Le toucher au coeur des soins (guide SFAP)
23 avril 2011
Guide pour la pratique, la formation et l’évaluation en soins infirmiers, réalisé par le Groupe national Toucher S.F.A.P. (Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs)
Rapporteurs pour le Collège National des Acteurs en Soins Infirmiers
Marie-Christine FEDOR, Sylvie GROUSSET, Claire LEYSSENE-OUVRARD, Evelyne MALAQUIN-PAVAN
1 – Genèse, objectifs et méthode
Qui ? Constitué depuis 2003, notre groupe infirmier expérimenté exerce dans différents domaines
de soins et pratique le toucher détente quotidiennement, que ce soit dans les soins directs, le
compagnonnage et la formation initiale/continue. Cette pratique est régulièrement confrontée à la
réalité du terrain et mobilisée dans des travaux de recherche, d’analyse de pratiques et de
publications afin d’actualiser nos acquis dans l’approche verbale et non verbale inscrites au coeur des
soins préventifs, curatifs et palliatifs.
Pourquoi ? Le constat d’hétérogénéité des pratiques et de formations, la prévention des douleurs
induites en pleine évolution, l’engouement pour pratiquer le toucher détente et sa légitimité toujours
à démontrer dans les différentes professions du soin sont les questions récurrentes abordées lors
des réunions du Collège National Soins Infirmiers de la SFAP de la part des professionnels praticiens
et/ou enseignants sur ce sujet.
Quoi ? S’appuyant sur le postulat que chaque professionnel amené à toucher le corps d’un autre
être humain doit se questionner sur le rôle du toucher dans cette pratique ainsi que sur son
influence sur les interactions mises en oeuvre, le guide élaboré vient pallier en partie l’absence de
référentiel publié à ce jour. Ce travail est le fruit d’une analyse réflexive basée sur une recherche
bibliographique et une mise en lien des expériences sur les tenants et aboutissants de l’utilisation du
toucher et du toucher détente (ou toucher-massage) dans les soins. Il se compose d’une part de
bases pratiques nécessaires à un usage réfléchi et sécurisé du toucher et, d’autre part, de concepts
structurants destinés à nourrir la nécessaire réflexion chez chaque soignant et/ou équipe souhaitant
développer ses connaissances théoriques et pratiques à propos du toucher.
Comment ? Ce guide peut être utilisé pour répondre rapidement et efficacement aux soignants qui
cherchent des informations précises ou à faire des liens pour y parvenir. Elles peuvent être
consultées par thème choisi soit pour soutenir la pratique du toucher, soit pour encourager la
recherche personnelle ainsi que l’auto évaluation des pratiques et des niveaux de formation
individuelle et/ou d’équipe qui vont de pair. La version longue met en lien les concepts structurants et
la bibliographie de référence pour une recherche plus approfondie.
Où ? La SFAP est précurseur dans la réflexion approfondie dans tous les domaines concernant
l’être humain en fin de vie, le toucher faisant partie intégrante de ces domaines. Ce travail est
facilement accessible sur le site de la SFAP (http://www.sfap.org).
2/– Bases de recommandations
2.1. - Principes généraux
1/ Le toucher est universel et nécessaire au développement physique et mental de l’être humain.
2/ Le toucher est un sens qui comprend cinq éléments : le contact, la pression, la chaleur, le froid, la
douleur. Les sensations de pression et de contact sont préservées chez la personne soignée malgré
les altérations dues à la vieillesse des sens ou aux pathologies évolutives.
3/ Le toucher réduit les distances sociales. C’est un sens exprimé et perçu de manière individuelle,
impliquant la conscience des deux partenaires lors d’interactions tactiles.
4/ Pour tout soin relevant de la distance intime, la négociation est à renouveler pour chaque partie
du corps touchée.
5/ La réflexion sur l’utilisation du toucher est indispensable à l’exercice professionnel de tout soignant
effectuant un soin sur le corps d’une personne.
6/ Le toucher détente est un acte volontaire que le soignant décide d’utiliser ou non/pas dans sa
pratique quotidienne.
7/ La gestuelle du toucher détente est différente des techniques de mobilisations mécaniques et
réflexes des tissus propres à l’exercice réglementé de la profession de masseur-kinésithérapeute.
8/ Le toucher détente peut être un acte quotidien. Il est composé d’un enchaînement de gestes qui
peuvent être appris par toute personne.
9/ Le toucher détente dispensé par le soignant intègre les postures soignantes ergonomiques
garantissant son propre confort d’installation matérielle et physique.
2.2. - Principes guidant la pratique
Toucher dans les soins
10/ Le soignant porte attention à la qualité de la prise de contact, aux effets sur le patient dans
l’interaction qui s’en suit et sur la qualité du retrait des mains en fin de soin.
11/ Le soignant est attentif et responsable à la manière dont il pose les mains.
12/ Dans la pratique du toucher dans les soins, le soignant sait réfléchir et agir de manière à être en
échange permanent avec la personne soignée.
Toucher détente (ou toucher massage)
13/ Le toucher détente est réalisé avec l’accord et le choix du patient.
14/ Le toucher détente est basé sur une prise de contact, un mouvement des mains, un
enchaînement gestuel et une séparation fluides et progressifs.
15/ Le toucher détente est une volonté soignante d’utiliser ses mains au service d’une rencontre et
du processus de soin.
