Les 12 heures à l’hôpital
5 mars 2012
Une Fausse bonne idée pour les employeurs ?
Un marché de dupes pour les professionnels ?
La situation financière des établissements hospitaliers impose aux directions de trouver des solutions d’économie, notamment sur le budget du personnel, en baissant la masse salariale ; l’organisation du travail en 12 heures peut être une solution rapide et séduisante pour un certain nombre de professionnels.
La rationalisation du temps de travail par la suppression des temps de chevauchement et des temps de relève permet de maintenir le même temps soignant auprès des patients tout en diminuant l’effectif.
Ainsi, dans un service de 50 lits de médecine, il y avait chaque jour 3 IDE de 6h30 à 14h00 ; 2 IDE de 13h à 20 h et 2 IDE de 19h30 à 07h soit 56 heures de soins effectifs.
Le passage en 12 heures permet d’organiser les soins avec 4 IDE de jour et 2 IDE de nuit soit 72 heures de soins effectifs.
Dans cet exemple, nous constatons une baisse de l’effectif infirmier de 1 poste alors que le temps de soins est augmenté : mais comment se traitent les temps de relève, les temps d’habillage et les temps de repas ?
Quels sont les impacts sur les personnels soignants, sur les cadres de proximité, sur la qualité de la prise en charge des patients ainsi que sur la qualité de vie des agents au travail ?
Pour les personnels soignants
1. Le premier grand avantage est la concentration du temps de travail. En effet un professionnel travaillant en 12 heures est présent à l’hôpital 12 jours toutes les 4 semaines au lieu de 20 jours lors d’un rythme en 7 heures. Ce qui a comme conséquence une réduction du coût, des transports domicile-travail ainsi que celui des gardes d’enfants.
2. les journées en 7 heures imposent des enchainements soir /matin et des semaines de 5 jours sur 7. Parfois, une séquence de 7 jours de travail coupée seulement par un seul repos. Ce qui est de plus en plus dénoncé par les professionnels et argumente l’attrait vers les rythmes en 12 heures.
3. La présence des mêmes personnels tout au long de la journée permet de maintenir l’organisation en secteurs de soins, ce qui facilite la continuité des prises en charge des patients, lisse la charge en soins sur la journée. En outre cela réduit le nombre de transmissions inter équipes.
Pour les cadres de proximité
La gestion des plannings est simplifiée de par l’unicité de l’horaire. En revanche c’est la seule professionnelle à être présente tout au long de la semaine et devient par le fait le seul garant du suivi de chaque patient.
Le management des équipes devient plus difficile car la moindre présence des personnels complique sa tâche de manager et de communicant.
Enfin le planning peut créer des groupes qui ne se rencontrent plus, ainsi la gestion des conflits peut être majorée.
La baisse de la présence des professionnels rend plus difficile l’implication dans l’organisation du service, dans les projets institutionnels, de services ou transversaux.
Impact sur la qualité de vie au travail des agents et sur la qualité des soins.
La qualité de vie pour un personnel hospitalier travaillant en roulement dépend notamment de la qualité du planning ; c’est-à-dire du nombre de week-ends travaillés par mois, du nombre de jours travaillés consécutivement, à ce sujet, la MEAH* préconise d’ « Éviter impérativement 3 jours de 12h d’affilée », de la longueur des périodes de repos…
En effet, ces rythmes en 12 heures (dont la journée peut atteindre 13 heures en fonction du temps de relève, du temps de déshabillage) produisent à terme de la fatigue et son corollaire qui est la baisse de la vigilance. Celle-ci peut avoir des conséquences non seulement sur la sécurité des soins, mais aussi sur la santé au travail avec un risque plus important d’accident de travail.
In Fine…
Les organisations de soins en 12 heures sont réclamées tant par les directions d’hôpitaux que par les jeunes professionnels, pour les raisons développées ci-dessus. Cependant nous pouvons craindre à terme pour les employeurs une augmentation des remplacements et donc des dépenses en CDD et intérim. Les organisations en 7 heures produisent une flexibilité par le fait que les horaires peuvent être aménagés en fonction des pics de charge de travail de la journée, ce qui ne peut évidemment pas se faire avec un horaire unique de 12 heures !
Ainsi, l’objectif de la baisse de la masse salariale pourrait être compromis !
Les jeunes professionnels, quant à eux, utilisent cette organisation pour augmenter leur pouvoir d’achat et alimentent le personnel des agences d’intérim ou les listes de vacataires que possède chaque établissement de santé.
Enfin, pour d’autres c’est aussi le moyen d’échapper aux mauvaises conditions de travail ! « Moins on y est et mieux on se porte »
Mais que dire des professionnels plus âgés contraints d’accepter de tels rythmes, et quelle cohérence y a-t-il avec la loi sur l’aménagement des postes de travail pour les seniors ?
La réglementation impose aux employeurs d’éviter les risques de les évaluer et de les combattre tout en adaptant le travail à l’homme !
Elle réglemente aussi, la durée maximale journalière à 12 heures par dérogation, alors que nous avons vu que des temps de travail ne sont plus rémunérés comme les transmissions, ou encore l’habillage...
Cette mission ne pourra se faire qu’en intégrant les salariés eux-mêmes dans ces projets de réorganisations .En effet ce sont les professionnels de terrain, notamment les cadres de proximité, qui sont en capacité d’identifier les risques, tant pour les patients que pour leurs équipes, mais aussi les marges de manœuvre d’économie pour la structure.
D’autres travaux sont à envisager pour que la sécurité des patients et des salariés soit garantie, comme la recherche d’indicateurs permettant l’adaptation des ressources à l’activité.
La mise en place des horaires en 12 heures n’est pas seulement un changement d’horaires, c’est un bouleversement de la vie au travail avec des impacts sur la sécurité de tous, et cela peut ne pas être une réussite financière !
Source : FFASSscopie N° 80, à consulter en ligne sur www.cfecgc-santesocial.fr ».