LMD : débats à l’assemblée Nationale le 24.07.07

27 juillet 2007

Lors de l’examen à l’Assemblée Nationale du projet de loi "LIBERTÉS ET RESPONSABILITÉS DES UNIVERSITÉS", deux amendements ont été déposés pour reconnaitre aux paramédicaux le niveau licence, et intégrer leurs formations au système LMD.

Extraits du "Compte rendu ana­ly­ti­que offi­ciel de la 22ème Séance du mardi 24 juillet 2007"

Présidence de Mme Catherine Génisson

M. Daniel Fasquelle - Les diplô­mes para­mé­di­caux et de sage-femme ne sont pas soumis au sys­tème LMD comme c’est le cas ailleurs en Europe. Ainsi, le diplôme de kiné­si­thé­ra­peute est classé au niveau le plus bas sur l’échelle euro­péenne, alors que cette for­ma­tion vaut bien mieux. Cet amen­de­ment pro­pose, comme le deman­dent les pro­fes­sion­nels depuis long­temps, d’inté­grer peu à peu les diplô­mes para­mé­di­caux dans le sys­tème LMD. Un cer­tain nombre de diplô­mes dans la filière sociale - éducateur spé­cia­lisé, éducateur de jeune enfant - méri­te­raient de l’être également. Tel est le sens de l’amen­de­ment 44, que la com­mis­sion a adopté.

M. Jean-Yves Le Déaut - Notre amen­de­ment 217 a le même objet, avec une rédac­tion tou­te­fois plus pré­cise. Il s’agit d’inté­grer pro­gres­si­ve­ment les diplô­mes para­mé­di­caux et de sage-femme dans le sys­tème LMD. Reste qu’une autre ques­tion se pose : il ne s’agit pas de diplô­mes natio­naux reconnus par l’ensei­gne­ment supé­rieur. Ces for­ma­tions dépen­dent d’hôpi­taux mais le finan­ce­ment se fait sur­tout par les régions. C’est là une excep­tion fran­çaise qui est une sorte d’aber­ra­tion. Aller vers un tronc commun va donc dans le bon sens.

M. le Rapporteur - Je pré­cise que la com­mis­sion a adopté les deux amen­de­ments contre l’avis du rap­por­teur.

Mme la Présidente - Sur l’amen­de­ment 217, je suis saisie par le groupe socia­liste, radi­cal, citoyen et divers gauche d’une demande de scru­tin public.

Mme la Ministre - Je ne com­prends pas com­ment cet amen­de­ment a pu arri­ver en dis­cus­sion en séance publi­que. En effet, s’il était voté, il entraî­ne­rait de 120 à 500 mil­lions d’euros de dépen­ses sup­plé­men­tai­res pour l’État (Exclamations sur les bancs du groupe socia­liste, radi­cal, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démo­crate et répu­bli­caine). Or, aux termes de l’arti­cle 40 de la Constitution, un par­le­men­taire ne peut pro­po­ser d’amen­de­ment qui aug­mente la dépense publi­que.

Sont concer­nés 120 000 étudiants qui sui­vent leur cursus, pour l’essen­tiel, dans des établissements privés, à leurs pro­pres frais ou avec un finan­ce­ment des régions. De plus, si nous pro­cé­dions à une har­mo­ni­sa­tion euro­péenne - ce qu’il faudra faire à terme -, il fau­drait allon­ger d’un ou deux ans cer­tains for­ma­tions.

Déjà l’aca­dé­mie de méde­cine, l’aca­dé­mie des scien­ces et l’ordre des méde­cins réflé­chis­sent à cette ques­tion, qui jus­ti­fie­rait même une mis­sion d’infor­ma­tion par­le­men­taire. Je suis favo­ra­ble à l’har­mo­ni­sa­tion, mais je ne peux accep­ter un amen­de­ment d’une telle portée, sur­tout s’agis­sant d’un sec­teur relève du minis­tère de la santé. J’en appelle à la res­pon­sa­bi­lité de l’Assemblée et lui demande de ne pas le voter.

M. Pierre Méhaignerie, pré­si­dent de la com­mis­sion des affai­res cultu­rel­les, fami­lia­les et socia­les - L’amen­de­ment est inté­res­sant et j’en com­prends les moti­va­tions, mais je rap­pelle, en par­ti­cu­lier à nos nou­veaux col­lè­gues, que si le Parlement peut dimi­nuer les recet­tes à condi­tion de gager cette baisse, il ne peut en aucun cas accroî­tre les dépen­ses publi­ques. Cette pro­po­si­tion aurait donc dû tomber sous le coup de l’arti­cle 40. De plus, pré­sen­ter un tel amen­de­ment sans étude préa­la­ble ne me paraît pas de bonne méthode (Applaudissements sur quel­ques bancs du groupe UMP ; pro­tes­ta­tions sur les bancs du groupe socia­liste, radi­cal, citoyen et divers gauche).

