Enquête SNPI : constat accablant pour la gestion de l’ordre des infirmiers

19 mars 2011

En sep­tem­bre 2010, Wolters Kluwer avait fait réa­li­ser par IPSOS un son­dage auprès de 303 IDE. Le SNPI a posé les mêmes ques­tions à ses adhé­rents. Le SNPI réa­lise, tous les trois ans, une enquête d’opi­nion interne afin de s’assu­rer qu’il est bien en phase avec ses coti­sants. Bien entendu, une partie seu­le­ment des adhé­rents prend le temps de répon­dre, et nous n’avons pas le pro­fes­sion­na­lisme d’un ins­ti­tut de son­dage (ni méthode des quotas, ni pon­dé­ra­tion). Néanmoins, c’est un outil très utile pour le SNPI qui vient en com­plé­ment des avis de ses ins­tan­ces sta­tu­tai­res (Assemblée Générale, Conseil National).

Le résul­tat a été rendu public lors du Conseil National du 16 mars 2011. En jan­vier et février 2011, le SNPI a enre­gis­tré 1215 répon­ses, ven­ti­lées comme suit :
 52% d’infir­miè­res, 39 % de cadres infir­miers, 9% d’infir­miè­res spé­cia­li­sées
 55% en hôpi­tal FPH, 22% en PSPH ESPIC, 17% en cli­ni­ques lucra­ti­ves, 5% en IFSI et 1% en EHPAD

Vous en trou­ve­rez la pré­sen­ta­tion syn­thé­ti­que dans le Powerpoint ci-joint de tous les sujets abor­dés : état d’esprit, rap­port au métier, stress, charge de tra­vail, condi­tions de tra­vail, rému­né­ra­tion, for­ma­tion, évolution pro­fes­sion­nelle, reconnais­sance sociale, réforme uni­ver­si­taire LMD, confiance en l’avenir, pres­crip­tion infir­mière, pas­sage en caté­go­rie A dans la FPH,… (docu­ment en télé­char­ge­ment en haut à droite de l’arti­cle)

Mais ce qui a fait l’objet de nom­breux com­men­tai­res libres des sondés, c’est la ges­tion actuelle de l’Ordre National des Infirmiers (ONI), avec des résul­tats sans appel.

Un Ordre des infir­miers sourd, aveu­gle et muet

Sur les 27 pays de l’Union Européenne, 19 dis­po­sent de struc­tu­res ordi­na­les infir­miè­res, qui font un grand tra­vail de repré­sen­ta­tion et de défense des inté­rêts de la pro­fes­sion et des per­son­nes soi­gnées, qui ont assuré la reconnais­sance de la pro­fes­sion, qui ont impulsé la for­ma­tion uni­ver­si­taire, et veillent à l’amé­lio­ra­tion de la qua­lité des soins au béné­fice des patients.

Le SNPI a milité pour la créa­tion d’une telle struc­ture en France, et par­ti­cipé depuis les années 1990 à des regrou­pe­ments d’orga­ni­sa­tions pro­fes­sion­nel­les, pour que l’infir­mière dis­pose d’un ins­tru­ment de repré­sen­ta­tion à la hau­teur des com­pé­ten­ces et res­pon­sa­bi­li­tés de notre pro­fes­sion.

Mais depuis l’élection du Bureau National de l’ONI (BN) en février 2009, le SNPI a pu cons­ta­ter l’éloignement des res­pon­sa­bles ordi­naux de cet idéal et sur­tout des atten­tes des pro­fes­sion­nel­les de ter­rain.

Nos dif­fé­ren­tes enquê­tes auprès de nos coti­sants sont très révé­la­tri­ces de ce divorce entre les pro­fes­sion­nel­les et le Bureau National de l’ONI.

Le SNPI enre­gis­tre une réelle évolution de l’avis de ses adhé­rents sur l’Ordre des Infirmiers : en effet,
 de 82% en octo­bre 2005 (lors de l’orga­ni­sa­tion des Etats Généraux Infirmiers dans les dépar­te­ments),
 puis 85% en février 2008 (à la veille des élections ordi­na­les),
 aujourd’hui, seu­le­ment 52% consi­dè­rent que cet ordre est une bonne chose.

