LMD : plateforme unitaire pour la reconnaissance universitaire
12 juin 2008
21 organisations infirmières ont adressé un courrier à Roselyne Bachelot, avec une plateforme unitaire de réflexion sur la discipline et les sciences infirmières.
Madame la Ministre,
Comme nous vous l’avions écrit le 31 octobre 2007, nous représentons des organisations infirmières associatives, syndicales ou étudiantes animées par la ferme volonté de réformer les formations infirmières sur le format LMD issu du processus de Bologne.
L’évolution des besoins et des attentes de la population en matière de santé et de soins infirmiers ainsi que les attentes des infirmières et infirmiers, commandent une réforme globale de cette filière de formation.
Notre analyse nous conduit à penser que l’élévation du niveau de qualification qui s’ensuivrait,
permettrait à cette profession responsable de conserver une dynamique d’amélioration continue de la qualité des prestations de soins dispensées aux usagers,
conforterait les capacités d’adaptation des professionnels engagés dans un processus de formation tout au long de la vie,
renforcerait le potentiel d’attractivité de cette filière,
réduirait le taux d’érosion observable en formation initiale et permettrait certainement d’augmenter la durée de vie professionnelle des infirmières qui est extrêmement courte (12 ans, tous secteurs d’activité confondus).
Dans l’attente de votre réponse et d’une audience que nous vous demandons pour la seconde fois de nous accorder, nous vous prions de croire, Madame la Ministre, à l’assurance de notre haute considération.
La plateforme unitaire de réflexion sur la discipline et les sciences infirmières demande :
le lancement d’une réforme globale de la filière de formation infirmière (formation initiale et post diplôme) dans le cadre de l’enseignement supérieur en application des modalités définies par le processus de Bologne,
la création d’une discipline des sciences infirmières dans le champ académique,
la reconfiguration des dispositifs actuels de formation,
le maintien du principe d’équité nationale dans l’attribution des diplômes universitaires et des diplômes d’Etat donnant autorisation d’exercice,
la mise en oeuvre de mesures transitoires permettant à l’appareil de formation et à ses acteurs d’accompagner la mise en oeuvre de cette réforme.
et enfin, la mise en place d’une équivalence licence pour les infirmiers et infirmières en activité déjà diplômés.
Les 21 organisations :
L’ Association des cadres infirmiers d’Aquitaine (ACIA),
L’Association du service de soins infirmiers angevins (ASSIA),
L’Association française des infirmiers(ères) de dialyse, transplantation et néphrologie (AFIDTN),
L’Association des enseignants des écoles d’infirmiers de bloc opératoire (AEEIBO),
L’Association française des directeurs des soins (AFDS),
L’Association nationale française des infirmières et infirmiers diplômés et étudiants (ANFIIDE),
L’Association de promotion de la profession infirmière (APPI),
L’Association de recherche en soins infirmiers (ARSI),
Le Comité d’entente des écoles préparant aux métiers de l’enfance (CEEPAME),
la CFTC Santé Sociaux,
la CGT Santé Sociaux,
la Coordination nationale infirmière (CNI),
Convergence infirmière,
l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (ONSIL),
le Syndicat national des infirmier(e)s conseiller(e)s de santé (SNICS / FSU),
le Syndicat national des infirmiers infirmières éducateurs de santé (SNIES / UNSA Education),
le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL),
le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI CFE-CGC),
l’Union nationale des associations d’infirmiers de bloc opératoire diplômés d’état (UNAIBODE),
l’Union nationale des associations en soins infirmiers et des infirmier(ère)s français (UNASIIF)
et l’Union nationale des étudiants de France (UNEF).
