Le CIF dénonce un mépris pour la reconnaissance de l’expertise infirmière en pratique avancée

Le CIF dénonce un mépris pour la reconnaissance de l'expertise infirmière en pratique avancée

13 mars 2018

"Des objectifs affichés à la réalité des textes : un leurre pour les professionnels infirmiers, une erreur pour la réponse aux besoins de la population" : réaction du Collège Infirmier Français (CIF) à l’analyse des projets de textes sur l’IPA. Le CIF est composé de 22 personnes morales représentatives de la profession infirmière (dont le SNPI).

Paris, le 12 mars – La Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS), rece­vait jeudi 8 mars en réu­nion de concer­ta­tion, cer­tains acteurs de la pra­ti­que avan­cée infir­mière (selon des cri­tè­res de sélec­tion qui res­tent à pré­ci­ser) dans le cadre du projet de décret devant mener à leur appli­ca­tion. Le Collège Infirmier Français (CIF), fédé­ra­teur des orga­ni­sa­tions infir­miè­res, dénonce une sévère déconve­nue pour la pro­fes­sion infir­mière en France ! Le projet de décret offre une lec­ture peu ambi­tieuse de la pra­ti­que avan­cée et en exclue les trois spé­cia­li­tés qui doi­vent être inté­grées à la réflexion.

Les pro­jets de textes lais­sent un goût amer et d’ina­chevé. Pourtant, la pra­ti­que avan­cée cons­ti­tuait une stra­té­gie visant à mieux répon­dre aux besoins de santé de notre popu­la­tion et notam­ment aux insuf­fi­san­ces de l’offre de soins à l’instar d’autres pays (330.000 IPA exer­cent dans 25 pays, et ce depuis 60 ans).

La réflexion ouverte doit inté­grer l’ensem­ble des spé­cia­li­tés (IADE, IBODE, IPDE) et des moda­li­tés d’exer­ci­ces afin de répon­dre à l’objec­tif col­lec­tif com­mu­nau­taire : l’uti­li­sa­tion effi­ciente des res­sour­ces dis­po­ni­bles, dont celles que les com­pé­ten­ces infir­miè­res peu­vent offrir en termes de ser­vice rendu à la popu­la­tion.

Le gou­ver­ne­ment ne se donne pas les moyens de répon­dre aux besoins de la popu­la­tion

Le gou­ver­ne­ment ne se donne pas les moyens de répon­dre à ses pro­pres préoc­cu­pa­tions, pour­tant clai­re­ment affi­chées dans la Stratégie Nationale de Santé, de « lutter contre les iné­ga­li­tés socia­les et ter­ri­to­ria­les d’accès aux soins ». Inévitablement, l’infir­mière de pra­ti­que avan­cée (IPA) est une réponse à la pro­blé­ma­ti­que d’accès aux soins sur l’ensem­ble du ter­ri­toire. Dans une société qui se carac­té­rise aujourd’hui par le vieillis­se­ment de sa popu­la­tion, l’aug­men­ta­tion des patho­lo­gies chro­ni­ques ou encore l’aug­men­ta­tion de l’ambu­la­toire et une volonté du main­tien à domi­cile, les soins infir­miers offrent la garan­tie de répon­dre aux besoins de la popu­la­tion.

Ainsi arti­culé, le projet de décret exclu la pro­fes­sion infir­mière de cette pro­blé­ma­ti­que, ne lui per­met­tant pas d’offrir une réponse aux enjeux socié­taux d’aujourd’hui et de demain. Aussi, est-il légi­time de s’inter­ro­ger des rai­sons qui inci­tent les gou­ver­ne­ments, dès lors qu’il s’agit de la pro­fes­sion infir­mière, de tirer vers le bas les pos­si­bi­li­tés qu’offre notre pro­fes­sion, sans jamais pren­dre la pleine mesure des com­pé­ten­ces de l’infir­mière.

Nous avions connu une pre­mière déconve­nue à la lec­ture de l’arti­cle 119 de la loi de moder­ni­sa­tion de notre sys­tème de santé du 26 jan­vier 2016 qui fixait un péri­mè­tre assez res­serré aux para­mé­di­caux exer­çant en pra­ti­que avan­cée.

Avec ce décret, nous avions l’occa­sion de bous­cu­ler la struc­tu­ra­tion pas­séiste des pro­fes­sions de santé en France. Quelle immense décep­tion !

