Cancérologie low-cost : le signalement du SNPI débouche sur une mission parlementaire

15 avril 2013

La Commission des Affaires Sociales du Sénat a mis en place une Mission d’information sur la répartition des compétences entre les professionnels de santé.

Afin de porter à leur connais­sance les dan­gers d’un pro­to­cole de coo­pé­ra­tion en can­cé­ro­lo­gie dans le cadre de l’arti­cle 51 de la loi HPST du 21 juillet 2009 (qui auto­rise les « coo­pé­ra­tions entre pro­fes­sion­nels de santé », pour effec­tuer la mise en place, à titre déro­ga­toire, de trans­ferts d’actes ou d’acti­vi­tés de soins ne figu­rant pas dans notre décret d’actes), le SNPI, Syndicat National des Professionnels Infirmiers sala­riés, a déposé
- le 4 mars un recours gra­cieux auprès de la Ministre et du DG de l’ARS d’Ile de France,
- le 16 mars, un signa­le­ment auprès des par­le­men­tai­res
- le 20 mars 2013 une sai­sine du Défenseur des Droits, Dominique Baudis

En réponse, la Commission des Affaires Sociales du Sénat a mis en place une Mission d’infor­ma­tion sur la répar­ti­tion des com­pé­ten­ces entre les pro­fes­sion­nels de santé. La Mission sera conduite par Catherine Génisson (Sénatrice PS du Pas-de-Calais) et Alain Milon (Sénateur UMP du Vaucluse). Le 11 avril, le Vice-pré­si­dent de la Commission des Affaires Sociales du Sénat, Jacky Le Menn (Sénateur PS d’Ille-et-Vilaine) a ren­contré le Secrétaire Général du SNPI, Thierry Amouroux, pour lui faire part des préoc­cu­pa­tions des séna­teurs sur la can­cé­ro­lo­gie low cost. De plus, comme l’arti­cle 51 était prévu pour régler des situa­tions loca­les, il est sou­hai­ta­ble que le légis­la­teur sup­prime la pos­si­bi­lité d’élargir un pro­to­cole déro­ga­toire à tout le ter­ri­toire natio­nal.

Véritable mani­pu­la­tion des textes offi­ciels sur les actes et com­pé­ten­ces des infir­miè­res, ce "pro­to­cole de coo­pé­ra­tion" entre indi­vi­dus, est une brèche grande ouverte dans un dis­po­si­tif jusque là des­tiné à garan­tir la sécu­rité des patients : for­ma­tion ini­tiale basée sur un pro­gramme offi­ciel fixé par arrêté, évaluation des com­pé­ten­ces acqui­ses par le moyen d’un examen, et attri­bu­tion d’un diplôme d’Etat habi­li­tant à un exer­cice règle­menté et pro­tégé, au nom de la santé publi­que et de la sécu­rité des patients.

Par contre, le Ministère de la Santé n’a tou­jours pas répondu sur le fond au SNPI, pro­po­sant juste par cour­rier du 28 mars un rendez-vous commun avec Jean Debeaupuis, DGOS, et Claude Evin, DG de l’ARS IDF. «  Mais visi­ble­ment depuis cette date ils ont du mal à caller leurs agen­das res­pec­tifs, malgré de nom­breu­ses relan­ces. A se deman­der si l’on s’adresse au minis­tère, ou au Château de la Belle au Bois Dormant  » iro­nise Thierry Amouroux.

En effet, le 28 décem­bre 2012, l’Agence Régionale de Santé ARS de l’Ile de France a publié un arrêté vali­dant un pro­to­cole de « Consultation infir­mière de suivi des patients trai­tés par anti­can­cé­reux oraux à domi­cile, délé­ga­tion médi­cale d’acti­vité de pres­crip­tion » qui auto­rise en par­ti­cu­lier la « Prescription de cer­tains médi­ca­ments à but symp­to­ma­ti­que pour trai­ter les effets indé­si­ra­bles des trai­te­ments anti­can­cé­reux : antié­mé­ti­ques ; anxio­ly­ti­ques ; anti­bio­ti­ques de la classe des cycli­nes, anti-diar­rhéi­ques, topi­ques cuta­nés » ainsi que la « Décision de renou­vel­le­ment de la chi­mio­thé­ra­pie orale », par une infir­mière, moyen­nant une « for­ma­tion théo­ri­que de 45 heures », vali­dée par une simple « attes­ta­tion de suivi de la for­ma­tion » !

Deux ans dans 25 pays, mais 45 heures en France !

330.000 « infir­miè­res de pra­ti­ques avan­cées » de 25 pays peu­vent dis­po­ser de telles com­pé­ten­ces après deux années d’études sup­plé­men­tai­res vali­dées par un Master. Toutes les études scien­ti­fi­ques ont prou­vées l’inté­rêt de ce métier inter­mé­diaire entre l’infir­mière à Bac +3 et le méde­cin à bac +9 ou +12. L’exem­ple a été donné par les USA dans les années 1960, et il y a aujourd’hui 158.348 « infir­miè­res pra­ti­cien­nes » et 59.242 « infir­miè­res cli­ni­cien­nes spé­cia­li­sées », toutes titu­lai­res d’un Master. En Europe, de l’Irlande à la Finlande, ces infir­miè­res diplô­mées d’un Master peu­vent pres­crire des médi­ca­ments et assu­rer le suivi des patients chro­ni­ques.

