Les risques psychosociaux (RPS)

11 mars 2011

Les ris­ques psy­cho­so­ciaux (RPS) ne sont défi­nis, ni juri­di­que­ment, ni sta­tis­ti­que­ment, aujourd’hui, en France. Ils sont à l’inter­face de l’indi­vidu et de sa situa­tion de tra­vail d’où le terme de risque psy­cho­so­cial. Sous l’entité RPS, on entend stress mais aussi vio­len­ces inter­nes (har­cè­le­ment moral, har­cè­le­ment sexuel) et vio­len­ces exter­nes (exer­cées par des per­son­nes exté­rieu­res à l’entre­prise à l’encontre des sala­riés).

Les accords conclus à l’una­ni­mité par les par­te­nai­res sociaux en matière de stress (juillet 2008) et de har­cè­le­ment et vio­lence au tra­vail (mars 2010), per­met­tent de s’appuyer sur des défi­ni­tions rela­ti­ve­ment consen­suel­les, qui reconnais­sent le carac­tère plu­ri­fac­to­riel des RPS, admet­tent l’exis­tence de fac­teurs indi­vi­duels mais aussi orga­ni­sa­tion­nels.

Il convient de sou­li­gner aussi le carac­tère sub­jec­tif de ce risque qui relève de la per­cep­tion propre à chaque indi­vidu, ce qui n’empê­che ni de l’évaluer, ni de le mesu­rer (à l’instar de la dou­leur en milieu hos­pi­ta­lier), afin d’en appré­cier l’évolution dans le temps.

Dans l’idéal, il convien­drait de parler de « ris­ques psy­cho­so­ciaux au tra­vail », afin de bien cir­cons­crire le champ des res­pon­sa­bi­li­tés de l’employeur. Ce der­nier est tenu d’agir sur « ce sur quoi il a prise » et donc sur les déter­mi­nants des ris­ques psy­cho­so­ciaux dans son entre­prise, sans violer l’inté­grité psy­chi­que des inté­res­sés.

Si tout le monde s’accorde à sou­li­gner la plu­ri­fac­to­ra­lité des RPS qui carac­té­ri­sent à la fois l’orga­ni­sa­tion du tra­vail et les rela­tions inte­rin­di­vi­duel­les, il est impor­tant de rap­pe­ler que les fac­teurs à l’ori­gine des RPS sont connus et mis en évidence par une lit­té­ra­ture scien­ti­fi­que foi­son­nante.

Ils peu­vent être regrou­pés en 4 gran­des famil­les de fac­teurs :
- Les exi­gen­ces du tra­vail et son orga­ni­sa­tion : Autonomie dans le tra­vail, degré d’exi­gence au tra­vail en matière de qua­lité et de délais, vigi­lance et concen­tra­tion requi­ses, injonc­tions contra­dic­toi­res ;
- Le mana­ge­ment et les rela­tions de tra­vail : nature et qua­lité des rela­tions avec les col­lè­gues, les supé­rieurs, reconnais­sance, rému­né­ra­tion, jus­tice orga­ni­sa­tion­nelle ;
- La prise en compte des valeurs et atten­tes des sala­riés : déve­lop­pe­ment des com­pé­ten­ces, équilibre entre vie pro­fes­sion­nelle et vie privée, conflits d’éthique ;
- Les chan­ge­ments du tra­vail : concep­tion des chan­ge­ments de tout ordre, nou­vel­les tech­no­lo­gies, insé­cu­rité de l’emploi, restruc­tu­ra­tions …

Le stress n’est qu’une mani­fes­ta­tion des RPS. Parmi ces der­niers, il est à la fois le concept le mieux défini et le terme géné­ri­que le plus employé, par­fois vul­ga­risé au détri­ment de son sens. Dans le lan­gage cou­rant, le stress pro­fes­sion­nel est envi­sagé, selon les cas, comme un fac­teur de risque ou un effet néfaste sur la santé.

On dis­tin­gue les situa­tions de stress aigu (quand une per­sonne doit faire face à un événement ponc­tuel) et des situa­tions de stress chro­ni­que, lors­que cette situa­tion est dura­ble, entraî­nant des effets délé­tè­res sur la santé des sala­riés et des dys­fonc­tion­ne­ments dans l’entre­prise.

De manière plus fac­tuelle, le stress au tra­vail a fait l’objet de plu­sieurs modé­li­sa­tions (les modè­les de Karasek et de Siegrist sont les plus connus) qui ont contri­bué à déter­mi­ner pré­ci­sé­ment les dimen­sions per­met­tant de le mesu­rer. Le stress est basé sur l’idée d’une com­bi­nai­son d’éléments non com­pa­ti­bles entre eux, para­doxe qui serait à l’ori­gine d’une situa­tion de ten­sion.