16/ Le toucher détente s’inscrit dans une démarche de soins et répond à une demande ou à
l’identification d’un problème afin de favoriser un meilleur bien-être ou optimiser la prévention des
douleurs induites.
17/ Le toucher détente est appliqué par le soignant en toute connaissance des contre-indications
pouvant exister chez la personne soignée.
Positionnement éthique du soignant
18/ La pratique du toucher s’inscrit dans une dynamique de mobilisation des ressources de la personne soignée pour l’aider à conserver, maintenir ou restaurer son autonomie. Si néanmoins une dépendance se créait en direction d’un soignant, ce dernier s’organise pour réintroduire
progressivement les autres soignants de l’équipe.
19/ La personne soignée a le choix du soignant pour recevoir un toucher dans le cadre d’une alliance
thérapeutique établie en accord avec les valeurs de l’équipe.
20/ Le soignant accepte l’éventuel rejet de son intentionnalité soignante par la personne soignée
grâce à un travail sur lui.
21/ Le toucher détente chez la personne inconsciente se fait au cours d’une prise en charge
collective où la dimension éthique est abordée et évaluée.
Bénéfices pour la personne soignée
22/ Le toucher apporte des bénéfices physiques, mentaux et émotionnels.
23/ Le toucher permet, entre autre, de prévenir ou d’abaisser les douleurs induites, de diminuer le
seuil du stress, d’améliorer la communication verbale et non verbale.
24/ Le toucher permet d’augmenter le seuil de réceptivité tactile.
25/ Le bénéfice du toucher dépend du niveau d’attention, de présence et de disponibilité intérieure
du soignant.
Bénéfices pour le soignant
26/ Le toucher est pour le soignant l’opportunité de se centrer sur son ressenti, de cibler ses
propres limites et capacités dans le champ de la distance intime.
27/ Le toucher amène le soignant à initier ou à enrichir une relation d’aide.
Bénéfices pour l’entourage
28/ La transmission de la gestuelle du toucher détente que le soignant effectue en direction de
l’entourage permet à ce dernier de se réapproprier une place privilégiée dans la communication
verbale et non verbale avec son proche malade, de se sentir partie prenante de l’amélioration de sa
qualité de vie.
29/ La réciprocité du toucher et la possibilité d’offrir un toucher détente à son proche malade
apportent à la famille des bénéfices psychiques et émotionnels renforçant sa propre capacité à faire
face.
Modalités d’évaluation
30/ Les effets du toucher sont mesurés par une évaluation verbale et non verbale couplée avec des
paramètres cliniques observables qui font l’objet d’une traçabilité dans le dossier de soin.
31/ L’évaluation est toujours en lien avec le problème identifié avant le toucher détente.
32/ L’évaluation protège de la toute puissance soignante par le respect des besoins de la personne
soignée et du cadre de soin.
2.3. Principes guidant la formation
33/ La formation aborde trois domaines : le toucher, le toucher dans les soins, le toucher détente.
Si chaque domaine fait l’objet d’une formation en soi, le domaine Toucher est le prérequis du
domaine Toucher dans les Soins, lui-même prérequis du domaine Toucher détente.
34/ La formation est structurée en trois niveaux progressifs, autour du concept de novice à expert
redéfini par BENNER pour les soins infirmiers :
● Initiation : capacités à situer le toucher dans ses aspects sensoriels et relationnels + à
identifier la nature du toucher dans les soins.
● Approfondissement : capacités à identifier la nature du toucher + à utiliser consciemment le
toucher dans les soins + à dispenser un toucher détente adapté à la situation.
● Maîtrise et enseignement : expertise dans la pratique du toucher et du toucher détente +
capacité à savoir transmettre ses savoirs (compagnonnage, formation action) auprès des équipes et/ou des familles.
35/ Le niveau Initiation est le prérequis du niveau Approfondissement, lui-même prérequis du niveau
Maîtrise et enseignement.
36/ Le contenu de la formation toucher est évolutif :
● situe la communication non verbale au travers des différents sens dans le processus de soin.
● développe la relation et le toucher à soi avant de l’apprendre sur l’autre.
● respecte en parallèle l’évolution propre au stagiaire.
● assure au travers d’apports théoriques et d’exercices pratiques la modélisation de la pratique
permettant de réinscrire le toucher au coeur des soins courants et celle du toucher détente
comme soin à part entière.
37/ La formation insiste sur l’intérêt du toucher comme médiateur dans la relation.
38/ La formation insiste sur la différence de perception entre les individus.
39/ La formation promeut l’inscription du toucher détente dans la démarche de soin : recueil des
informations, analyse des données et identification du/des problème(s) de santé, définition
d’objectifs, intervenant le plus approprié/ souhait du patient/compétences requises, évaluations/transmissions orales et écrites des résultats.
2.4. - Principes guidant l’approche interdisciplinaire
40/ Les unités de soins prévoient un temps de réflexion en équipe sur l’intégration interdisciplinaire
du toucher dans les soins et le rôle de chaque partenaire en la matière.
41/ Le toucher fait l’objet d’une réflexion d’équipe quant à l’intentionnalité soignante et à
l’expression de ses modalités complémentaires au coeur des différents métiers du soin.
Pour télécharger la version courte du Guide pour la pratique, la formation et l’évaluation en soins infirmiers : http://www.sfap.org/pdf/III-G8b-pdf.pdf
Pour télécharger la version longue du Guide pour la pratique, la formation et l’évaluation en soins infirmiers : http://www.sfap.org/pdf/III-G8a-pdf.pdf