Statut libéral des aides-soignants

18 mai 2009

Sous cou­vert de confé­rer un statut libé­ral aux aides-soi­gnants, la pro­po­si­tion de loi Moyne-Bressand bou­le­verse toute l’orga­ni­sa­tion du sys­tème de soins

La mort d’un enfant de six mois le 1er jan­vier dans un hôpi­tal pari­sien n’était-elle pas un mes­sage d’alerte suf­fi­sam­ment fort et dra­ma­ti­que pour invi­ter les dépu­tés à plus de clair­voyance avant de sou­te­nir une pro­po­si­tion de loi qui ne fait pas de la sécu­rité des soins une prio­rité.

Cette pro­po­si­tion, visant à créer un statut libé­ral d’aide-soi­gnant dépo­sée le 1er avril à l’Assemblée natio­nale, est en partie une reprise non réac­tua­li­sée de pro­po­si­tions pré­cé­den­tes (Etienne Pinte, puis Léonce Desprez) fai­sant réfé­rence à des quotas d’exer­cice qui n’ont plus court pour les infir­miers libé­raux. Mais elle pré­sente sur­tout la par­ti­cu­la­rité de modi­fier, sans aucune concer­ta­tion préa­la­ble, le code de la santé publi­que pour confé­rer aux aides-soi­gnants le statut d’auxi­liaire médi­cal.

Tout porte à penser qu’il faut pren­dre au sérieux cette pro­po­si­tion de loi et notam­ment le fait que la CARPIMKO, caisse auto­nome de retraite réser­vée aux auxi­liai­res médi­caux, ait été récem­ment inter­ro­gée par le minis­tère afin d’envi­sa­ger la pos­si­bi­lité d’affi­lier les aides-soi­gnants ...

En dehors de l’impact sur les infir­miers libé­raux (la FNI estime à 20 000 les IDEL qui seront condam­nés à la faillite pure et simple dans les 10 pro­chai­nes années) et de tout réflexe de repli de la pro­fes­sion qui pour­rait appa­raî­tre cor­po­ra­tiste, peut-on accep­ter cette modi­fi­ca­tion radi­cale de statut des aides-soi­gnants sans que le légis­la­teur ne s’inter­roge sur les consé­quen­ces en termes de qua­lité et de sécu­rité des soins d’une telle déci­sion ?

En effet, l’inté­gra­tion des aides-soi­gnants dans le livre III du code de la santé publi­que leur confère « par auto­ri­sa­tion de la loi » la pos­si­bi­lité d’atten­ter à l’inté­grité phy­si­que des per­son­nes dans un but thé­ra­peu­ti­que. Rien ne s’oppo­sera dès lors à ce que des actes médi­caux leur soient délé­gués direc­te­ment par le méde­cin, alors même que ces pro­fes­sion­nels n’ont aucune for­ma­tion en phar­ma­co­lo­gie ou en bio­lo­gie médi­cale.

Les 50 dépu­tés co-signa­tai­res seraient-ils prêts à embar­quer dans un avion dont le com­man­dant de bord pour­rait déci­der de confier le poste de pilo­tage à l’hôtesse de l’air ?

Dans ce contexte, les propos du Docteur Gautier, vice-pré­si­dent de l’Association ASALEE qui a en charge la seule expé­ri­men­ta­tion Berland por­tant sur la méde­cine de ville dans des cabi­nets de géné­ra­lis­tes libé­raux, sont lourds de sens, notam­ment lorsqu’il a déclaré à la presse « nous avons conduit cette expé­ri­men­ta­tion avec des infir­miè­res, nous pour­rions le faire avec des aides-soi­gnan­tes que nous for­me­rions nous-mêmes. »

Nous nous situons bien dans cette même logi­que économique de « répar­ti­tion de tâches » qui concède aux infir­miers fran­çais la simple reconnais­sance d’un grade licence sans pers­pec­tive d’évolution de car­rière, hormis l’enca­dre­ment et quel­ques mas­ters sans valeur ajou­tée sur les pra­ti­ques, et qui, plutôt que de miser sur le déve­lop­pe­ment des scien­ces infir­miè­res et de la recher­che, impose un retour à un modèle hié­rar­chi­que et rela­tion­nel désuet don­nant tout pou­voir au méde­cin sur un per­son­nel sous qua­li­fié, sous payé, et de fait vul­né­ra­ble.

La Fédération Nationale des Infirmiers appelle à une mobi­li­sa­tion géné­rale de toutes les orga­ni­sa­tions pro­fes­sion­nel­les et syn­di­ca­les pour défen­dre une archi­tec­ture du sys­tème de soins basée sur la notion de qua­li­fi­ca­tion.

Philippe TISSERAND, Président fédé­ral de la FNI

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