Mme la Présidente - Le pré­si­dent de la com­mis­sion des finan­ces l’a jugé rece­va­ble.

M. Pierre Cohen - M. Méhaignerie semble oublier qu’il n’est plus pré­si­dent de la com­mis­sion des finan­ces... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Madame la minis­tre, je m’étonne de votre réac­tion car vous nous répé­tez depuis hier que le Président de la République vous a demandé de faire des réfor­mes, en vous disant que, pour les moyens, on ver­rait ensuite... Vous ne cessez de nous sou­met­tre des dis­po­si­tions qui vont coûter cher, comme le suivi de l’inser­tion pro­fes­sion­nelle, mais sur les­quel­les l’État ne prend aucun enga­ge­ment finan­cier - au risque, d’ailleurs, que la charge finisse par incom­ber aux col­lec­ti­vi­tés loca­les.

Ces amen­de­ments répon­dent à une demande. Oui ou non, les for­ma­tions para­mé­di­ca­les et de sages-femmes sont-elles des for­ma­tions du supé­rieur ? Si oui, il est légi­time qu’elles ren­trent dans le sys­tème LMD. Certains de nos col­lè­gues de l’UMP n’ayant peut-être pas bien com­pris quel est l’enjeu, je demande une sus­pen­sion de séance (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

La séance, sus­pen­due le mer­credi 24 juillet à 0 heure 15, est reprise à 0 heure 20.

Mme Françoise Guégot - Il est impor­tant que l’ensem­ble des par­le­men­tai­res et le Gouvernement aient mani­festé leur volonté de mieux reconnaî­tre les diplô­mes para­mé­di­caux et de sage-femme. Consciente de l’impact finan­cier des amen­de­ments en dis­cus­sion, je vais deman­der à mon groupe de voter contre, mais je sou­haite que la com­mis­sion des affai­res socia­les accepte de créer une mis­sion d’infor­ma­tion sur cette ques­tion.

M. Noël Mamère - Madame la minis­tre, l’argu­ment du coût tombe puis­que la com­mis­sion des finan­ces a consi­déré que ces amen­de­ments étaient rece­va­bles.

Plusieurs dépu­tés du groupe UMP - Ce n’est pas la com­mis­sion des finan­ces, mais son pré­si­dent !

M. Noël Mamère - Au demeu­rant, il est assez extra­va­gant de nous expli­quer qu’on ne peut pas dépen­ser quel­ques mil­lions quand on a fait un cadeau de 13 mil­liards à moins d’un pour cent de la popu­la­tion ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; appro­ba­tions sur les bancs du groupe de la Gauche démo­crate et répu­bli­caine et du groupe socia­liste, radi­cal, citoyen et divers gauche). Dans votre grande lar­gesse, vous nous avez pro­posé d’aug­men­ter le budget des uni­ver­si­tés de cinq mil­liards sur cinq ans, et vous pré­ten­dez que votre projet est l’un des grands textes de la légis­la­ture !

À M. Méhaignerie, qui nous repro­che de ne pas avoir suf­fi­sam­ment pré­paré nos amen­de­ments, je demande de balayer devant sa porte car la com­mis­sion s’est sou­vent trou­vée bien dému­nie dans ce débat... L’uni­ver­sité et la recher­che auraient mérité autre chose qu’un texte élaboré dans la pré­ci­pi­ta­tion.

Quant aux régions, ce que vous avez dit sur leur finan­ce­ment est assez approxi­ma­tif. Demandez aux étudiants du sec­teur para­mé­di­cal s’ils peu­vent obte­nir des bour­ses, et vous verrez que ce sont les régions, et non l’État, qui met­tent la main à la poche !

M. Jean-Yves Le Déaut - Cette dis­cus­sion était néces­saire, le sou­tien obtenu sur pres­que tous les bancs par l’amen­de­ment de la com­mis­sion, très proche de celui du groupe socia­liste, le prouve. Il est scan­da­leux que ces for­ma­tions ne soient pas inté­grées dans notre sys­tème d’ensei­gne­ment supé­rieur ; on les a trans­fé­rées aux régions, mais sans aucun trans­fert finan­cier. Les futurs mas­seurs-kiné­si­thé­ra­peu­tes n’ont ainsi droit à aucune bourse et beau­coup vont se former en Belgique, où les for­ma­tions para­mé­di­ca­les sont gra­tui­tes.