« Avec 50 ans de recul, les pays anglo-saxons esti­ment néces­sai­res deux années uni­ver­si­tai­res sup­plé­men­tai­res pour vali­der ces com­pé­ten­ces, mais pour l’ARS d’ile de France, avec 45 heures de pré­sence, une infir­miè­res est jugée léga­le­ment apte à pres­crire cinq types de médi­ca­ments ! » a dénoncé Thierry Amouroux, le Secrétaire Général du SNPI CFE-CGC, lors du Haut Conseil des Professions Paramédicales HCPP du 22 février 2013.

Pour le SNPI, s’il faut élargir les com­pé­ten­ces infir­miè­res :
- soit c’est juste rajou­ter un acte tech­ni­que, et il faut alors le rajou­ter au décret d’acte, intro­duire ce nouvel appren­tis­sage offi­ciel­le­ment dans la for­ma­tion ini­tiale et le vali­der par le diplôme d’État
- soit c’est une nou­velle com­pé­tence, avec une pres­crip­tion médi­cale limi­tée, sur le modèle de la sage-femme, et il faut deux années uni­ver­si­tai­res sup­plé­men­tai­res pour vali­der ces com­pé­ten­ces, dans le cadre d’un métier inter­mé­diaire validé par un Master, dans un cadre sta­tu­taire clair, sur le modèle de l’IADE.

Le refus d’un simple trans­fert d’actes pour gagner du temps médi­cal

Le SNPI CFE-CGC avait sou­haité lancer une consul­ta­tion auprès des pro­fes­sion­nels, au tra­vers de son site inter­net, en décem­bre 2012 : sur les 13.234 infir­miè­res, cadres infir­miers ou infir­miè­res spé­cia­li­sées qui avaient répondu, 87 % de ces pro­fes­sion­nels infir­miers étaient hos­ti­les aux moda­li­tés de ces coo­pé­ra­tions. Cette mesure déro­ga­toire est mas­si­ve­ment reje­tée par les infir­miè­res car :
- 1) la for­ma­tion n’est pas vali­dante (sou­vent sur le tas, par le méde­cin qui sou­haite délé­guer cette tâche), et dif­fé­rente d’un endroit à l’autre. Les com­pé­ten­ces sont donc dis­cu­ta­bles, en par­ti­cu­lier la capa­cité de réagir cor­rec­te­ment en cas de pro­blème ou de com­pli­ca­tion.
- 2) ces nou­veaux actes sont pra­ti­qués sans reconnais­sance sta­tu­taire et sala­riale. C’est d’ailleurs une fonc­tion « klee­nex », dans la mesure où si le méde­cin s’en va, le pro­to­cole tombe, et l’infir­mière retourne à la case départ.
- 3) les ARS ont ten­dance à étendre les pro­to­co­les à d’autres régions, alors qu’il n’y aucune évaluation des résul­tats obte­nus.

« Ces pro­to­co­les de coo­pé­ra­tion per­met­tent juste de régu­la­ri­ser des situa­tions exis­tan­tes, de léga­li­ser de petits arran­ge­ments locaux » selon Thierry Amouroux, le Secrétaire Général du SNPI CFE-CGC. Mais ces pro­to­co­les ne com­por­tent aucune garan­tie pour les usa­gers sur les qua­li­fi­ca­tions et les com­pé­ten­ces des pro­fes­sion­nels impli­qués, ainsi que sur la régu­la­rité et les moda­li­tés de leur exer­cice.

Le com­mu­ni­qué est en télé­char­ge­ment. Pour en savoir plus :
- UNCAM et fac­tu­ra­tion de la can­cé­ro­lo­gie low cost
http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/UNCAM-et-fac­tu­ra­tion-de-la.html
- Saisine du Défenseur des Droits sur la coo­pé­ra­tion low cost en can­cé­ro­lo­gie
http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Saisine-du-Defenseur-des-Droits.html
- Cancérologie low-cost : 45h de for­ma­tion pour pres­crire 5 types de médi­ca­ments : http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Cancerologie-low-cost-45h-de.html
- Le pro­to­cole dénoncé lors du HCPP Haut Conseil des Professions Paramédicales du 22 février 2013 : http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/HCPP-Haut-Conseil-des-Professions.html
- L’arrêté et le pro­to­cole de coo­pé­ra­tion auto­risé par l’ARS d’ile de France sont en ligne sur leur site
http://www.ile­de­france.paps.sante.fr/Les-pro­to­co­les-auto­ri­ses-en-Il.142052.0.html

Ce pro­to­cole contesté fait déjà l’objet :
- de recours gra­cieux du Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI CFE-CGC devant l’ ARS, le minis­tère et la Haute Autorité de Santé HAS (4 mars 2013) http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Cancerologie-low-cost-45h-de.html
- d’une sai­sine du Défenseur des Droits, Dominique BAUDIS (20 mars 2013) http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Saisine-du-Defenseur-des-Droits.html
- d’une mis­sion par­le­men­taire de la Commission des Affaires Sociales du Sénat, sous la copré­si­dence de Catherine GENISSON et Alain MILON (26 mars 2013) http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Cancerologie-low-cost-le.html
- d’une sai­sine du Haut Conseil de la Santé Publique par le Conseil de l’Ordre des Infirmiers d’île de France, car contraire aux règles de bonnes pra­ti­ques (22 avril 2013) http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/L-ordre-condamne-la-can­ce­ro­lo­gie.html
- d’une inter­syn­di­cale, qui doit être reçue par le Cabinet de la Ministre mi juin (24 avril 2013) http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Intersyndicale-CFE-CGC-FO-SNICS.html
- d’une condam­na­tion du Haut Conseil des Professions Paramédicales qui demande son retrait http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Le-HCPP-condamne-a-son-tour-la.html

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Communiqué SNPI 15.04.13 - (624.6 ko) - PDF
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