Plate forme de propositions
Contribution de la discipline infirmière à l’approche interdisciplinaire de la santé
Un passé
Héritière de pratiques sociales ancestrales visant à porter une attention particulière à l’Autre dans le but de lui apporter une aide, la fonction infirmière a été introduite en France à la fin du 19ème siècle. La création de cette activité professionnelle répondait à des besoins spécifiques de la société d’alors. Les progrès scientifiques réinvestis au service de la santé de la population, avaient rendu nécessaire l’introduction de la fonction infirmière. Dotée des connaissances nécessaires à sa pratique clinique en institution de soins (l’infirmière hospitalière) comme au cœur de la population (infirmière visiteuse), l’infirmière supplantait traditions et croyances dans le domaine du soin, utilisées et transmises jusqu’alors par les congrégations religieuses et les laïques.
L’infirmière, à l’instar du médecin, du pharmacien et de la sage femme étaient alors les professionnels de santé dont la contribution était jugée essentielle à l’amélioration de l’état de santé de la population.
L’identification d’un champ d’exercice spécifique dans le domaine de la santé, l’identification des savoirs à acquérir pour exercer ainsi que le développement d’un dispositif de formation spécifique, marquaient la création d’un embryon de discipline infirmière. Ces savoirs explicités pouvaient plus facilement être transmis.
Plus encore, en rendant obligatoire la possession du diplôme d’état pour exercer la fonction d’infirmière et en exigeant l’enregistrement de toute professionnelle auprès de l’autorité de santé publique, la société attribuait un statut professionnel à cette activité soignante.
Un présent
L’attribution, en 1978, d’un rôle propre à l’infirmière, centré sur l’entretien et la continuité de la vie, l’accompagnement des réactions humaines liées aux trajectoires de santé des personnes, reconnaissait une approche infirmière singulière qui enrichissait sa contribution à l’établissement du diagnostic médical et à l’application de la prescription thérapeutique. Le raisonnement clinique infirmier, alimenté d’une séméiologie infirmière (les diagnostics infirmiers) et médicale, est reconnu comme l’élément central de la pratique clinique : comprendre la situation du patient pour ensuite mieux agir de manière autonome ou en interdisciplinarité.
Le cadre réglementaire spécifique, désormais inclus dans le Code de Santé Publique, qui régit la pratique et la formation, met en avant la spécificité du champ disciplinaire infirmier dans le champ de la santé et jette les bases d’une déontologie infirmière.
L’infirmière doit assumer sa responsabilité face à la société : dispenser des soins infirmiers personnalisés en mobilisant les connaissances les plus récentes. Davantage, le Code de Santé Publique fait de la recherche en soins infirmiers une mission de l’infirmière pour laquelle les programmes de formation initiale et post diplôme préparent les étudiants et les professionnels. Ces textes valident l’utilité sociale de la communauté scientifique infirmière à l’instar de ce qui existe dans d’autres pays européens. La finalité de cette communauté scientifique réside dans la mise en lien des connaissances produites par des infirmières compétentes en matière de recherche, avec les infirmières « consommatrices » de ces savoirs scientifiques afin d’enrichir leur activité clinique, de formation ou de gestion. L’instauration de l’Evaluation des Pratiques Professionnelles afin de garantir une qualité de soins optimale à l’usager de notre système de santé, vient conforter l’obligation déontologique d’actualisation de ses pratiques.
Alors que la Haute Autorité de Santé utilise les connaissances scientifiques issues des travaux de recherche en sciences infirmières menés à l’étranger afin de formuler des recommandations de bonnes pratiques, il est là aussi paradoxal de ne pas reconnaître l’utilité d’une filière infirmière incluant un niveau doctoral en France.
La conception contemporaine de la santé place la collaboration entre les bénéficiaires de soins et les professionnels de santé comme essentielle à l’atteinte de résultats signifiants. La complexité des projets de soins requis implique une approche interdisciplinaire des situations de soins. Cette interdisciplinarité se définit au cœur des situations de soins par le croisement de perspectives disciplinaires variées dont la mise en commun vise à acquérir une meilleure compréhension des problèmes et à proposer des approches thérapeutiques combinées efficaces. Chaque discipline a ainsi l’objectif d’apporter une contribution optimale dans son champ spécifique.