Selon l’Agence euro­péenne pour la santé et la sécu­rité au tra­vail de Bilbao, « un état de stress sur­vient lorsqu’il y a désé­qui­li­bre entre la per­cep­tion qu’une per­sonne a des contrain­tes que lui impose son envi­ron­ne­ment et la per­cep­tion qu’elle a de ses pro­pres res­sour­ces pour y faire face. Bien que le pro­ces­sus d’évaluation des contrain­tes et des res­sour­ces soit d’ordre psy­cho­lo­gi­que, les effets du stress ne sont pas, eux, uni­que­ment de même nature. Ils affec­tent également la santé phy­si­que, le bien-être et la pro­duc­ti­vité ».

Les par­te­nai­res sociaux au niveau euro­péen ont défini le stress au tra­vail dans l’accord cadre du 8 octo­bre 2004 ; les orga­ni­sa­tions syn­di­ca­les de sala­riés et d’employeurs fran­çais ont trans­posé cet accord euro­péen en signant, le 2 juillet 2008, un accord natio­nal inter­pro­fes­sion­nel.

Quelles sont les consé­quen­ces de l’exis­tence de ris­ques psy­cho­so­ciaux dans l’entre­prise ?

Les RPS ont des effets délé­tè­res sur la santé des tra­vailleurs. Plusieurs méca­nis­mes étiologiques (effets des stres­seurs de type psy­cho­so­cial, aug­men­ta­tion de la ten­sion arté­rielle, com­por­te­ments à risque…) expli­quent l’asso­cia­tion entre fac­teurs de RPS et dif­fé­rents indi­ca­teurs de santé à la fois phy­si­que et men­tale. Au regard d’une lit­té­ra­ture ayant sou­li­gné les liens exis­tant entre fac­teurs de RPS et mala­dies cardio-vas­cu­lai­res, Troubles Musculo-Squelettiques ou patho­lo­gies men­ta­les (dépres­sion, anxiété), les RPS se révè­lent être un enjeu majeur en termes de santé publi­que.

Chiffres clés et sta­tis­ti­ques

Personne ne peut aujourd’hui igno­rer les consé­quen­ces du stress pro­fes­sion­nel sur la santé phy­si­que et men­tale des sala­riés. Des faits divers dra­ma­ti­ques vien­nent quo­ti­dien­ne­ment nous rap­pe­ler que les ris­ques psy­cho­so­ciaux cons­ti­tuent désor­mais une prio­rité en termes de pré­ven­tion. Leurs coûts finan­ciers sont plus rare­ment évoqués. Ils cons­ti­tuent pour­tant un autre argu­ment de poids plai­dant en faveur d’un ren­for­ce­ment des mesu­res de pré­ven­tion.

En 2007, l’INRS en col­la­bo­ra­tion avec Arts et Métiers ParisTech a évalué le coût social du stress en France à 2 à 3 mil­liards d’euros. Les auteurs insis­tent sur le fait qu’il s’agit d’une évaluation a minima. Les chif­fres réels sont vrai­sem­bla­ble­ment bien supé­rieurs, et ce pour deux rai­sons :

Dans cette étude, la mesure du stress est inhé­rente au modèle de Karasek. Or le « job strain » - mesure du stress selon Karasek - ou « situa­tion de tra­vail tendue », ne repré­sente qu’une partie des situa­tions de tra­vail for­te­ment stres­san­tes. Faute de don­nées suf­fi­sam­ment établies, d’autres fac­teurs de stress impor­tants comme le manque de sou­tien social ou le manque de reconnais­sance n’ont pas pu être pris en compte.

Parmi les patho­lo­gies liées au stress, ont été rete­nues les mala­dies car­dio­vas­cu­lai­res (infarc­tus, mala­dies céré­bro­vas­cu­lai­res, hyper­ten­sion…), la dépres­sion et cer­tains trou­bles mus­cu­los­que­let­ti­ques (TMS). Les mala­dies immu­ni­tai­res, aller­gi­ques ou encore les désor­dres hor­mo­naux sont en revan­che exclus du champ de l’étude. Enfin, la dimen­sion du coût pour l’indi­vidu, et en par­ti­cu­lier la souf­france et la perte de bien-être que le stress occa­sionne, n’a pas pu être prise en compte.

De quel­les études dis­pose-t-on ?

