EHPAD et malnutrition : maltraitance institutionnelle
27 août 2017
La nutrition des seniors vivant en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes EHPAD est trop souvent sacrifiée pour des impératifs économiques et organisationnels. Que peuvent faire les soignants pour aider ces résidents victimes de la logique comptable des directions et des actionnaires des grands groupes ?
De manière naturelle, le grand âge a ses effets :
– troubles de la mastication ou de la déglutition,
– santé dentaire pas toujours optimale
– altération du goût due à certains médicaments
– troubles digestifs
– baisse de l’appétit
En cas de dénutrition :
– le système immunitaire s’affaiblit et les infections augmentent ;
– la fonte musculaire et l’ostéoporose majorent les risques de chutes et de fractures ;
– en cas d’alitement, les escarres s’installent plus facilement.
L’offre alimentaire des EHPAD conditionne en grande partie l’état de santé des résidents.
Premier problème, la majorité des EHPAD imposent des places immuables. Or la convivialité agit positivement sur l’envie de manger et sur le moral, d’où l’importance d’être à table à côté de quelqu’un avec qui on a des atomes crochus. Des recommandations, publiées en 2011 par l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm), prévoient pourtant :
– qu’on révise les plans de table autant que nécessaire,
– que l’on demande leur consentement aux convives lorsque leur environnement est modifié
– et que l’on prépare quelques chaises libres permettant de changer de place une personne qui le demande sans bouleverser l’équilibre des autres participants.
Deuxième problème, les horaires des repas : les dîners à 18 h induisent un jeûne nocturne interminable. Or, l’organisme des personnes âgées ne gérant pas bien les apports en sucre, un jeûne prolongé augmente les risques d’hypoglycémie. Tous les comités d’experts recommandent qu’il ne dépasse pas douze heures, mais cette prescription est ignorée dans la majorité des EHPAD. D’autre part, goûter et dîner étant trop rapprochés, les résidents n’ont pas très faim, car chez les personnes âgées, la digestion est ralentie et la satiété dure plus longtemps.
Troisième problème, servir des plats qui n’ont rien à voir avec la tradition culinaire des générations concernées (cordons bleus, nuggets ou burgers). Surtout que dans beaucoup d’EHPAD aucun choix alternatif n’est proposé si le plat principal ne plaît pas. Plus on avance en âge, plus les repas prennent de l’importance.
Quatrième problème, les établissements ont du mal à servir suffisamment de plats de poisson, de viande non hachée et de desserts de fruits crus. Mieux vaut préparer un « vrai plat », savoureux et juteux, et le mouliner par la suite que de servir des viandes déjà hachées, qui ont tendance à sécher et dont le goût n’excite guère les papilles. Faute de personne, les fruits crus sont difficiles à gérer (achat à maturité, épluchage, etc.) mais ils changent des compotes ou des fruits au sirop.
Cinquième problème, la moitié des EHPAD imposent la salle à manger commune aux personnes incapables de s’alimenter seules. L’attention qu’elles méritent est difficile à offrir dans le cadre d’un repas collectif, du coup elles risquent de ne pas se nourrir correctement.
Les directeurs d’EHPAD sont de plus en plus recrutés sur leur capacité de gestionnaire, alors que l’ambiance, la qualité des soins dépendent avant tout du facteur humain, de la capacité de la direction à insuffler une dynamique et une empathie pour les résidents.
Manifestement, les impératifs de gestion du personnel passent avant le bien-être des seniors. Étoffer les équipes permettrait de remédier à ce problème et d’offrir aux personnes les plus dépendantes le temps et l’attention qu’elles méritent. Mais cela renchérirait le prix de journée, déjà très élevé.
Pour le syndicat national des professionnels infirmiers SNPI CFE-CGC, la question du financement est centrale pour comprendre cette maltraitance institutionnelle : prévenir la dénutrition n’est pas payant pour les maisons de retraite ; en revanche, soigner ses conséquences l’est, car les subventions sont basées sur les besoins en soins des résidents.
Avant de choisir un EHPAD, il est conseillé :
– de consulter des menus pour estimer leur nature (plutôt bonne cuisine traditionnelle ou produits industriels sans rapport avec les habitudes des personnes âgées) et l’équilibre nutritionnel (avec une large place aux protéines, produits laitiers, fruits et légumes).
– de s’assurer qu’un choix alternatif est proposé, au moins pour le plat principal, si celui prévu par le menu ne convient pas. Les résidents doivent d’ailleurs, en principe, remplir une fiche de goûts à l’entrée.
– de vérifier si le résident peut choisir sa place à table s’il peut tenir une conversation.
– de contrôler la présence d’une commission des menus incluant les résidents.
Voir également :
– EHPAD : les compétences soignantes confrontées à la logique comptable http://www.syndicat-infirmier.com/EHPAD-les-competences-soignantes-confrontees-a-la-logique-comptable.html
– Mutualisation : une infirmière de nuit pour 3 EHPAD soit 300 résidents http://www.syndicat-infirmier.com/Mutualisation-une-infirmiere-de-nuit-pour-3-EHPAD-soit-300-residents.html
– Infirmière en EHPAD : fiche de poste http://www.syndicat-infirmier.com/Infirmiere-en-EHPAD-fiche-de-poste.html
– L’infirmière coordinatrice ou référente en EHPAD : http://www.syndicat-infirmier.com/L-infirmiere-coordinatrice-ou.html
– Dossier EHPAD : http://www.syndicat-infirmier.com/-Nouvelle-Gouvernance-.html
– http://www.hospimedia.fr/actualite/articles/46184
– http://www.jim.fr/en_direct/pro_societe/e-docs/quand_les_ehpad_lesinent_sur_lalimentation__167321/document_actu_pro.phtml
– https://www.univadis.fr/viewarticle/quand-les-ehpad-l-sinent-sur-l-alimentation-548982