Décret d’actes infirmiers : réactions de Conseils ordinaux

25 juillet 2008

De nombreux Conseils Départementaux manifestent leur rejet d’une modification précipitée du décret d’actes infirmiers : Lettre des Yvelines, courriers des CDOI de la région Pays de Loire, motions de nombreux CDOI, etc.

Le Conseil Départemental de l’Ordre Infirmier des Yvelines a écrit à Roselyne Bachelot le 1er juillet 2008 :

Madame la Ministre,

Lors de votre inter­ven­tion à la com­mis­sion des affai­res cultu­rel­les, fami­lia­les et socia­les du 30 jan­vier 2008 vous avez indi­qué « la créa­tion de l’Ordre natio­nal des infir­miers cor­res­pond à un besoin pro­fond de reconnais­sance et de valo­ri­sa­tion de la pro­fes­sion ainsi qu’à une démar­che de qua­lité des soins, à tra­vers notam­ment l’élaboration d’un code de déon­to­lo­gie, et non pas l’expres­sion d’un quel­conque cor­po­ra­tisme, moins encore d’un caprice ».

Le Conseil Départemental de l’Ordre des Infirmiers des Yvelines que je pré­side, a été ins­tallé dans ses fonc­tions le 2 juin der­nier. C’est donc fort de la confiance que vous nous avez accor­dée et dans l’attente de la mise en place du Conseil natio­nal de notre Ordre que je tiens à vous faire part, aujourd’hui, de nos plus vives préoc­cu­pa­tions sur les modi­fi­ca­tions de textes régis­sant la pro­fes­sion d’infir­mière que vous avez annon­cées par voie de presse et notam­ment celles concer­nant les arti­cles L 4161-1 et R 4311-1 à 15 du Code de la Santé Publique dans la loi « patients santé et ter­ri­toi­res » prévue à l’automne.

Ces modi­fi­ca­tions font suite aux recom­man­da­tions émises en avril der­nier par la HAS et l’ONDPS invi­tant tes pou­voirs publics à faire évoluer le cadre juri­di­que des pro­fes­sions de santé. Vous ne pouvez igno­rer que ces tra­vaux issus d’un groupe d’experts et d’une audi­tion publi­que res­tent à ce jour for­te­ment contro­ver­sés du fait de l’absence d’indé­pen­dance des experts rete­nus et du faible taux de réponse des infir­miers à l’audi­tion publi­que orga­ni­sée par l’HAS (334 témoi­gna­ges dont 1/3 infir­miers selon la HAS soit un peu plus d’une cen­taine).

Notre Conseil a été ainsi légi­ti­me­ment saisi sur ce sujet par les infir­miers des Yvelines dans leur ensem­ble, tous sec­teurs confon­dus. Une très vive inquié­tude et incom­pré­hen­sion sont expri­mées par notre pro­fes­sion sur la mise à l’ordre du jour de recom­man­da­tions sans fon­de­ment scien­ti­fi­que­ment prouvé et pro­fes­sion­nel­le­ment validé. Les métho­des employées sont qua­li­fiés par nos pairs de « pré­ci­pi­tées », voire même « d’expé­di­ti­ves ». Pour mener à bien ces évolutions, nos confrè­res et consœurs méde­cins et infir­miers cana­diens cités en exem­ple par la HAS ont dans les années quatre vingt dix, mis plu­sieurs années à abou­tir à aux lois actuel­les régis­sant leurs pro­fes­sions, lois encore effi­cien­tes aujourd’hui.

II nous semble donc tota­le­ment inen­vi­sa­gea­ble qu’une telle réforme qui modi­fie un texte fon­da­teur de la pro­fes­sion infir­mière dans la durée, puisse passer en force sans que nos repré­sen­ta­tions ordi­na­les dépar­te­men­ta­les puisqu’elles sont aujourd’hui les seules effec­ti­ves, voire régio­na­les d’ici la fin de l’été, mais plus sûre­ment natio­nale en novem­bre pro­chain, n’aient pu en tant qu’orga­ni­sa­tions pro­fes­sion­nel­les légi­ti­mes appor­ter sur le fond de ce sujet une contri­bu­tion « essen­tielle », à moins bien sûr que cette modi­fi­ca­tion ne doive inter­ve­nir impé­ra­ti­ve­ment avant que notre pro­fes­sion n’ait son « mot » à dire. Nous ne pou­vons envi­sa­ger cette éventualité eu égard à l’inté­rêt que vous portez à notre pro­fes­sion et à la qua­lité et à la sécu­rité des soins qu’elle repré­sente. C’est aujourd’hui pour­tant la posi­tion de votre Ministère qui sou­haite appli­quer les recom­man­da­tions de l’HAS en omet­tant la réserve faite par celle-ci dans le même docu­ment qu’ « un tra­vail de fond, inté­grant la par­ti­ci­pa­tion étroite des pro­fes­sion­nels de santé et de leurs repré­sen­ta­tions appa­raît sou­hai­ta­ble ».

