Les refus de soins licites

11 décembre 2010

Tous les refus de soins ne sont pas
illi­ci­tes car le droit posi­tif ne consa­cre
pas au profit des mala­des l’exis­tence
d’un droit aux soins oppo­sa­ble, en
toutes cir­cons­tan­ces, à tous les acteurs
offrant des pres­ta­tions de soins. L’accès
aux soins n’est en effet pas le seul
impé­ra­tif pris en compte par le droit
posi­tif. Ainsi, deux caté­go­ries de cas
per­met­tent de refu­ser des soins de
façon licite.

Dans une pre­mière série de cas, le
pro­fes­sion­nel a la faculté de refu­ser
la prise en charge d’un patient.
Les arti­cles L. 1110-3 alinéa 79 et
R. 4127-47 alinéa 2 du Code de la santé
publi­que pré­voient, en sub­stance, que
« Hors le cas d’urgence et celui où il
man­que­rait à ses devoirs d’huma­nité, un
méde­cin a le droit de refu­ser ses soins
pour des rai­sons pro­fes­sion­nel­les ou
per­son­nel­les ».

Une dis­po­si­tion simi­laire
existe pour les chi­rur­giens den­tis­tes.
Dans tous les cas, il faut que le refus du
pra­ti­cien soit jus­ti­fié par des rai­sons
pro­fes­sion­nel­les ou per­son­nel­les, termes
qui lais­sent d’impor­tan­tes pos­si­bi­li­tés.

Certaines déci­sions du Conseil natio­nal
de l’ordre des méde­cins illus­trent des
cas de refus de soins légi­ti­mes, tels que
la réo­rien­ta­tion vers un confrère ou
l’arrêt d’un trai­te­ment ini­tial de patients
ayant refusé cer­tains soins ou
mani­fes­tant un com­por­te­ment agres­sif (déci­sions CNOM ; 16 mai 2002 ; 19 février 2003, 6 sep­tem­bre 2007).

Dès lors que le méde­cin demeure dans
les limi­tes du refus de soins licite, et
res­pecte les obli­ga­tions qui pèsent sur
lui, comme redi­ri­ger le patient vers un
pro­fes­sion­nel com­pé­tent, il ne peut être
sanc­tionné.

Les ris­ques d’atteinte à sa sécu­rité, par
exem­ple, peu­vent per­met­tre au
pro­fes­sion­nel de refu­ser un soin ou de
s’en désis­ter. Dans un arrêt n° 183545 du 15 mars
1999, le Conseil d’État consi­dère
comme légi­time le refus d’une infir­mière
de se dépla­cer en zone de déten­tion
sans être accom­pa­gnée d’un membre
du per­son­nel de sur­veillance.

L’incom­pé­tence du méde­cin peut aussi
jus­ti­fier un refus de soins de sa part,
notam­ment lorsqu’il est sol­li­cité pour
pro­di­guer des soins qui ne relè­vent pas
de sa spé­cia­lité.

Les règles sont quel­que peu dif­fé­ren­tes
dans le cadre de la méde­cine
hos­pi­ta­lière. En effet, le patient n’est pas
lié au pra­ti­cien qui le prend en charge
par un contrat, il est un usager du
ser­vice et le méde­cin qui le prend en
charge n’est pas choisi par lui. Comme
tous les ser­vi­ces publics, le ser­vice
public hos­pi­ta­lier est tenu au res­pect
des prin­ci­pes fon­da­men­taux d’égalité,
de conti­nuité, de neu­tra­lité et de
muta­bi­lité.

Tout méde­cin peut également, en
appli­ca­tion des arti­cles L. 2123-1,
L. 2212-8, et R. 4127-18 du Code de la santé publi­que, invo­quer sa clause de cons­cience pour refu­ser de pra­ti­quer
une inter­rup­tion volon­taire de gros­sesse
ou une sté­ri­li­sa­tion à visée
contra­cep­tive. Dans les deux cas, il a
alors l’obli­ga­tion d’infor­mer sans délai
l’inté­ressé(e) de sa déci­sion et de
réo­rien­ter la patiente (ou le patient) vers
d’autres pra­ti­ciens.

Dans une seconde série de cas, les
pro­fes­sion­nels sont tenus à une
obli­ga­tion de refus de soins.

Dans cer­tai­nes hypo­thè­ses, le méde­cin
est obligé de ne pas soi­gner, notam­ment
lors­que les soins néces­sai­res excè­dent
ses com­pé­ten­ces. L’arti­cle L. 1110-514 du
Code de la santé publi­que attri­bue aux
mala­des un droit aux soins les plus
appro­priés. Le non-res­pect de cette
dis­po­si­tion peut enga­ger la
res­pon­sa­bi­lité du méde­cin pour faute
civile. Le méde­cin est donc tenu à cette
obli­ga­tion d’abs­ten­tion, obli­ga­tion
néga­tive, excepté dans les situa­tions
d’urgence où le méde­cin est tenu d’agir.

L’obli­ga­tion de ne pas soi­gner peut aussi
résul­ter du res­pect du prin­cipe de
pro­por­tion­na­lité qui est imposé au
méde­cin par l’arti­cle 16-3 du Code civil,
lequel pré­cise qu’il ne peut être porté
atteinte à l’inté­grité du corps humain
qu’ « en cas de néces­sité médi­cale pour
la per­sonne ou à titre excep­tion­nel dans
l’inté­rêt thé­ra­peu­ti­que d’autrui. […] ».
Cela rejoint l’inter­dic­tion pour le méde­cin
de faire courir des ris­ques injus­ti­fiés à
son patient (Articles L. 1110-5 alinéa 1 et R.4127-8 du Code de la santé publi­que), et celle de ne pas faire
preuve d’une obs­ti­na­tion
dérai­son­na­ble (Articles L. 1110-5 alinéa 2 et R.4127-37 du Code de la santé publi­que).

Il existe enfin des obli­ga­tions de refu­ser
les soins dans des situa­tions
par­ti­cu­liè­res. En effet, cer­tains actes tels
que les inter­rup­tions volon­tai­res de
gros­sesse ou les actes d’assis­tance
médi­cale à la pro­créa­tion, ne peu­vent
être réa­li­sés que si les condi­tions léga­les
sont rem­plies. Les pro­fes­sion­nels de
santé doi­vent refu­ser de pren­dre en
charge les per­son­nes qui ne
répon­draient pas à ces condi­tions.

Les pro­fes­sion­nels sont enfin par­fois
tenus de refu­ser des soins faute de
moyens suf­fi­sants et suite à un choix
repo­sant sur des cri­tè­res règle­men­tai­res.
C’est l’hypo­thèse du choix des
béné­fi­ciai­res de gref­fes.

Outre l’obli­ga­tion de refu­ser impo­sée par
la loi, les textes sont par­fois pro­pi­ces à
des renon­ce­ments aux soins, ins­tau­rant
des refus de soins dis­si­mu­lés. Le refus
de soins n’est pas tou­jours expli­cite. Il
peut pren­dre la forme d’une offre de
soins dont les condi­tions de
rem­bour­se­ment dis­sua­dent cer­tains
mala­des de recou­rir aux soins. Ces refus
de soins impli­ci­tes, que nous qua­li­fions
de pro­vo­qués, sont par­fois le fait des
lois et règle­ments qui limi­tent la prise en
charge finan­cière des soins par la
col­lec­ti­vité.

Pour plus de détails : http://www.sante-sports.gouv.fr/IMG/pdf/Resoudre_les_refus_de_soins.pdf

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