Lien entre mortalité et charge de travail infirmière

4 mars 2014

Il faut des ratios : pour telle spécialité, une infirmière pour tel nombre de patients.

L’étude parue dans le Lancet montre que chaque patient ajouté à la charge de tra­vail quo­ti­dienne d’une infir­mière en chi­rur­gie aug­mente le risque de décès de 7% (sur 420.000 patients de 300 hôpi­taux de 9 pays euro­péens). Le pire est qu’une étude simi­laire publiée en 2002 dans le jour­nal de l’American Medical Association (menée sur 800 hôpi­taux de 11 états amé­ri­cains) était arri­vée exac­te­ment au même chif­fre de 7%, mais que 12 ans après les pou­voirs publics conti­nuent à aug­men­ter notre charge de tra­vail !

En 2009, une enquête inter­na­tio­nale (conduite auprès de 2.203 infir­miè­res dans onze pays : Afrique du Sud, Brésil, Canada, Colombie, États-Unis, Japon, Kenya, Ouganda, Portugal, Royaume-Uni et Taiwan) pré­sen­tée lors du 24e Congrès du Conseil inter­na­tio­nal des infir­miè­res, démon­trait que la charge de tra­vail s’est aggra­vée depuis 2004, avec des consé­quen­ces poten­tiel­les sur la qua­lité des soins pro­di­gués aux patients : http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Les-patients-paient-le-prix-du

Les patients paient le prix du manque de per­son­nel et des sur­char­ges de tra­vail

Ces der­niers mois, la sur­charge de tra­vail comme le manque de per­son­nel se fait res­sen­tir dans de nom­breux ser­vi­ces, et nos mili­tants enre­gis­trent une aug­men­ta­tion des erreurs médi­ca­les. Elles sont prin­ci­pa­le­ment trai­tées en interne au sein des établissements, où l’on fait la part entre le man­que­ment pro­fes­sion­nel per­son­nel et ce qui impu­ta­ble à une charge de tra­vail exces­sive.

Il en découle une aug­men­ta­tion du risque de mor­bi­dité et de mor­ta­lité à l’hôpi­tal : mau­vaise ges­tion de la dou­leur, mau­vaise ges­tion des dou­leurs tho­ra­ci­ques aigues, retard dans l’admi­nis­tra­tion d’anti­bio­ti­ques par rap­port aux pro­to­co­les recom­man­dés, aug­men­ta­tion du nombre de réad­mis­sions à l’hôpi­tal, et dimi­nu­tion du degré de satis­fac­tion des patients.

Or en France nous n’avons un ratio infir­mier que dans cer­tains ser­vi­ces, comme en réa­ni­ma­tion http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Ratio-d-IDE-par-patients-en,466.html
et en dia­lyse http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Ratio-d-IDE-par-patients-en.html

Le SNPI CFE-CGC conseille aux soi­gnants d’être vigi­lants, en signa­lant pré­ven­ti­ve­ment les situa­tions dif­fi­ci­les qui peu­vent débou­cher sur un inci­dent, par une fiche d’alerte lors de chaque situa­tion dif­fi­cile, pour pré­ve­nir par écrit l’admi­nis­tra­teur de garde, et les élus du CHSCT d’une situa­tion dan­ge­reuse.

Le per­son­nel infir­mier affi­che un degré élevé d’épuisement, d’absen­téisme, de rou­le­ment, de fati­gue et d’insa­tis­fac­tion au tra­vail. Les études établissent un lien direct entre le degré de satis­fac­tion du per­son­nel infir­mier et celui des patients.

