Les patients ne sont pas des marchandises comme les autres

20 janvier 2008

Article paru sur le site JIM.fr (Journal International de Médecine) le 17.01.08.

Paris, le jeudi 17 jan­vier 2008 - Certains se sou­vien­nent peut-être qu’en l’an 2000 de notre ère, l’Assistance publi­que des hôpi­taux de Paris (AP-HP) avait conçu l’ambi­tion de doter tous les patients qu’elle accueillait dans ses établissements d’un bra­ce­let d’iden­ti­fi­ca­tion, com­por­tant nom, prénom, date de nais­sance, numéro d’iden­ti­fi­ca­tion et un code barre. Déjà à l’époque, le souci de la sécu­rité était invo­qué pour jus­ti­fier cette évolution.

Cependant, le projet avait été mas­si­ve­ment rejeté par les pro­fes­sion­nels de santé, qui avaient mis en avant les nom­breux enjeux éthiques sou­le­vés par une géné­ra­li­sa­tion de ces bra­ce­lets, dont l’oppor­tune uti­li­sa­tion ne paraît évidente que face aux per­son­nes tota­le­ment inca­pa­bles de décli­ner leur iden­tité (nour­ris­sons, patients atteints de démence, etc.).

Sécurité

Sept ans après cette pre­mière fronde qui avait incité l’AP-HP à renon­cer à son pro­gramme, l’hôpi­tal Saint Louis semble aujourd’hui décidé à géné­ra­li­ser ces bra­ce­lets d’iden­ti­fi­ca­tion. Les réti­cen­ces res­tent cepen­dant nom­breu­ses et sont notam­ment relayées par le Syndicat natio­nal des pro­fes­sion­nels infir­miers (SNPI), qui, entre autres, dif­fuse une péti­tion contre le recours sys­té­ma­ti­que à ces bra­ce­lets.

Si l’établissement jus­ti­fie sa déci­sion par un souci de sécu­rité et rap­pelle que le temps passé par chaque soi­gnant auprès d’un même malade devrait dans l’avenir être de plus en plus réduit en raison de la « mutua­li­sa­tion des res­sour­ces humai­nes au niveau des pôles », le SNPI dénonce pour sa part un sys­tème qui tend à trans­for­mer les patients en « objet de soins ». « Lorsqu’une per­sonne hos­pi­ta­li­sée est capa­ble de décli­ner son iden­tité, lui deman­der de "s’étiqueter" revient à la nier en tant que per­sonne » peut-on lire sous la plume de l’orga­ni­sa­tion.

« J’ai déjà un numéro d’iden­ti­fi­ca­tion tatoué »

Les argu­ments du SNPI sont nom­breux et repo­sent par­fois sur des expé­rien­ces dou­lou­reu­ses, déjà obser­vées dans le cadre de l’expé­ri­men­ta­tion du dis­po­si­tif. Le syn­di­cat remar­que ainsi que le bra­ce­let d’iden­tité ren­voie au « bra­ce­let du pri­son­nier » et plus géné­ra­le­ment à l’idée d’un « mar­quage ». Ainsi, une patiente aurait demandé à l’infir­mière si elle était obli­geait de porter un bra­ce­let en raison de sa séro­po­si­ti­vité.

La « cho­si­fi­ca­tion » des patients est également dénon­cée à tra­vers l’image ren­voyée par le code barre : « Peut-on ima­gi­ner que trai­ter une per­sonne hos­pi­ta­li­sée comme un objet de consom­ma­tion ne modi­fie pas la rela­tion soi­gnant /soigné ? » demande l’orga­ni­sa­tion.

C’est toute la rela­tion de confiance entre le pro­fes­sion­nel de santé et le patient qui appa­raît être remise en cause par ces bra­ce­lets d’iden­tité selon l’orga­ni­sa­tion qui affirme également que l’infir­mière elle-même est « ins­tru­men­ta­li­sée » par cette nou­velle tâche.

Enfin, et n’hési­tant pas à s’aven­tu­rer sur des ter­rains de com­pa­rai­son par­fois dan­ge­reux, le syn­di­cat rap­porte cette dou­lou­reuse anec­dote. Une jeune infir­mière qui avait choisi d’appli­quer les consi­gnes de la direc­tion aurait un jour été confron­tée à un vieil homme hos­pi­ta­lisé qui lui aurait répondu au moment où elle lui deman­dait de mettre son bra­ce­let : « Mademoiselle, je n’ai pas besoin de votre bra­ce­let, j’ai déjà un numéro d’iden­ti­fi­ca­tion tatoué ».

Pour voir l’arti­cle "Les patients ne sont pas des mar­chan­di­ses comme les autres" du site http://www.jim.fr, cli­quez ici : http://www.jim.fr/en_direct/pro_societe/e-docs/00/01/7D/F0/docu­ment_actu_pro.phtml

Pour plus d’infor­ma­tions, lire les arti­cles de notre site :
- L’inac­cep­ta­ble bra­ce­let à l’hôpi­tal (arti­cle paru dans Libération) http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/L-inac­cep­ta­ble-bra­ce­let-a-l.html
- Dérive au CHU Saint Louis : quand le sécu­ri­taire bous­cule l’éthique
- Relation soi­gnant-soigné et bra­ce­lets d’iden­tité

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