Les textes conser­vent une logi­que cli­vante sépa­rant appro­che médi­cale et para­mé­di­cale alors que dans de nom­breux pays une démar­che intel­li­gente et apla­nie a été rete­nue, réu­nis­sant des pro­fes­sion­nels de santé autour des situa­tions, pour faire vivre l’inter­dis­ci­pli­na­rité et mieux servir la popu­la­tion.

Avec ce décret, le chan­ge­ment de para­digme, pré­co­nisé par Madame la Ministre Agnès Buzyn dans son dis­cours du 09/03/18 pour le lan­ce­ment de la stra­té­gie de trans­for­ma­tion de notre sys­tème de santé, ne semble pas res­pecté, notam­ment concer­nant la gra­da­tion des soins.

Lobby médi­cal ou inté­rêt géné­ral ?

En tant que Conseil National Professionnel, nous avons du mal à conce­voir que cer­tains mots soient inter­dits en France aux infir­miers, mais réser­vés aux seuls méde­cins, tels que consul­ta­tion, diag­nos­tic... Imaginer qu’une Infirmière de pra­ti­que avan­cée puisse ini­tier un projet de recher­che dans sa dis­ci­pline des scien­ces infir­miè­res, déclen­che assu­ré­ment une réac­tion épidermique. Et pour­tant, depuis 2010, le minis­tère pro­pose le pro­gramme hos­pi­ta­lier de recher­che infir­mière et para­mé­di­cale en France ! Que com­pren­dre face à tant de para­doxes !

Le CIF dénonce la métho­do­lo­gie uti­li­sée dans le cadre de la rédac­tion de ces textes fai­sant alter­ner temps de laten­ces et pres­sion impo­sée par un calen­drier contraint. Nous déplo­rons également une appro­che ini­tiale obli­geant les par­ti­ci­pants à ana­ly­ser des pro­jets de textes en extem­po­rané sans même dis­po­ser d’une ver­sion papier.

Notons que les arbi­tra­ges opérés sont sou­vent très en accord avec la vision de la pra­ti­que avan­cée portée par cer­tains grou­pes de pres­sion médi­caux des plus radi­caux sur le sujet, dans une vision archaï­que et médico-cen­trée du soin.

Dans ce contexte déce­vant, nous nous élevons avec force contre la mise en œuvre de ces mesu­res et les lob­byings qui mal­heu­reu­se­ment répon­dent davan­tage à une logi­que cor­po­ra­tiste qu’au béné­fice des patients et des popu­la­tions. Ce dis­po­si­tif et les réac­tions contras­tées qu’il sus­cite, notam­ment de la part du corps médi­cal, laisse pré­sa­ger des dif­fi­cultés de mise en œuvre d’une appro­che col­la­bo­ra­tive entre méde­cins et IPA.

Les soins de pre­mier recours res­te­ront un pro­blème majeur qui pour­tant auraient pu béné­fi­cier de l’inter­ven­tion d’infir­miè­res de pra­ti­que avan­cée. Il en va de même pour la santé au tra­vail.

La France se démar­que et vise un modèle res­tric­tif, com­plè­te­ment enca­dré par les méde­cins et res­sem­blant plus à une délé­ga­tion de com­pé­ten­ces déguisé qu’à un véri­ta­ble projet ambi­tieux de pra­ti­que avan­cée pour la pro­fes­sion infir­mière. Le CIF ambi­tionne une reconnais­sance à part entière de l’IPA, expert auto­nome conforme au modèle inter­na­tio­nal et nourri des savoirs issus de la dis­ci­pline des scien­ces infir­miè­res.

Le gou­ver­ne­ment ne peut et ne doit pas faire l’économie d’un tel poten­tiel de com­pé­ten­ces dans son objec­tif de garan­tir la qua­lité, la sécu­rité et la per­ti­nence des prises en char­ges au béné­fice de la popu­la­tion.

CIF com­mu­ni­qué de presse du 12.03.18

Le Collège Infirmier Français (CIF) est com­posé de 22 per­son­nes mora­les repré­sen­ta­ti­ves de la pro­fes­sion infir­mière (sala­riée, libé­rale, aca­dé­mi­que, for­ma­tion ini­tiale et conti­nue, santé au tra­vail, santé sco­laire, spé­cia­li­tés IADE, IBODE, pué­ri­cultri­ces, etc.). Il a pour but d’appor­ter la meilleure réponse aux besoins de santé de la popu­la­tion, dans une vision posi­tive et inno­vante de la pro­fes­sion infir­mière. https://col­lege-infir­mier.fr/Institutions-mem­bres

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