Selon les répon­ses de plus de 21.000 infir­miè­res (sala­riés du sec­teur public, privé, libé­raux et étudiants) à une grande enquête réa­li­sée en mars 2012, par le Conseil de l’Ordre des Infirmiers, près d’un infir­mier sur deux estime ne pas pou­voir assu­rer une sécu­rité des soins opti­male à ses patients au regard de ses condi­tions d’exer­cice : http://www.ordre-infir­miers.fr/actua­li­tes/arti­cles/les-infir­miers-aler­tent-les-pou­voirs-publics-et-les-can­di­dats-a-lelec­tion-pre­si­den­tielle-sur-la-qua­lite-et-la-secu­rite-des-soins-a-lho­pi­tal.html

Deux décen­nies d’études natio­na­les et inter­na­tio­na­les ont établi, de façon
cons­tante, un lien très clair entre la dota­tion ina­dé­quate en per­son­nel infir­mier et la santé des patients, y com­pris une aug­men­ta­tion du taux de mor­ta­lité, des infec­tions uri­nai­res, des sep­ti­cé­mies, des infec­tions hos­pi­ta­liè­res, des sai­gne­ments gas­tro­duo­dé­naux, des chocs et des arrêts car­dia­ques, des erreurs médi­ca­les, des échecs des secours, et des durées plus lon­gues que pré­vues du séjour à l’hôpi­tal. La fer­me­ture de ser­vi­ces entraine un sur­peu­ple­ment des urgen­ces avec des « soins infir­miers dans les cou­loirs » et autres lieux inap­pro­priés.

Les recom­man­da­tions qui décou­lent des études inter­na­tio­na­les sont clai­res :
- il faut s’enten­dre sur une charge de tra­vail com­pa­ti­ble avec des soins de qua­lité avec des ratios : pour telle spé­cia­lité, une infir­mière pour tel nombre de patients.
- amé­lio­rer les condi­tions de vie au tra­vail du per­son­nel infir­mier, afin de réduire la fati­gue chez le per­son­nel infir­mier, source d’absen­téisme
- asso­cier le per­son­nel infir­mier aux déci­sions rela­ti­ves aux soins des patients
- aug­men­ter les bud­gets alloués à la for­ma­tion et au déve­lop­pe­ment pro­fes­sion­nel continu DPC

Exemples étrangers : quand qua­lité rime avec ren­ta­bi­lité

Des solu­tions ont été mises en oeuvre en Californie et en Australie, où le per­son­nel infir­mier a réussi à faire pres­sion et obte­nir des ratios infir­mière-patients pres­crits par la loi et les conven­tions col­lec­ti­ves. De tels ratios limi­tent le nombre de patients dont doit s’occu­per l’infir­mière. Par exem­ple, en Californie, un ratio de 1 pour 4 est pres­crit par la loi.

À New South Wales, en Australie, les ratios ont été déter­mi­nés en fonc­tion d’une for­mule d’heures mini­mum de soins infir­miers, par patient, par jour. Cette for­mule peut varier selon les clas­si­fi­ca­tions au sein de l’hôpi­tal mais, géné­ra­le­ment, les ratios cor­res­pon­dent à 1 pour 4 de jour. La dota­tion en per­son­nel peut être gérée au niveau de l’unité de soins.

Les études démon­trent une amé­lio­ra­tion des résul­tats des patients à la suite de la mise en place de ratios pres­crits. Des études sur l’expé­rience aus­tra­lienne démon­trent une dimi­nu­tion de la fré­quence des inci­dents direc­te­ment liés aux soins infir­miers (indi­ca­teurs de résul­tats liés aux soins infir­miers), y com­pris dimi­nu­tion du taux de mor­ta­lité, des com­pli­ca­tions du sys­tème ner­veux cen­tral, des ulcè­res, des gas­tri­tes, des sai­gne­ments duo­dé­naux, des sep­ti­cé­mies, des plaies de pres­sion, et de la durée du séjour à l’hôpi­tal. Les études sur l’expé­rience cali­for­nienne révè­lent des résul­tats simi­lai­res par rap­port au taux de mor­ta­lité.

Il est impor­tant de sou­li­gner que le coût lié à une aug­men­ta­tion de la dota­tion infir­mière peut être lar­ge­ment, voire même entiè­re­ment, récu­péré par l’établissement. Cela s’expli­que par le lien confirmé entre une aug­men­ta­tion de la dota­tion infir­mière et la dimi­nu­tion de la durée du séjour, des réad­mis­sions, de la mor­bi­dité, des erreurs médi­ca­les et du rou­le­ment du per­son­nel infir­mier.

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