Synthèse du dramatique essai clinique à Rennes

accident essai clinique

24 janvier 2016

La victime appartenait à un groupe d’hommes de 28 à 49 ans qui testaient une molécule pour le compte du laboratoire Biotrial. La participation de quinze jours d’hospitalisation à l’essai du BIA 10-2474 était indemnisée 1 900 euros. Chaque année, vingt mille personnes servent ainsi de « cobayes » en France.

Après leur par­ti­ci­pa­tion à un essai cli­ni­que pour un futur médi­ca­ment, le BIA 10-2474, un patient est mort. Même si leur état s’est amé­lioré d’après le CHU de Rennes, quatre autres patients qui ont été hos­pi­ta­li­sés ris­quent de conser­ver des séquel­les neu­ro­lo­gi­ques..

Organisé par le labo­ra­toire Biotrial, à Rennes, l’essai était mené auprès de « volon­tai­res sains » ori­gi­nai­res de Bretagne et de Mayenne. Trois enquê­tes, admi­nis­tra­ti­ves et judi­ciai­res, sont en cours pour déter­mi­ner d’éventuelles erreurs et res­pon­sa­bi­li­tés dans ce dos­sier.

L’essai de Rennes était un essai de phase 1, dit d’esca­lade de doses. Dans la pre­mière partie, chaque sujet devait rece­voir une dose unique. Il était prévu huit paliers de dose, avec, à chaque palier, six sujets tes­tant la molé­cule, aux­quels s’ajou­taient deux volon­tai­res rece­vant un pla­cebo.

C’est dans la seconde partie de l’étude, avec des prises quo­ti­dien­nes de la molé­cule, que le volon­taire de Rennes a fait, diman­che 10 jan­vier 2016, ce que les méde­cins ont d’abord cru être un acci­dent vas­cu­laire céré­bral. Comme cinq autres per­son­nes, il avait pro­ba­ble­ment pris depuis le 7 jan­vier une dose de 50 mg chaque matin et avait donc une dose cumu­lée de 200 mg.

La méta­bo­li­sa­tion de la molé­cule a-t-elle été suf­fi­sam­ment étudiée en pré­cli­ni­que afin de déter­mi­ner s’il n’y a pas eu une accu­mu­la­tion impor­tante qui pour­rait avoir des effets secondai­res non pas liés à la dose du jour mais au cumul des doses pen­dant plu­sieurs jours d’affi­lée ?

Ce pro­to­cole a été auto­risé le 26 juin 2015 par l’ANSM et approuvé par le Comité de pro­tec­tion des per­son­nes (CPP) le 3 juillet 2015. Il décrit les condi­tions et l’enca­dre­ment de l’essai réa­lisé dans le centre de recher­che Biotrial.

Toutefois, l’ANSM s’est vue refu­ser par le labo­ra­toire BIAL, au nom de la pro­tec­tion du secret indus­triel cou­vert en droit fran­çais par l’arti­cle L311-6 du code des rela­tions entre le public et l’admi­nis­tra­tion, la publi­ca­tion de deux autres docu­ments. Il s’agit du dos­sier du médi­ca­ment expé­ri­men­tal qui donne des infor­ma­tions sur les aspects phar­ma­ceu­ti­ques et de la bro­chure pour l’inves­ti­ga­teur qui four­nit notam­ment des infor­ma­tions sur les études condui­tes chez l’animal avec le médi­ca­ment testé dans l’essai.

Le cadre légal d’un essai cli­ni­que

Un essai cli­ni­que cor­res­pond à une recher­che bio­mé­di­cale orga­ni­sée et pra­ti­quée sur des hommes et des femmes (volon­tai­res mala­des ou sains) afin de déve­lop­per un cer­tain nombre de connais­san­ces bio­lo­gi­ques ou médi­ca­les sur le sujet.

Les essais cli­ni­ques qui por­tent sur les médi­ca­ments ont pour objec­tif d’établir ou de véri­fier des don­nées :
- phar­ma­co­ci­né­ti­ques (moda­li­tés de l’absorp­tion, de la dis­tri­bu­tion, du méta­bo­lisme et de l’excré­tion du médi­ca­ment) ;
- phar­ma­co­dy­na­mi­ques (méca­nisme d’action du médi­ca­ment notam­ment) ;
- thé­ra­peu­ti­ques (effi­ca­cité et tolé­rance).

Avant tout essai, le Comité de pro­tec­tion des per­son­nes doit rendre un avis favo­ra­ble et l’ANSM doit donner son auto­ri­sa­tion.

Un essai cli­ni­que ne peut pas être effec­tué sans infor­ma­tion préa­la­ble de la per­sonne sur laquelle est mené l’essai et sans qu’elle ait donné son consen­te­ment éclairé.

La phase II ou étude pilote consiste à déter­mi­ner la dose opti­male du médi­ca­ment et ses éventuels effets indé­si­ra­bles. Population éligible : mala­des (sou­vent moins de 500). Elle est sub­di­vi­sée en deux phases : la phase IIa estime l’effi­ca­cité de la molé­cule sur un nombre limité (de 100 à 200) de mala­des, alors que la phase IIb déter­mine la dose thé­ra­peu­ti­que de la molé­cule sur une plus grande échelle (de 100 à plus de 300 mala­des).

La phase III ou « étude pivot » est l’étude com­pa­ra­tive d’effi­ca­cité pro­pre­ment dite. Elle com­pare le trai­te­ment soit à un pla­cebo, soit à un trai­te­ment de réfé­rence. Les grou­pes sont de taille impor­tante, sou­vent plu­sieurs mil­liers de par­ti­ci­pants.

La phase IV (ou post-mar­ke­ting) est le suivi à long terme d’un trai­te­ment alors que le trai­te­ment est auto­risé sur le marché. Elle doit per­met­tre de dépis­ter des effets secondai­res rares ou des com­pli­ca­tions tar­di­ves.

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