Certes, la majo­rité des coti­sants n’a pas répondu à ces enquê­tes, et ce ne sont pas for­cé­ment les mêmes adhé­rents qui ont répon­dus, les effec­tifs du SNPI aug­men­tant régu­liè­re­ment. Néanmoins, il en res­sort que le malaise est réel, auprès de mili­tants favo­ra­bles à l’idée, mais cho­qués par la gou­ver­nance actuelle, car :

1) Le BN de l’ONI reste sourd sur le mon­tant de la coti­sa­tion

Malgré deux appels à coti­sa­tion infruc­tueux, le BN de l’ONI ne veut pas enten­dre que le mon­tant de la coti­sa­tion est jugé trop élevé par les infir­miè­res (SNPI 70%, IPSOS 81%).

D’autant que le Groupe Sainte Anne (col­lec­tif de 44 orga­ni­sa­tions infir­miè­res, dont le SNPI) s’était for­te­ment et clai­re­ment engagé auprès des pro­fes­sion­nel­les et du minis­tère sur le mon­tant de 30 euros. La parole donnée n’a pas été res­pec­tée, alors même que Dominique Le Bœuf a assuré la com­mu­ni­ca­tion du Groupe Sainte Anne.

De plus, les Conseils Départementaux de l’ONI élus en mai 2008 ont repris cet enga­ge­ment lors de la « pre­mière ren­contre des Présidents des Conseils Départementaux et Régionaux » le 24 octo­bre 2008, où une très large majo­rité s’était pro­non­cée en faveur d’une coti­sa­tion sym­bo­li­que de 30 euros. Demande réaf­fir­mée lors de la réu­nion des Présidents de CDOI et CROI en avril 2009. Le len­de­main, la majo­rité du CNOI a voté 75 euros.

Pour une struc­ture char­gée de faire res­pec­ter la déon­to­lo­gie, ce type de dupe­rie est inad­mis­si­ble, et marque le divorce avec la pro­fes­sion, qui fait qu’en deux ans seu­le­ment 85.000 infir­miè­res se sont ins­cri­tes. Marie Hélène FEUILLIN, Présidente du SNPI CFE-CGC, avait com­mu­ni­qué le 15 avril 2009 sur la cons­ter­na­tion du SNPI face à un tel autisme http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Cotisation-ordi­nale-cons­ter­na­tion.html

Selon IPSOS, du fait de ce mon­tant, 61% ne comp­tent pas s’ins­crire (41% des répon­dants du SNPI). http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Sondage-une-pro­fes­sion-infir­miere.html

Lorsque le Député Richard Maillé, à l’ori­gine de la loi créant l’ONI, a tenté une démar­che de conci­lia­tion devant le Conseil National de l’ONI en juin 2010, l’Ordre a repoussé la main tendue. Lorsque la Présidente du SNPI CFE-CGC, Marie Hélène FEUILLIN a alors demandé à ren­contrer Dominique Le Bœuf, celle-ci n’a même pas daigné lui répon­dre, bien que la consul­ta­tion des syn­di­cats soit une mis­sion attri­buée à l’Ordre par le Code de la Santé Publique.

2) L’ONI semble muet, avec une absence de visi­bi­lité

Bien que 44% des répon­dants du SNPI sont ins­crits à l’Ordre, et reçoi­vent ainsi les infor­ma­tions ordi­na­les, seu­le­ment 6% esti­ment que l’ONI rem­plit ses mis­sions de repré­sen­ta­tion, du fait
 de son silence sur la remise en cause de la péni­bi­lité (alors qu’au Québec, leur ordre OIIQ pro­duit régu­liè­re­ment des docu­ments de ce type)
 d’avoir été inconsis­tant lors de la réforme LMD (alors que dans les autres pays, c’est l’Ordre qui a porté ces réfor­mes),
 d’avoir été inau­di­ble lors de la cam­pa­gne H1N1 (ce qui a conduit par défaut le SNPI à être en pre­mière ligne pour faire enten­dre la voix des infir­miè­res sur ce dos­sier)
 d’avoir été inexis­tant lors du der­nier mou­ve­ment IADE.

