Franchise médicale : fausse responsabilisation, vraie injustice sociale

1er août 2025

Il paraît que la mesure vise à « res­pon­sa­bi­li­ser » les patients. Le mot est lâché, comme un mantra bud­gé­taire pour jus­ti­fier l’injus­ti­fia­ble. Le pla­fond de la fran­chise médi­cale pas­sera de 50 à 100 euros par an, si le gou­ver­ne­ment appli­que son projet. Concrètement, les mala­des paie­ront davan­tage pour leurs médi­ca­ments et leurs soins para­mé­di­caux, des soins pres­crits par un méde­cin et donc jugés néces­sai­res à leur santé. Comment peut-on encore parler de « res­pon­sa­bi­li­sa­tion » quand il ne s’agit que de faire payer davan­tage ceux qui sont déjà fra­gi­li­sés ?

Rappelons ce qu’est une fran­chise médi­cale : un euro sur chaque boîte de médi­ca­ments, sur chaque séance de kiné­si­thé­ra­pie, chaque acte infir­mier. Quatre euros sur les trans­ports sani­tai­res. Des sommes qui sem­blent modes­tes au départ, mais qui s’accu­mu­lent très vite pour celles et ceux qui ont besoin de trai­te­ments régu­liers ou de soins pro­lon­gés. Diabétiques, patients car­dia­ques, insuf­fi­sants res­pi­ra­toi­res, mala­des du cancer : ce sont eux qui paient.

Le gou­ver­ne­ment affirme que cette mesure inci­te­rait à « mieux consom­mer les soins ». C’est une contre-vérité dan­ge­reuse. Personne ne se lève le matin avec l’envie de mul­ti­plier les piqû­res ou les pan­se­ments pour le plai­sir. Les soins para­mé­di­caux ne sont pas des biens de consom­ma­tion que l’on choi­si­rait sur un coup de tête. Ils sont pres­crits parce qu’ils sont néces­sai­res, et leur uti­li­sa­tion répond à un objec­tif : sou­la­ger, guérir ou sta­bi­li­ser une mala­die.

Un coup porté à la santé publi­que

Derrière les chif­fres et les mots choi­sis, il y a la réa­lité : cette aug­men­ta­tion du pla­fond de fran­chise est une bar­rière sup­plé­men­taire à l’accès aux soins. Les plus modes­tes renon­ce­ront à renou­ve­ler un trai­te­ment. Certains espa­ce­ront leurs séan­ces de kiné ou retar­de­ront des soins infir­miers à domi­cile pour économiser quel­ques euros. On connaît déjà le résul­tat : des com­pli­ca­tions, des hos­pi­ta­li­sa­tions évitables, et à terme… des dépen­ses de santé encore plus lour­des pour la col­lec­ti­vité.

"Ce méca­nisme est bien connu des soi­gnants. Chaque fois que le reste à charge aug­mente, même fai­ble­ment, la fré­quen­ta­tion des soins néces­sai­res dimi­nue. C’est ce qu’on appelle le renon­ce­ment aux soins. Et contrai­re­ment à ce que sug­gè­rent cer­tains dis­cours, ce ne sont pas des « abus » qui dis­pa­rais­sent : ce sont des trai­te­ments vitaux qui ne sont pas pris, des plaies qui s’infec­tent, des mala­dies chro­ni­ques qui se décom­pen­sent." pré­cise Thierry Amouroux, le porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI.

Cette hausse touche prio­ri­tai­re­ment ceux qui ont le moins de marge de manœu­vre finan­cière : retrai­tés modes­tes, famil­les mono­pa­ren­ta­les, tra­vailleurs pré­cai­res. Les Français aux reve­nus confor­ta­bles ne ver­ront qua­si­ment pas la dif­fé­rence. En revan­che, pour les patients déjà fra­gi­li­sés par la mala­die et la pau­vreté, chaque euro compte.

On assiste à un para­doxe insup­por­ta­ble : ce sont les mala­des les plus assi­dus, ceux qui sui­vent scru­pu­leu­se­ment leur trai­te­ment, qui seront les plus « punis » par la fran­chise médi­cale. Tandis que la Sécurité sociale, censée pro­té­ger des aléas de la vie, se trans­forme peu à peu en sys­tème à plu­sieurs vites­ses, où l’accès aux soins dépend de la capa­cité à payer.

Le terme de « res­pon­sa­bi­li­sa­tion » est une insulte à l’intel­li­gence et à la réa­lité des patients. Qui pour­rait croire qu’une per­sonne en affec­tion de longue durée prend trop de médi­ca­ments « par confort » ? Qu’une per­sonne âgée qui appelle une infir­mière pour une injec­tion le fait par fan­tai­sie ?

La vérité, c’est que l’État cher­che des économies faci­les. Après avoir déjà aug­menté le prix des fran­chi­ses en février 2024, il double main­te­nant le pla­fond annuel. Le rai­son­ne­ment est comp­ta­ble, mais il est déconnecté des enjeux de santé publi­que. Car un patient qui renonce à ses soins n’est pas un patient « res­pon­sa­bi­lisé », c’est un patient en danger.

La France aime à se vanter de son sys­tème de santé soli­daire, mais chaque année, des mesu­res comme celle-ci gri­gno­tent un peu plus ce modèle. La santé n’est pas un luxe, ce n’est pas un loisir, ce n’est pas une option que l’on choi­sit selon ses moyens. C’est un droit fon­da­men­tal.

En affai­blis­sant ce droit au nom de la rigueur bud­gé­taire, on com­pro­met non seu­le­ment la santé des indi­vi­dus, mais aussi celle de la société tout entière. Les iné­ga­li­tés de santé se creu­sent, la pré­ven­tion recule, et les infir­miè­res se retrou­vent une fois de plus à gérer les consé­quen­ces d’une poli­ti­que de court terme.

Les fran­chi­ses médi­ca­les ne feront pas faire d’économies dura­bles. Elles dépla­ce­ront sim­ple­ment la dépense, de la méde­cine de ville vers l’hôpi­tal, du soin pré­coce vers la prise en charge des com­pli­ca­tions. Au lieu de culpa­bi­li­ser les patients, il est urgent de réflé­chir à des poli­ti­ques de santé publi­que qui ren­for­cent la pré­ven­tion, sou­tien­nent l’éducation à la santé et amé­lio­rent la conti­nuité des soins.

Responsabiliser les mala­des, ce n’est pas les faire payer plus cher. C’est leur donner les moyens de se soi­gner à temps, de com­pren­dre leur trai­te­ment, de vivre avec leur mala­die sans que chaque ordon­nance ne soit vécue comme une menace pour leur budget.

En dou­blant le pla­fond de la fran­chise médi­cale, le gou­ver­ne­ment prend le chemin inverse : il fra­gi­lise les plus vul­né­ra­bles et sape les fon­de­ments mêmes de notre sys­tème soli­daire. À terme, c’est toute la société qui en paiera le prix.

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