Décret d’actes infirmiers : face à l’unanimité syndicale, le ministère va t-il passer en force ?
1er juillet 2008
Dans un communiqué de presse, rédigé à l’issue d’une réunion au Ministère, les organisations syndicales refusent la remise en cause du décret d’actes infirmiers par le Ministère de la santé.
Suite à l’avalanche de pétitions "touche pas à mon décret", et aux prises de position de plusieurs Conseils Départementaux de l’Ordre Infirmier, le Ministère a mesuré l’ampleur du mécontentement des infirmières. Pour tenter de calmer le jeu,la DHOS (Direction de l’Hospitalisation et l’Organisation des Soins) a animée le 27 juin une réunion de concertation avec les organisations syndicales représentatives et les syndicats professionnels d’infirmiers.
Etaient présents :
les fédérations CGT, CFDT, SUD, UNSA et CFE-CGC
les 4 syndicats de libéraux FNI, SNIIL, ONSIL et Convergence Infirmière
les syndicats infirmiers SNPI CFE-CGC, SNIICS FSU, SNIES UNSA et la CNI
Le ministère était représenté par la DHOS (Mme D’AUTUME, M. DECHANLAIRE, M. BOUDET et Mme MERLE) et trois responsables de la DSS (Direction de la Sécurité Sociale).
Le ministère souhaite utiliser le vecteur législatif de la loi Santé-Patient-Territoire (dite loi Bachelot) pour ajouter un article destiné à remplacer le décret d’actes infirmiers (dit décret de compétence) par une logique de métier, déclinée dans un simple arrêté, afin de modifier très facilement ce texte.
La loi Bachelot doit être soumise à l’avis du Conseil d’Etat fin août, et au Conseil des Ministre fin septembre pour passer au Parlement en octobre.
A l’unanimité, les organisations présentes :
ont refusé que l’on touche au décret d’actes infirmiers dans de telles circonstances, car celui ci est le garant de la qualité des soins, et protège de l’exercice illégal par des nouveaux métiers moins qualifiés,
ont dénoncé la précipitation et le manque de concertation,
ont refusé de travailler dans l’urgence, en pleine période estivale, sur un tournant dans l’histoire de la profession, sans que la profession soit correctement consultée.
Les organisations favorables à la création de l’Ordre Infirmier se sont étonnées de la volonté de travailler aussi vite, alors que le Conseil National de l’Ordre ne sera élu que fin novembre. Les textes rédigés l’été sont rarement porteurs d’évolution positive, et la volonté de court-circuiter l’Ordre est d’autant plus inquiétante sur les objectifs réels du Ministère.
La position du SNPI CFE-CGC est ferme :
le texte actuel, sous la forme d’un décret en Conseil d’Etat intégré au CSP, le Code de la Santé Publique, doit perdurer, car c’est la meilleure garantie contre l’exercice illégal par des "nouveaux métiers" peu qualifiés et peu payés (auxiliaires de vie, techniciens de bloc opératoires, assistants de gérontologie,...)
par contre, à coté (et non à la place), nous sommes favorables à un article de loi définissant une logique de missions dans le cadre de coopération entre professions de santé réglementées, avec déclinaison de ces pratiques avancées dans un autre texte règlementaire
Depuis 1981, notre décret d’acte a régulièrement évolué avec les techniques et les transferts de compétences. En 2004, il a intégré le CSP, il est donc hors de question de le voir se transformer en simple arrêté : qu’on ne touche pas à notre décret !
Au delà de ce socle de base qui préserve la qualité des soins, les pratiques avancées doivent faire l’objet d’un autre texte.
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Communiqué de l’intersyndicale, rédigé après cette réunion :
Les organisations syndicales CFDT, CFTC, CNI, CI, FNI, FO, ONSIIL, SNICS FSU, SNPI CFE-CGC, SUD, UNSA, UFMICT CGT refusent la remise en cause du décret d’actes infirmiers par le Ministère de la santé.
Ce dernier a convoqué les représentants de la profession, le 27 juin 2008, pour les informer de son intention de « mettre en place un cadre juridique, qui selon les représentants du Ministère, serait plus adapté et propre à favoriser les évolutions nécessaires ».
Cette décision fait suite aux propositions de la HAS (Haute Autorité de Santé) dans son rapport d’avril 2008.
Nous professionnels, nous y voyons surtout le risque d’une déréglementation de notre profession, permettant ainsi l’exercice de la profession infirmière par des nouveaux métiers moins qualifiés. D’autre part cela s’inscrit dans une logique de gestion de la pénurie médicale.
Nous sommes favorables à une évolution de la profession, intégrant les nouvelles coopérations entre professions réglementées, mais certainement pas dans la précipitation et au travers d’un article de la loi Santé Patient Territoire, rajouté en plein été.
Pour des modifications aussi radicales, mettant en jeu la qualité et la sécurité des soins, l’ensemble de la profession doit être consultée afin d’envisager sereinement les évolutions futures et nécessaires de notre profession.
Le ministère a annoncé la communication du projet d’article de loi sous 10 jours aux organisations présentes le 27 juin.
Nous invitons d’ores et déjà les professionnels infirmiers à la plus grande vigilance, et à se rapprocher de leurs organisations syndicales pour s’informer, malgré la période estivale, de l’évolution de ce dossier.
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Note écrite par la DHOS :
"La mesure vise à faciliter les coopérations professionnelles et le partage de compétences et d’actes entre professions médicales et paramédicales. Dans un contexte où notre système de santé est confronté d’une part à l’apparition de tensions démographiques et d’autre part au progrès continu des technologies biomédicales, son objectif est de permettre la mise en place d’un cadre juridique plus adapté, propre à favoriser les évolutions nécessaires.
L’encadrement des actes des professions paramédicales est maintenu mais ses modalités juridiques sont redéfinies afin de faciliter les adaptations pertinentes.
Les missions des professions paramédicales seraient ainsi confortées au niveau de la loi, la liste des actes étant fixée par arrêté, fixant ainsi les limites d’intervention du professionnel.
Les conditions d’exercice de chacune des professions paramédicales qui en sont dotées resteront fixées par décret.
Cette nouvelle architecture juridique fait suite en les adaptant aux recommandations de la Haute Autorité de santé pour rendre plus optimales les évolutions de l’exercice des professions paramédicales, qui sont appelées à voir leur champ s’élargir (rapport de décembre 2007 relatif aux nouvelles formes de coopérations de santé : les aspects juridiques et recommandation du 16 avril 2008).
Par ailleurs, les professionnels de santé ont exprimé des attentes en la matière dans le cadre des Etats généraux de l’organisation des soins, en vue d’une coopération qui facilite la prise en charge des personnes soignées sur l’ensemble du territoire national."