« Aide à mourir » : une loi sans garde-fous, un danger pour les plus vulnérables

26 mai 2025

PPL « Aide à mourir »
Objectifs, critères, procédure : la fiction d’un texte stable et sécurisé
(communiqué du Collectif Soins de vie, 26.05.25)

Nous, soignantes et soignants, issus de 19 sociétés savantes, syndicats, fédérations et organisations professionnelles directement impliquées par l’accompagnement des personnes en fin de vie avons uni nos expertises et nos expériences depuis 3 ans pour affirmer que donner la mort ne pouvait être considéré comme un acte de soin. Aujourd’hui, nous interpellons les députés qui sont appelés à se prononcer le 27 mai sur la proposition de loi « relative au droit à l’aide à mourir » :

  Exception, nouveau droit : les objectifs contradictoires du texte
Présenté initialement comme un dispositif visant à répondre à quelques situations « limites », les débats parlementaires et la consécration d’un « droit à l’aide à mourir » ont démontré que ce texte, avec ses évolutions futures d’ores et déjà annoncées par ses partisans, visera à rendre le suicide assisté et l’euthanasie largement, facilement et rapidement accessibles. Plus qu’une réponse à quelques situations de souffrances, cette proposition de loi instaure un nouveau droit qui va au-delà des situations de fin de vie.

  La subjectivité des cas : seul critère réel d’accès au nouveau droit
Les critères prévus par ce texte laissent une place importante à la subjectivité du médecin qui s’ajoute à celle du patient. Ils ouvrent un espace d’interprétation extrêmement vaste qui pourrait donner lieu à d’innombrables contentieux avec les patients et les proches et conduire à multiplier les situations où la question se posera. Les notions « d’affection grave et incurable  », de « pronostic vital » sans horizon temporel, de «  souffrances réfractaires  » qui affectent « la qualité de vie » ne reposent sur aucune base scientifique solide comme l’a rappelé la HAS, et couvrent un nombre de situations très important, même lorsque ces critères sont pris de manière cumulative. Ce flou ne permet pas de déterminer avec certitude qui pourrait -ou non- recevoir l’aide à mourir. La subjectivité des critères est la règle, sans que cela soit clairement assumé par les rapporteurs et le Gouvernement.

  Une procédure rapide et lacunaire
La procédure conduisant à l’acte létal ne sera pas de nature à protéger les plus vulnérables : un formalisme minimal, des délais très courts et contraints, aucun contrôle indépendant préalable, peu de traçabilité, l’exclusion des proches de la décision. Le risque est alors grand de mettre en danger les plus fragiles, ceux-là même que nous avons déjà du mal à protéger, et à qui l’on risque d’offrir la mort faute d’avoir su leur offrir une vie digne.

Pris de manière conjointe, ces trois éléments rendent le contrôle du dispositif largement impossible pour les professionnels de santé, qui dans leur grande majorité ne veulent pas de ce pouvoir de contrôle.

En outre, la création d’un « délit d’entrave » menace directement la liberté de conscience des professionnels et de l’entourage des personnes concernées et ruine la politique de prévention du suicide.

Enfin, comment parler de «  liberté de choix  » quand tant de personnes n’ont pas d’accès à un service de soins palliatifs, dans un contexte où l’offre de soins est significativement défaillante, y compris pour les soins les plus élémentaires ? Une loi sur l’aide à mourir, dans ce contexte, n’est pas une avancée mais un risque d’injustice et d’un choix par défaut. En n’offrant pas de garanties robustes pour limiter l’accès au droit qui serait créé, il impose à chaque Français potentiellement concerné de s’interroger sur l’opportunité ou non de continuer à vivre.

Professionnels du soin, nous ne pouvons-nous résoudre à cette perspective et nous invitons les parlementaires à décider de leur vote en pleine connaissance du contenu du texte qui leur est proposé. Nous invitons également chaque député à réfléchir concrètement aux conséquences que ce texte produira une fois le vote passé.
Les premiers signataires (26/05/25 08h00), regroupées au sein du collectif Soins de Vie

• 2SPP : Société Française de Soins Palliatifs Pédiatriques
• AFSOS : Association Francophone des Soins Oncologiques de Support
• ANFIPA : Association Nationale Française des Infirmier.e.s en Pratique Avancée
• CLAROMED : Association de médecins généralistes
• CNP Gériatrie : Conseil National Professionnel de Gériatrie
• Convergence Infirmière : Syndicat national d’infirmières libérales
• FFIDEC : Fédération Française des Infirmières Diplômées d’État Coordinatrices
• FFAMCO-EHPAD : Fédération Française des Associations de Médecins Coordonnateurs en EHPAD
• FNEHAD : Fédération Nationale des Établissements d’Hospitalisation Domicile
• FRANCE TRAUMATISME CRANIEN
• MCOOR : Association Nationale des Médecins Coordonnateurs en EHPAD et du Secteur médico-social
• M3P : Mouvement des Psychologues cliniciens et Psychologues Psychothérapeutes
• SFC : Société Française du Cancer
• SFAP : Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs
• SMCG-CSMF : Syndicat des Médecins Coordonnateurs, EHPAD et autres structures, généralistes ou gériatres
• SNPI : Syndicat National des Professionnels Infirmiers
• SMP : Société Médico Psychologique
• SNGC : Syndicat National de Gérontologie Clinique
• SOFMER : Société Française de Médecine Physique et de Réadaptation

Document(s) joint(s) à l'article
- (1 Mio) - PDF
Partager l'article
     

Rechercher sur le site


Dialoguer avec nous sur Facebook
Nous suivre sur Twitter
Nous suivre sur LinkedIn
Suivre notre Flux RSS

Des médicaments dans l’eau, et personne pour les filtrer ?

L’eau du robinet contient aujourd’hui plus de résidus médicamenteux que de pesticides. Et tout (…)

Oxyde d’éthylène : l’ombre toxique de la stérilisation plane sur les soignants

La stérilisation sauve des vies. Mais quand elle empoisonne ceux qui soignent, qui protège les (…)

Formation infirmière : la France choisit l’impasse pendant que le monde avance

Mieux formés, les infirmiers sauvent plus de vies. C’est prouvé, documenté, validé. Mais la (…)

Partout où la guerre détruit, les soins reconstruisent

La paix ne commence pas dans les traités, mais dans les gestes quotidiens. C’est l’un des (…)

Redéfinir l’infirmière, c’est refonder la santé

À quoi reconnaît-on une infirmière ? Par la blouse ? Les soins prodigués au chevet ? Trop (…)

Ratios infirmiers : une exigence mondiale, un combat syndical, une loi en attente

Tout le monde le reconnaît désormais : la qualité des soins dépend de la présence suffisante (…)