Un futur
L’infirmière a été identifiée à la première place des professions sensibles susceptibles de connaître des mutations profondes dans l’étude réalisée en 2007 par le ministère de la santé.
La profession infirmière est incontournable dans le champ de la santé publique afin de répondre aux besoins de santé d’une population vieillissante, victime de pathologies chroniques et dans des situations souvent complexes. Celle-ci doit donc être attractive et offrir des trajectoires professionnelles stimulantes afin de fidéliser ses praticiens.
Ce groupe professionnel, important en nombre, doit être abordé comme une ressource dans laquelle il importe d’investir sur le court terme pour développer des compétences au lieu de se focaliser sur une logique économique à court terme.
La recherche infirmière représente un levier puissant permettant d’optimiser le rapport coûts/bénéfices à long terme dans le champ de la santé. Il est nécessaire d’investir dans une filière universitaire en soins infirmiers permettant le développement d’un seuil de compétences requis selon le champ d’activité dévolu au diplôme préparé :
analyse critique, utilisation des connaissances scientifiques et stratégie d’introduction de l’innovation pour les infirmières consommatrices de travaux de recherche. C’est à dire celles engagées dans la pratique clinique, la formation et la gestion.
conception, conduite et diffusion de travaux de recherche pour les infirmières préparées à un niveau doctoral dans leur discipline.
Ce dispositif universitaire fournirait les structures opérationnelles (laboratoires, enseignants-chercheurs, jeunes chercheurs, ...) indispensables au développement et au fonctionnement de toute communauté scientifique.
Il est temps de sortir le groupe professionnel infirmier de l’injonction paradoxale qu’il subit. La société, par le biais de la réglementation, lui assigne les responsabilités caractéristiques d’une communauté scientifique sans mettre à sa disposition les infrastructures universitaires requises. D’autant plus paradoxale que dans nombre de pays du monde, cette discipline est reconnue à un niveau scientifique.
Focus sur la discipline infirmière et les sciences infirmières
Préambule :
Les soins infirmiers offrent une réponse spécifique dans le domaine de la santé.
Cette réponse singulière est complémentaire de celle apportée par les autres disciplines évoluant dans le champ de santé (médecine, pharmacie, biologie, rééducation, ...).
Les soins infirmiers regroupent 4 domaines d’activités interdépendants :
la pratique clinique.
la formation dans le domaine des soins infirmiers.
la gestion de l’offre de soins infirmiers et du service infirmier.
la recherche infirmière.
La pratique clinique est l’essence de l’exercice infirmier.
Les savoirs qui alimentent l’exercice infirmier sont multiples.
Certains sont accessibles par la recherche scientifique classique mais d’autres plus qualitatifs, sont nécessaires à la pratique. Tout aussi rigoureux, ils permettent l’individualisation de la réponse soignante, l’identification et la gestion de questions d’éthique clinique ainsi que la connaissance de soi acquise au cours de son expérience professionnelle.
Les soins infirmiers renvoient à une assise de savoirs. La discipline est au service de la profession infirmière.
Le projet de la discipline infirmière regroupe et conforte les savoirs qui vont permettre d’entretenir, de soutenir et de promouvoir la vie au quotidien de toute personne malade, blessée ou handicapée, et de toute communauté ou collectivité dans son environnement. Ces savoirs et connaissances scientifiques visent aussi à accompagner leurs réactions face à leur trajectoire de santé, à contribuer à l’établissement du diagnostic médical et à l’application de la prescription médicale.
Cette discipline œuvre, afin de formaliser les savoirs sur lesquels elle s’adosse, par la recherche, donnant ainsi naissance à une science infirmière.
Caractéristiques de la science infirmière.
C’est une science à la croisée des sciences naturelles et des sciences humaines.
