative domine, la mort est souvent perçue comme un échec.
Cette situation crée des sources de stress et d’insatisfaction au travail chez les infirmières qui doivent conjuguer avec des deuils multiples et des morts difficiles. Elles peuvent vivre des conflits de valeurs et une souffrance éthique. S’ajoutent à cela d’autres facteurs de stress, comme le manque d’autonomie et l’intensification du travail, ce qui peut affecter leur satisfaction au travail et leur bien-être.
Dans un contexte de pénurie de ressources humaines et d’un problème grandissant d’attraction et de rétention des infirmières, il s’agit là d’un constat préoccupant puisque l’insatisfaction et le taux de roulement élevé risquent de compromettre la qualité des soins. À la lumière de ces constats, il devient de plus en plus nécessaire de prendre en compte la capacité d’adaptation et la satisfaction des infirmières lors de l’organisation de services et l’élaboration de programmes de SP. Le but de ce projet est d’améliorer le contexte dans lequel les SP de fin de vie sont prodigués.
Cinq études ont été menées afin d’identifier les problèmes qui prévalent dans ce secteur de la santé et de suggérer des pistes d’actions.
ÉTUDE 1. Une étude sur les facteurs de stress infirmier dans les unités des soins intensifs
Objectif : Décrire les stresseurs vécus par les infirmières prodiguant des SP de fin de vie en unités de soins intensifs (USI) dans différents centres hospitaliers (CH) du Québec.
Méthode : Cinq sites provenant de trois régions du Québec ont été sélectionnés pour représenter une diversité de CH et d’USI en termes de localisation (urbain ou rural), d’organisation des soins et services (USI ouverte ou fermée) et de statut (universitaire ou non). Un échantillon de 42 infirmières (jour, soir, nuit, rotation) a été recruté. Dix groupes de discussion ont eu lieu.
Constats : Les stresseurs liés à la pratique infirmière en SP de fin de vie à l’USI sont nombreux et ils peuvent être regroupés selon les trois catégories suivantes : organisationnelle, professionnelle et émotionnelle.
ÉTUDE 2. Une étude ergonomique du travail dans le contexte des soins de fin de vie en USI
Objectifs : Décrire la prestation des SP de fin de vie à partir d’observations directes en USI et explorer ce qui influence la satisfaction au travail des infirmières.
Méthode : Trente quarts de travail sont observés. Deux des cinq sites de l’étude 1 sont sélectionnés.
Constats : L’analyse ergonomique du travail met en évidence plusieurs lacunes en ce qui a trait à la prestation des soins de fin de vie. Les infirmières apparaissent peu impliquées dans le processus de décision et le travail n’est pas vraiment organisé pour le mourir. Les soins de fin de vie semblent négligés et les ressources – temps, espace, formation, protocoles — sont inadéquates. L’analyse fait toutefois ressortir que ce qui peut constituer une source de difficulté peut aussi, sous d’autres conditions, devenir une source de satisfaction au travail.
ÉTUDE 3. Une étude sur les stresseurs moraux et les dilemmes éthiques en USI
Objectif : Approfondir les stresseurs moraux, préciser les dilemmes éthiques ainsi que leur relation avec la souffrance éthique et mieux comprendre le processus de résolution de ces dilemmes.
Méthode : Entrevues individuelles avec 28 infirmières (critères de sélection comme à l’étude 1).
Constats : Les infirmières décrivent des stresseurs moraux et vivent les dilemmes éthiques suivants : a) la perception d’acharnement thérapeutique ; b) les arrêts de traitement et les perceptions d’euthanasie ; c) l’impuissance face à la souffrance de l’autre ; d) le manque de respect de la volonté du patient ; e) le mensonge sur l’état du patient.
La présente étude met en relief la solitude de l’infirmière lorsqu’elle se retrouve face à un dilemme éthique en contexte de fin de vie. Les infirmières ne bénéficient pas d’espace de discussion pour recréer le sens au travail, se réfugiant du coup dans un silence qui peut durer plusieurs années. Ces situations de dilemmes éthiques créent une souffrance éthique.
ÉTUDE 4.Une étude sur les conditions favorables à la résolution de dilemmes éthiques
Objectif : Décrire les pratiques organisationnelles soutenant la résolution de dilemmes moraux selon la perspective des gestionnaires.
Méthode : Entrevues individuelles, n=21 gestionnaires. Sites identiques aux études 1 et 3.
Constats : L’analyse du discours des gestionnaires illustre leur impuissance et suggère peu de pistes de solution. Le développement d’une compétence éthique par le biais d’un programme de formation systématique pourrait constituer un levier pouvant atténuer la souffrance éthique au travail.
ÉTUDE5. Une étude sur un modèle de stress en soins palliatifs permettant de mieux comprendre la satisfaction au travail et le bien-être des infirmières
Objectif : Bonifier le modèle de stress (demandes/ressources) élaboré dans le cadre de travaux antérieurs et vérifier la capacité du modèle enrichi à expliquer la satisfaction au travail et la détresse des infirmières qui prodiguent des SP de fin de vie.
Méthode : Étude populationnelle, corrélationnelle et transversale.
Critères d’inclusion : Membres de l’OIIQ, pratiquer dans la province de Québec et pratiquer en soins palliatifs, à domicile, en oncologie ou en soins critiques (N= 751).
Constats : Le modèle obtenu soutient les conclusions des quatre études qualitatives susmentionnées. Il intègre plusieurs concepts clés : la reconnaissance de l’autonomie de l’infirmière, la qualité du travail d’équipe, l’accès à des ressources humaines qualifiées et le soulagement de la détresse globale du patient et de la famille. Il permet d’expliquer plus de 80 % de la satisfaction au travail et 40 % de la détresse. Le manque de ressources humaines arrive en tête de liste lorsqu’il s’agit de rendre compte de la satisfaction au travail et de la détresse des infirmières. Enfin, le sens au travail agit comme médiateur entre l’autonomie et la satisfaction au travail de l’infirmière. Le modèle confirme l’utilité de prendre en compte la cohérence entre les valeurs du soignant et celles de l’organisation.
Des pistes d’actions sont formulées afin de mieux soutenir les soignants dans le contexte des SP de fin de vie, tant sur le plan organisationnel, professionnel, qu’émotionnel. http://www.irsst.qc.ca/media/documents/PubIRSST/R-794.pdf