Nous vou­lons mettre fin à un sys­tème injuste, et vous nous répon­dez que cela va coûter de l’argent ! Inutile, dans ces condi­tions, de pré­ten­dre reva­lo­ri­ser le rôle du Parlement... Sur les cinq mil­liards annon­cés par le Président de la République pour l’ensei­gne­ment supé­rieur, il faut qu’une partie serve à mettre fin à l’injus­tice dont sont vic­ti­mes infir­miè­res, mas­seurs-kiné­si­thé­ra­peu­tes, ortho­pho­nis­tes ou sages-femmes.

Créer une mis­sion d’infor­ma­tion, pour­quoi pas ? Encore fau­drait-il avoir une réelle volonté d’abou­tir et ne pas en faire un moyen d’enter­rer le dos­sier.

Cette mesure coû­te­rait cher, nous objecte-t-on, mais beau­coup d’autres mesu­res fort coû­teu­ses ont été votées. Pour ma part, j’aurais pré­féré qu’on intè­gre les for­ma­tions para-médi­ca­les dans le cursus LMD plutôt que de créer un bou­clier fiscal pour un coût bien supé­rieur ! Madame la minis­tre, nous vous deman­dons de vous enga­ger à trai­ter ce dos­sier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socia­liste, radi­cal, citoyen et divers gauche)

M. Yves Bur - Il y a long­temps que nous deman­dons la reconnais­sance des for­ma­tions para-médi­ca­les dans le dis­po­si­tif LMD sans obte­nir de réponse. Une réponse claire est aujourd’hui indis­pen­sa­ble.

M. Jean-Yves Le Déaut - Très bien !

M. Yves Bur - Nous sommes d’accord pour ne pas impro­vi­ser ce soir une solu­tion mais il faut qu’avant la fin de la dis­cus­sion du texte, c’est-à-dire demain, la minis­tre de la santé vienne devant la repré­sen­ta­tion natio­nale et prenne des enga­ge­ments. Nous ne pour­rons pas retour­ner devant ces pro­fes­sions leur expli­que que la mesure coû­tant trop cher, il a été décidé de ne rien faire. Elles doi­vent savoir si le Gouvernement a réel­le­ment l’inten­tion de faire abou­tir ce dos­sier et dans quel délai. N’oublions pas qu’il y va de la qua­lité même de notre sys­tème de soins ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud, pré­si­dent de la com­mis­sion des finan­ces - Je suis à mon tour heu­reux de saluer le pré­si­dent de la com­mis­sion des affai­res cultu­rel­les, auquel j’ai eu l’hon­neur de suc­cé­der dans ses ancien­nes fonc­tions...

Madame la minis­tre, j’ai été quel­que peu sur­pris de votre réponse qui ne cor­res­pond pas aux usages dans notre assem­blée. Il est des maniè­res plus élégantes de dire qu’un amen­de­ment coû­teux mérite une réflexion plus appro­fon­die ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) En l’espèce, il y a des diver­gen­ces sur le coût de la mesure. La com­mis­sion des affai­res socia­les évoque le mon­tant de 120 mil­lions d’euros. Vous-même, Madame la minis­tre, ainsi que Mme Bachelot, parlez plutôt de 500 mil­lions.

Mme la Ministre - Le coût actuel de ces for­ma­tions, qui est de 120 mil­lions, pas­se­rait en effet à 500 mil­lions si elles étaient inté­grées dans le LMD.

M. le Président de la com­mis­sion des finan­ces - Je n’ai fait, pour ma part, que suivre une juris­pru­dence cons­tante de la com­mis­sion des finan­ces, selon laquelle l’arti­cle 40 s’appli­que de manière dif­fé­rente pour les char­ges de ges­tion. Je cons­tate avec plai­sir que le pré­si­dent Méhaignerie acquiesce de la tête...

La com­mis­sion des affai­res cultu­rel­les pourra, en liai­son avec la com­mis­sion des finan­ces, avec vous-même, Madame la minis­tre, et votre col­lè­gue char­gée de la santé, pour­sui­vre le débat. Un pro­blème de fond comme celui-ci ne se règle sans doute pas au détour d’un amen­de­ment mais je tenais à dire que cet amen­de­ment a été jugé rece­va­ble, en appli­ca­tion stricte d’une juris­pru­dence cons­tante de la com­mis­sion des finan­ces (Applaudissements sur les bancs du groupe socia­liste, radi­cal, citoyen et divers gauche).

