Collectif inter hôpitaux : l’appel des cadres de santé

3 novembre 2019

Nous, cadres ou cadres supé­rieurs de la fonc­tion publi­que hos­pi­ta­lière, sommes les agents d’une mis­sion deve­nue impos­si­ble. Au cœur des orga­ni­sa­tions, nous voilà désor­mais plus que jamais écartelés au gré des réfor­mes et des restruc­tu­ra­tions par des injonc­tions de plus en plus para­doxa­les.

Nous sommes au car­re­four de tous les dys­fonc­tion­ne­ments, sur le cir­cuit des dif­fé­ren­tes réfor­mes qui ont vu se com­plexi­fier nos tâches de façon déli­rante. Nos péri­mè­tres de res­pon­sa­bi­li­tés ont pris des pro­por­tions qui dans toute autre entre­prise, ren­drait ino­pé­rante cette fonc­tion, avec en regard des salai­res déri­soi­res. Chaque jour nous sommes le récep­ta­cle de tous les pro­cess qui dys­fonc­tion­nent et nous ne sommes pas enten­dus pour les amé­lio­rer.

Et nous voilà donc aujourd’hui face à de nou­vel­les géné­ra­tions de pro­fes­sion­nels qui ne trou­vent plus de sens. Car leur tra­vail glisse régu­liè­re­ment vers des tâches qu’ils ne devraient pas faire. Ils ont le sen­ti­ment de perdre ce pour quoi ils ont été formés et se sont enga­gés. Ils cra­quent. De grands pro­fes­seurs par­tent, de jeunes infir­miè­res quit­tent leur métier de plus en plus tôt : 4 à 6 ans tout au plus ...

Combien de pro­fes­sion­nels vien­nent nous confier colère, tris­tesse, incom­pré­hen­sion. Combien de larmes vien­nent couler dans nos bureaux et com­bien de colè­res faut-il essuyer. La frus­tra­tion gagne du ter­rain dans tous les cou­loirs de nos hôpi­taux. Pour citer un direc­teur hos­pi­ta­lier, nous sommes deve­nus des mana­gers de la colère.

Nous avons par­fois le sen­ti­ment d’appar­te­nir à un sys­tème qui fait de nous les bras armés d’une ges­tion dure, froide, sans conces­sion où seule l’effi­cience compte. Or nous sommes soi­gnants avant tout. Comment assu­rer la conti­nuité quand le manque d’effec­tifs devient alar­mant ? Comment assu­rer la sécu­rité dans des orga­ni­sa­tions désor­mais dégra­dées en per­ma­nence ?

Nous sommes amenés à faire des soins bâclés, à pren­dre des déci­sions à contre cœur, par­fois même à l’encontre de nos valeurs et prin­ci­pes de soi­gnants, à coller des rus­ti­nes qui font mal, à chan­ger les plan­nings en per­ma­nence en nous appuyant sur la bonne volonté de nos infir­miè­res, de nos aides-soi­gnants. Oui nous sommes pous­sés à mettre ces jeunes mamans majo­ri­tai­res dans des situa­tions très dif­fi­ci­les.

Et la reconnais­sance de notre hié­rar­chie et par­fois même de nos équipes pour ce tra­vail dif­fi­cile, invi­si­ble, soyez en sûrs, est quasi nulle. Une seule chose nous guide encore et tou­jours, le patient et sa bonne prise en charge, nous lut­tons au bout de la chaîne de déci­sion pour main­te­nir le cap. Notre moti­va­tion vise tout autant à rendre à nos équipes la reconnais­sance qu’on leur doit, qu’à main­te­nir un niveau de prise en charge à la hau­teur de nos ins­ti­tu­tions. Mais on arrive au bout de nos forces et de nos pos­si­bi­li­tés.

Nous sommes au cœur de l’hôpi­tal, et nous reven­di­quons avec ce col­lec­tif inter hôpi­taux plus d’effec­tifs, plus d’attrac­ti­vité pour garder les talents, afin de rou­vrir nos lits pour nos patients. Dans ce sys­tème, nos patients lourds et chro­ni­ques ne sont pas soi­gnés ailleurs car ils ne sont pas « ren­ta­bles ».

Changeons de para­digme pour la survie de notre sys­tème de soins ! Celui que nous reven­di­quons pour son excel­lence dans les soins, la recher­che, et l’ensei­gne­ment, celui qui nous ras­sure à quel­ques km de nos vil­la­ges, car il nous accueillera quoiqu’il arrive en nous offrant le meilleur.

La moti­va­tion est encore là, l’hôpi­tal public fran­çais est d’une effi­ca­cité redou­ta­ble si on lui laisse les moyens de fonc­tion­ner et de répon­dre aux défis sani­tai­res de demain. C’est la raison d’être de ce col­lec­tif. »

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