Le col­lège d’exper­tise sur le suivi sta­tis­ti­que des RPS, mis en place à la suite du rap­port Nasse/Légeron, a rendu un rap­port inter­mé­diaire sur la ques­tion en octo­bre 2009. Retenant pro­vi­soi­re­ment six dimen­sions de RPS, le col­lège sou­li­gne que « pour pou­voir cons­truire des indi­ca­teurs syn­thé­ti­ques per­ti­nents, il fau­drait dis­po­ser d’un modèle théo­ri­que de réfé­rence embras­sant les dif­fé­ren­tes dimen­sions évoquées, et d’une source sta­tis­ti­que per­met­tant de vali­der empi­ri­que­ment les regrou­pe­ments d’indi­ca­teurs au sein d’une (sous-)dimen­sion ou issus de plu­sieurs (sous-)dimen­sions ».

Par consé­quent, si les indi­ca­teurs exis­tants pré­sen­tent de nom­breu­ses limi­tes, il n’est pas aisé d’en cons­truire de nou­veaux. Le col­lège d’exper­tise pro­pose une bat­te­rie d’indi­ca­teurs tirés de diver­ses enquê­tes menées en France (détails ci-des­sous). Ces indi­ca­teurs sont per­ti­nents dans le cadre d’un suivi sta­tis­ti­que et épidémiologique des RPS à l’échelle de la popu­la­tion fran­çaise, mais ne sont pas for­cé­ment trans­po­sa­bles et adap­tés à un diag­nos­tic en – petite –entre­prise.

Parmi les enquê­tes four­nis­sant des don­nées inté­res­san­tes sur l’expo­si­tion aux RPS en France, citons :

L’enquête Conditions de Travail (ECT), lancée par la DARES en 1978, puis reconduite en 1984, 1991, 1998 et 2005 (la pro­chaine édition est prévue en 2012). Si cer­tai­nes dimen­sions des deux modè­les de stress les plus répan­dus (Karasek et Siegrist) appa­rais­sent de plus en plus pré­sen­tes à chaque nou­velle vague, l’enquête ECT conserve une cer­taine dis­tance vis-à-vis de ces modè­les. Ils cons­ti­tuent une source d’ins­pi­ra­tion, sans pour autant deve­nir une réfé­rence contrai­gnante.
- Télécharger l’Enquête Conditions de Travail (2005) http://www.tra­vail-emploi-sante.gouv.fr/etudes-recher­che-sta­tis­ti­ques-de,76/sta­tis­ti­ques,78/condi­tions-de-tra­vail,80/les-enque­tes,188/condi­tions-de-tra­vail,1736.html

L’enquête SIP (Santé et iti­né­raire pro­fes­sion­nel), lancée fin 2006 et renou­ve­lée en 2010, témoi­gne d’une prise en compte gran­dis­sante des RPS dans les enquê­tes sur les condi­tions de tra­vail. Pour chacun des emplois occu­pés par la per­sonne enquê­tée au cours de sa vie pro­fes­sion­nelle, on retrouve de nom­breu­ses moda­li­tés cor­res­pon­dant à des dimen­sions pro­pres aux RPS.
- Télécharger l’enquête SIP (2006-2007) http://www.tra­vail-emploi-sante.gouv.fr/etudes-recher­che-sta­tis­ti­ques-de,76/sta­tis­ti­ques,78/sante-au-tra­vail,87/enque­tes,273/s-i-p,5353.html

L’enquête SUMER est le seul outil sta­tis­ti­que dis­po­ni­ble en France qui four­nit une mesure de l’expo­si­tion au stress pro­fes­sion­nel basée sur un modèle de réfé­rence (le JCQ de Karasek en 2003). Les résul­tats de l’enquête ont permis de pro­duire une mesure du « job strain » (mesure du stress selon le modèle de Karasek) pour une popu­la­tion repré­sen­ta­tive de la popu­la­tion sala­riée fran­çaise. La nou­velle enquête SUMER 2009 pré­sente une mesure plus com­plète des fac­teurs de RPS en inté­grant la reconnais­sance au tra­vail (partie du ques­tion­naire de Siegrist). Les pre­miers résul­tats sont atten­dus pour fin 2011.
- Téléchargez l’enquête SUMER 2009 http://www.tra­vail-emploi-sante.gouv.fr/etudes-recher­che-sta­tis­ti­ques-de,76/sta­tis­ti­ques,78/sante-au-tra­vail,87/enque­tes,273/sumer-2009-la-col­lecte,8629.html

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