Délits de harcèlement sexuel et moral
28 mars 2014
Une circulaire du ministère de la Fonction publique rappelle les nouvelles dispositions relatives aux délits de harcèlement sexuel et moral prévues par la loi du 6 août 2012 et décrit leur impact dans les trois versants de la fonction publique. Elle rappelle les obligations des employeurs et la nécessaire mise en place de mesures préventives.
Le 8 mars 2013, un protocole d’accord relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique a été signé avec l’ensemble des organisations syndicales et les représentants des employeurs publics.
Une étape importante a d’ores et déjà été franchie avec l’adoption à l’unanimité par le Parlement de la loi n°2012-594 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel. Ce texte rétablit le délit de harcèlement sexuel, clarifie sa définition, aggrave et harmonise les sanctions et renforce la prévention du harcèlement dans le monde professionnel.
Une double définition du harcèlement sexuel
Deux types de harcèlement sexuel doivent être distingués : celui qui repose sur la répétition d’actes de harcèlement et celui qui résulte de la commission d’un seul acte.
La loi prévoit que le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui :
soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ;
soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
Par ailleurs, est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
Cadre du harcèlement moral
Ces agissements sont interdits qu’ils soient exercés par l’employeur, un supérieur hiérarchique ou entre collègues.
Pour caractériser le harcèlement moral, plusieurs éléments doivent être réunis :
– des agissements répétés de harcèlement moral :
Il s’agit d’abord du caractère répétitif des actes. Un acte pris isolément, même grave, ne peut être qualifié de harcèlement moral.
– une dégradation des conditions de travail :
Ces agissements ont des conséquences néfastes sur les conditions de travail, sans que l’élément intentionnel de l’auteur des faits ne soit requis. Le harcèlement est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès que lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel (Cass. Soc., 10 novembre 2009, n° 08-41497).
– Une atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale ou à l’avenir professionnel de l’agent :
A titre d’exemple, s’est rendu coupable de harcèlement moral un employeur qui avait entamé à l’encontre d’un agent une procédure de révocation, puis abandonné cette procédure, après un avis défavorable de la commission administrative paritaire, dès lors que son changement d’avis n’était pas guidé par de la clémence. En l’espèce, le juge a condamné l’employeur qui avait également retiré à l’agent une partie de ses responsabilités et mis en oeuvre, puis abandonné, le projet de le faire recruter dans une autre administration, pour des raisons étrangères à des réorganisations de service rendues nécessaires par des difficultés financières. En outre, les agissements constitutifs de harcèlement moral, notamment ceux qui sont inhérents à la carrière tels que la perte de traitement, d’avancement ou la « stagnation salariale » (CE, 22 février 2012, n°343410), doivent donner lieu à une indemnisation du préjudice matériel subi par l’agent.
La loi protège l’ensemble des personnes qui ont été confrontées à une situation de harcèlement moral. Sont ainsi visés les agents :
– qui ont « subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral » ;
– qui ont « exercé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements » ;
– qui ont « témoigné de tels agissements » ou qui les ont « relatés ». Il s’agit de protéger non pas uniquement la personne harcelée mais aussi toute personne ayant témoigné ou dénoncé des faits de harcèlement.
Comme pour le harcèlement sexuel, la loi organise une protection contre toute mesure de rétorsion en lien avec le harcèlement. Il peut s’agir notamment des mesures concernant le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation, la mutation.
La protection allouée aux agents victimes
Une obligation de prévention
Lorsque l’administration est informée précisément par l’agent de faits qui vont se produire ou qui n’ont pas pris fin, elle doit mettre en oeuvre les moyens les plus appropriés pour éviter ou faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire est exposé. Dans la pratique, pour les cas où l’administration est en mesure d’établir la responsabilité de l’auteur du harcèlement, l’octroi de la protection fonctionnelle dans le cadre de la jurisprudence peut se traduire par des mesures de changement d’affectation, d’éloignement ou de suspension des fonctions (Rép. min. n°13166, JO Sénat 28 juillet 2011 p.1989). L’administration peut également engager une procédure disciplinaire contre l’agresseur si celui-ci est un agent public (CE, 21 novembre 1980, n° 21162 ; Rép. min. n°3765, JO Sénat 3 juillet 2008 p. 1350).
Une obligation d’assistance
Cette assistance est juridique. Il s’agit d’apporter à l’agent une aide dans les procédures judiciaires entreprises, notamment devant les juridictions pénales.
Une obligation de réparation
La mise en oeuvre de la protection accordée à l’agent par son administration ouvre à ce dernier le droit d’obtenir directement auprès d’elle le paiement de sommes couvrant la réparation du préjudice subi du fait des attaques, avant même que l’agent n’ait engagé une action contentieuse contre l’auteur de l’attaque (CE, 18 mars 1994, Rimasson, n°92410).
Ce principe a pour prolongement l’obligation faite à l’administration d’indemniser l’agent lorsque l’auteur des attaques ne règle pas le montant des dommages et intérêts auxquels il a été condamné, soit parce qu’il est insolvable, soit parce qu’il se soustrait à l’exécution de la décision de justice.
La procédure d’alerte
Le fonctionnaire ou l’agent signale immédiatement à l’autorité administrative (chef de service), ou à son représentant, toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ainsi que toute défectuosité dans les systèmes de protection. A cet égard, il apparaît tout à fait opportun que le CHSCT compétent soit informé de la situation en cause.
De même, un membre du CHSCT qui constate un danger grave et imminent, notamment par l’intermédiaire d’un fonctionnaire ou d’un agent qui a fait usage du droit de retrait, en avise immédiatement l’autorité administrative (chef de service), ou son représentant.
L’exercice du droit de retrait
Les agents publics bénéficient d’un droit de retrait en cas de danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé, qui s’accompagne d’une procédure d’alerte de l’employeur.
Ce droit de retrait peut être utilisé dans ces conditions pour une situation de harcèlement sexuel, sous le contrôle du juge administratif15. Ce dernier interprète toutefois strictement la notion de danger grave et imminent et apprécie si ce motif paraît raisonnable dans les circonstances de l’espèce.
Par ailleurs, d’un point de vue juridique, le droit de retrait pourrait être utilisé pour le harcèlement moral dès lors que le danger est considéré comme grave et imminent, conformément à l’article 5-6 du décret n°82-453 du 28 mai 1982 précité. La difficulté porte donc sur les conditions restrictives de mise en oeuvre du droit de retrait, notamment sur le caractère imminent alors que la définition même du harcèlement moral implique des agissements répétés et une certaine continuité (CE, 16 décembre 2009, n°320840).
Pour plus de détails :
Circulaire n° SE1 2014-1 du 4 mars 2014
relative à la lutte contre le harcèlement dans la fonction publique
(NOR : RDFF1407012C)
http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2014/03/cir_38081.pdf