Ces modi­fi­ca­tions légis­la­ti­ves et régle­men­tai­res ne répon­dent aujourd’hui à aucune demande de la pro­fes­sion et à aucune urgence sani­taire ou économique. Rien ne peut jus­ti­fier que le Ministère ne prenne le temps d’un tra­vail de fond fondé sur des échanges régu­liers et dépas­sion­nés avec des repré­sen­ta­tions pro­fes­sion­nel­les sta­bles afin d’assu­rer l’effi­cience des choix poli­ti­ques que nos conci­toyens sont en droit d’atten­dre de nous.

Vous avez indi­qué der­niè­re­ment « Toutes mes déci­sions sont liées au concept fon­da­teurs de la qua­lité des soins ». Je tiens au nom des Infirmiers des Yvelines à atti­rer votre atten­tion sur le fait que ces modi­fi­ca­tions qui peu­vent sem­bler mineu­res à cer­tains de vos conseillers, ne seront pas sans impact sur la sécu­rité et la qua­lité des soins si elle ne sont pas menées avec tous les préa­la­bles néces­sai­res qui trans­for­me­ront ces évolutions légis­la­ti­ves en une vraie valeur ajou­tée pour la santé des patients que nous soi­gnons et pre­nons en charge au quo­ti­dien avec un pro­fes­sion­na­lisme exi­geant.

Sans remet­tre en cause le besoin néces­saire d’évolution des textes pour répon­dre de manière effi­ciente aux enjeux de santé publi­que qui nous préoc­cu­pent tous au chevet des patients, c’est donc au nom de la qua­lité des soins que je vous demande ins­tam­ment d’atten­dre la mise en place de l’Ordre natio­nal des Infirmiers pour tra­vailler sur ces évolutions qui ne doi­vent pas souf­frir d’un texte rédigé dans l’urgence et sans les inter­lo­cu­teurs concer­nés.

En vous remer­ciant par avance de l’atten­tion que vous por­te­rez à cette demande, je vous prie de croire, Madame la Ministre, à l’assu­rance de ma consi­dé­ra­tion hau­te­ment dis­tin­guée.

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Courriers des CDOI de la région Pays de Loire aux orga­ni­sa­tions syn­di­ca­les :

Montbert, le 7 juillet 2008

Mesdames, Messieurs,

Ayant pris connais­sance de votre décla­ra­tion com­mune du 2 juillet 2008 suite à votre entre­vue avec le minis­tère de la santé, suite au rap­port de l’HAS qui remet en ques­tion notre décret de com­pé­tence, nous avons par­ti­cu­liè­re­ment appré­cié le para­gra­phe sui­vant : « pour des modi­fi­ca­tions aussi radi­ca­les, met­tant en jeu la qua­lité et la sécu­rité des soins, l’ensem­ble de la pro­fes­sion doit être consulté afin d’envi­sa­ger serei­ne­ment les évolutions futu­res et néces­sai­res de notre pro­fes­sion »

Nous par­ta­geons votre ana­lyse et vous infor­mons que doré­na­vant nous par­ti­ci­pe­rons acti­ve­ment aux débats. Nous ne com­pren­drions pas d’être exclu des tra­vaux pré­pa­ra­toi­res d’une loi qui nous concerne et engage notre avenir.

Nous vous remer­cions de votre sou­tien et sommes ouvert à tout échange cons­truc­tif.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Mesdames, Messieurs, nos salu­ta­tions dis­tin­guées.