M. le Président de la com­mis­sion des affai­res socia­les - S’il s’agis­sait effec­ti­ve­ment de char­ges de ges­tion, donc modé­rées, votre inter­pré­ta­tion serait juste, mais, étant donné les consé­quen­ces finan­ciè­res qu’aurait cette mesure - et c’est sur ce point qu’il y a eu un malen­tendu -, on ne peut pas consi­dé­rer qu’il s’agit de char­ges de ges­tion. Voilà pour­quoi nous avons tous les deux raison (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président de la com­mis­sion des finan­ces - Que cela est bien dit... (Sourires)

Mme la Ministre - Je vous prie de m’excu­ser, Monsieur le pré­si­dent de la com­mis­sion des finan­ces, si ma réponse vous a paru iné­lé­gante, mais mon cabi­net avait lui-même alerté votre com­mis­sion sur le coût qu’aurait un tel amen­de­ment. Cela expli­que la vigueur de ma réac­tion.

Le coût actuel de ces for­ma­tions, lequel n’est pas sup­porté par l’État puisqu’il s’agit de for­ma­tions pri­vées ou finan­cées par les régions, s’élève à 120 mil­lions d’euros. Si elles étaient inté­grées dans le LMD, il pas­se­rait, d’après les esti­ma­tions du cabi­net de Mme Bachelot, à 500 mil­lions, ce qui n’est plus du tout de l’ordre de char­ges de ges­tion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président de la com­mis­sion des finan­ces - Considérons l’inci­dent clos. Mais je tiens à rap­pe­ler que la déci­sion du pré­si­dent de la com­mis­sion des finan­ces sur la rece­va­bi­lité ou l’irre­ce­va­bi­lité des amen­de­ments est pré­pa­rée par les ser­vi­ces de la com­mis­sion, hors de tout esprit par­ti­san et dans le strict res­pect des pré­cé­dents. Or, ce qui m’a été rap­porté, Madame la minis­tre, ne cor­res­pond pas exac­te­ment à ce que vous venez de dire. J’éclaircirai la chose demain.

M. Daniel Fasquelle - Ayant moi-même pro­posé l’amen­de­ment 44 à la com­mis­sion des affai­res cultu­rel­les, qui l’a adopté, je puis consi­dé­rer l’objec­tif atteint. Un débat a été ouvert, la minis­tre a pris des enga­ge­ments, Mme Bachelot vien­dra demain, nous l’espé­rons, nous appor­ter son éclairage, et la com­mis­sion des affai­res socia­les pour­sui­vra la réflexion. Nous sommes tous d’accord sur la néces­sité d’inté­grer les for­ma­tions para-médi­ca­les dans le cursus LMD -je sou­hai­te­rais d’ailleurs que puis­sent également y être inté­grés les for­ma­tions médico-socia­les. Ayant réussi à faire pren­dre des enga­ge­ments précis, mais cons­cient des consé­quen­ces qui d’ailleurs ne seraient pas seu­le­ment finan­ciè­res, de cet amen­de­ment, je crois pré­fé­ra­ble de nous lais­ser encore le temps de la réflexion et de le reti­rer.

Mme Jacqueline Fraysse - Quel dom­mage !

L’amen­de­ment 44 est retiré

M. Patrick Braouezec - Je suis favo­ra­ble à l’idée de M. Bur de sol­li­ci­ter la venue de Mme Bachelot, mais signer des chè­ques en blanc me déplaît. Je sou­hai­te­rais donc que nous votions ce soir l’amen­de­ment 217, avec lequel nous sommes tous d’accord sur le fond. Ce serait une façon de mar­quer notre enga­ge­ment auprès des pro­fes­sions concer­nées. Une fois que Mme Bachelot aurait pris devant nous l’enga­ge­ment qu’il sera bien donné suite à cette pro­po­si­tion, nous pour­rions tou­jours revoir le texte en CMP.

À la majo­rité de 81 voix contre 23 sur 114 votants et 104 suf­fra­ges expri­més, l’amen­de­ment 217 n’est pas adopté.

L’arti­cle 12, modi­fié, est adopté.

***********************************************************

Le len­de­main (25 juillet), lors de la der­nière séance de dis­cus­sion du projet de loi sur l’uni­ver­sité à l’Assemblée natio­nale, la minis­tre de la recher­che a été une nou­velle fois inter­pel­lée par les dépu­tés sur la posi­tion du gou­ver­ne­ment quant à l’inté­gra­tion des filiè­res para­mé­di­ca­les et sage-femme au sys­tème LMD.

A propos des études infir­miè­res et du LMD, Valérie Pécresse a trans­mis un mes­sage de la part de Roselyne Bachelot assu­rant que "les enga­ge­ments de cam­pa­gne du pré­si­dent de la République seront tenus".

Roselyne Bachelot "ouvrira dès sep­tem­bre la concer­ta­tion sur l’inté­gra­tion des cursus dans le cadre du LMD", a annoncé Valérie Pécresse.

Partager l'article