Son champ d’investigation est large, les soins infirmiers étant dispensés dans des environnements très variés (domicile, structure médicosociale, école, milieu carcéral, établissement de santé, ...).
Il peut être catégorisé ainsi
Domaine clinique :
o les principes et les lois qui gouvernent les processus de vie - le bien être - le fonctionnement optimal des êtres humains malades ou en bonne santé,
o les régularités observables dans les comportements de la personne ou du groupe en interaction avec son environnement,
o les processus pourvoyeurs de changement satisfaisants sur la santé des individus.
Domaine de la gestion des soins infirmiers.
Domaine de l’enseignement et de la formation appliquée aux soins infirmiers.
En outre, la discipline infirmière apporte sa contribution spécifique aux recherches interdisciplinaires.
Ce vaste champ disciplinaire est abordé en articulant les objectifs recherche fondamentale et recherche appliquée.
Les méthodologies de recherche employées pour l’explorer s’adossent sur des philosophies plurielles parfois nommées approches quantitatives, approches qualitatives ou mixtes.
Les décisions que nous jugeons nécessaires
Le lancement d’une réforme globale de la filière de formation infirmière (formation initiale et post diplôme) dans le cadre de l’enseignement supérieur en application des modalités définies par le processus de Bologne.
La création d’une discipline des sciences infirmières dans le champ académique.
La reconfiguration des dispositifs actuels de formation :
o Attribution du diplôme de Licence en sciences des soins infirmiers à l’entrée dans la profession infirmière conjointement à l’attribution du diplôme d’état par le ministère de santé (organisme certificateur).
o Diplôme de Master en sciences infirmières donnant accès aux domaines d’activités cliniques infirmiers post diplôme avec attribution conjointe d’un diplôme d’Etat.
Les dispositifs de formation des spécialités actuelles (infirmiers anesthésistes, infirmières puéricultrices, infirmiers de blocs opératoires) seront reconfigurés dans cette perspective.
Pour les domaines de la gestion et de la formation un diplôme de Master sera délivré au terme du cursus conjointement au diplôme cadre de santé option infirmier.
Pour le domaine de la recherche, un Master en sciences infirmières sera créé.
o Doctorat permettant de construire les connaissances scientifiques nécessaires à la santé de la population, à l’exercice de la profession infirmière et en partenariat avec les autres disciplines évoluant dans le champ de la santé.
Le maintien du principe d’équité nationale dans l’attribution des diplômes universitaires et des diplômes d’Etat donnant autorisation d’exercice.
La mise en œuvre de mesures transitoires permettant à l’appareil de formation et à ses acteurs d’accompagner la mise en œuvre de cette réforme.
Une équivalence Licence pour les infirmiers et infirmières en activité déjà diplômés.
Qui sommes nous ?
Des professionnels infirmiers issus de tous les domaines d’activités : pratique clinique généraliste et spécialisée, formations, gestion et recherche infirmière.
Des soignants travaillant dans des secteurs variés relevant de modalités d’exercice différentes (fonctions publiques, secteur privé, exercice libéral).
Des infirmières engagées dans des associations professionnelles, des syndicats professionnels et des syndicats confédéraux.
Des étudiants.
Un groupe informel uni autour d’une même finalité : articuler le développement de la profession, de la discipline et de la science infirmière au service de la population et dans une démarche interdisciplinaire dans le champ de la santé.
Des professionnels soucieux de maintenir et de garantir la qualité des soins infirmiers auprès de la population, préoccupés par la pénurie actuelle et à venir et par la désaffection des jeunes pour une profession centrée sur l’humain, aux débouchés assurés.
Un groupe qui, depuis des mois, mène une réflexion de fond sur l’avenir de la profession infirmière au regard des besoins de santé de la population afin de dégager une plate forme de propositions en matière de formation visant à doter les professionnels infirmiers des compétences et des infrastructures de soutien requises par leur exercice.