Mr BONNEAU Frédéric, Président du conseil de l’ordre des infir­miers de Loire Atlantique

Mme DUBRE Nicole, Présidente du conseil de l’ordre des infir­miers du Maine et Loire

Mr ENARD Laurent, Président du conseil de l’ordre des infir­miers de la Sarthe

Mme LE BERRE BOSSUET Françoise, Présidente du conseil de l’ordre des infir­miers de Mayenne

Mr LUCAS Jacques, Président du conseil de l’ordre de Vendée

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Motion du CDOI 64 concer­nant une réforme de la pro­fes­sion

Le Conseil dépar­te­men­tal de l’Ordre Infirmier des Pyrénées Atlantiques demande expres­sé­ment à Mme Roselyne BACHELOT-NARQUIN, Ministre de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie asso­cia­tive, de sus­pen­dre tout projet ou action en lien avec la pro­fes­sion d’infir­mière et plus par­ti­cu­liè­re­ment toute modi­fi­ca­tion du décret de com­pé­tence, en atten­dant la créa­tion et la mise en place effec­tive du Conseil National de l’Ordre Infirmier.

Le Conseil dépar­te­men­tal de l’Ordre Infirmier des Pyrénées Atlantiques demande à tous les conseils dépar­te­men­taux, de se posi­tion­ner rapi­de­ment sur cette réforme de la pro­fes­sion.

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15 Juillet 2008 : Position du conseil dépar­te­men­tal de l’ordre des infir­miers 76 vis-à-vis du projet de loi "Patients-Santé & Territoires"

Le projet de loi de Madame Bachelot-Narquin sur la réforme du sys­tème de santé inti­tulé “Patients, santé et ter­ri­toi­res" sera déposé en août 2008 au Conseil d’État, en sep­tem­bre au Conseil des Ministres pour ensuite être pré­senté à l’Assemblée Nationale en octo­bre pro­chain.

Ce projet de loi s’appuie sur plu­sieurs éléments, dont le rap­port de la Haute Autorité de Santé sur les « condi­tions de nou­vel­les formes de coo­pé­ra­tion entre pro­fes­sion­nels de la santé » et tou­che­rait s’il suit les recom­man­da­tions de ce der­nier la pro­fes­sion infir­mière.

En effet, celui-ci en sou­haite « la perte d’impor­tance du décret d’actes » qui enca­dre et régle­mente notre pro­fes­sion. Ainsi, le décret de com­pé­ten­ces per­drait de sa sub­stance et serait « rem­placé » par une logi­que de mis­sion.

Aujourd’hui une grande partie du monde infir­mier s’émeut et ceci à juste titre.

En effet, la loi du 21 décem­bre 2006 a créé un Ordre natio­nal des infir­miers, et alors que la cons­ti­tu­tion de celui-ci appro­che à grands pas (les élections inter­vien­dront en novem­bre 2008), une loi ver­rait le jour quel­ques semai­nes avant cette échéance, modi­fiant fon­da­men­ta­le­ment les moda­li­tés d’exer­ci­ces de notre pro­fes­sion qui jusqu’à aujourd’hui s’appuient en grande partie sur un décret d’actes.

Le Conseil Départemental de l’Ordre des Infirmiers de Seine-Maritime regrette cette méthode et conteste que des déci­sions si impor­tan­tes pour la pro­fes­sion puis­sent être prises à quel­ques mois de la cons­ti­tu­tion du Conseil natio­nal de l’Ordre des Infirmiers. Cette modi­fi­ca­tion ne peut avoir lieu sans aucune concer­ta­tion avec la pro­fes­sion.

D’autant que d’après la loi n°2006-1658 du 21 décem­bre 2006 por­tant créa­tion d’un Ordre natio­nal des Infirmiers, une des mis­sions de l’Ordre est d’étudier les « ques­tions ou pro­jets concer­nant l’exer­cice de la pro­fes­sion. Pour ce faire l’Ordre des infir­miers] peut consul­ter les asso­cia­tions pro­fes­sion­nel­les, les syn­di­cats, les asso­cia­tions d’étudiants en soins infir­miers [..] »

C’est pour­quoi, après concer­ta­tion des mem­bres du Conseil dépar­te­men­tal de l’Ordre des Infirmiers de Seine-Maritime, nous deman­dons à Madame Bachelot-Narquin, Ministre de la Santé de bien vou­loir sur­seoir cette modi­fi­ca­tion sou­hai­tée des moda­li­tés de l’exer­cice de notre pro­fes­sion et ainsi d’atten­dre la cons­ti­tu­tion du Conseil natio­nal de l’Ordre des Infirmiers avant d’enta­mer une « réforme » aussi impor­tante.

Un cour­rier a donc été envoyé dans ce sens le mardi 15 juillet 2008 à Madame la minis­tre de la Santé ainsi qu’aux Députés et aux Sénateurs de Seine-Maritime.

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