Grâce à l’ONI, nous espé­rions tous avoir un porte-voix, une caisse de réson­nance pour les tra­vaux infir­miers. Le sen­ti­ment de nos coti­sants, à ce jour, est que l’ONI semble plus préoc­cupé à tour­ner en boucle autour de l’orga­ni­sa­tion de sa struc­ture.

La com­mu­ni­ca­tion du BN de l’ONI en regard du minis­tère et des employeurs est res­sen­tie comme agres­sive et hau­taine, et ina­dap­tée à une atti­tude ordi­nale. La com­mu­ni­ca­tion du BN de l’ONI semble plus rele­ver de l’atti­tude d’une ado­les­cente rebelle face à l’auto­rité, que du rap­port d’adulte à adulte entre deux enti­tés indé­pen­dan­tes et res­pon­sa­bles.

Le site Internet ordi­nal, décliné en 123 sous sites dépar­te­men­taux et régio­naux en copie conforme, est un éloge à l’uni­for­mité, bien loin de la richesse d’exer­cice plu­riel de notre pro­fes­sion. Quel contraste avec le site inter­net du SNPI qui satis­fait 94% des répon­dants, com­porte 1500 arti­cles de fond, et enre­gis­tre plus de 900.000 connexions par an !

3) Le BN de l’ONI est aveu­gle sur sa ges­tion cala­mi­teuse

Selon les docu­ments envoyés à la presse le 16 mars lors de sa convo­ca­tion à l’Assemblée Nationale, l’ONI pré­cise que pour l’exer­cice mai 2010/avril 2011, les « pro­duits sont esti­més à 4,4 mil­lions » et les dépen­ses à « 11,6 mil­lions d’euros ».

« Dans le contexte d’économies géné­ra­les deman­dées dans tous les sec­teurs, nous avons honte de voir que le BN de l’ONI dépense sans comp­ter pres­que trois fois plus que ce qu’il encaisse ! Quelle image pour une pro­fes­sion jusque là reconnue pour son pro­fes­sion­na­lisme et sa rigueur », pré­cise Marie Hélène FEUILLIN, Présidente du SNPI, le prin­ci­pal syn­di­cat d’infir­miè­res sala­riées.

Pire, il est annoncé dans ce docu­ment un défi­cit cumulé de 10 mil­lions d’euros. Encore que
 pour 2009/2010 5,05 – 4,64 = 410.000 € de défi­cit
 pour 210/2011 11,6 – 4,4 = 7,2 mil­lions € de défi­cit

Soit un total cumulé de 7,6 mil­lions. Mais il est vrai que dans une telle gabe­gie, le BN de l’ONI ne semble plus à quel­ques mil­lions près ! Reste à voir quelle va être la res­pon­sa­bi­lité per­son­nelle des irres­pon­sa­bles ordi­naux qui ont auto­risé de telles déri­ves finan­ciè­res.

Au vu de ces chif­fres contra­dic­toi­res, le SNPI CFE-CGC s’inter­roge sur les hypo­thè­ses pré­sen­tées pour la cons­truc­tion du budget pré­vi­sion­nel de l’ONI. Notre syn­di­cat, qui doit agir au nom des infir­miè­res sala­riées qu’il repré­sente dans toutes les ins­tan­ces (Haut Conseil des Professions Paramédicales, Conseil Supérieur de la FPH, Observatoire National des Emplois et Métiers), réaf­firme fer­me­ment sa demande d’une coti­sa­tion sala­riée à trente euros.

4) Grave carence de l’ONI dans la ges­tion du Tableau Ordinal

Toujours au regard des docu­ments rendus publics par l’ONI le 16 mars, le SNPI cons­tate une grave carence dans la ges­tion du Tableau Ordinal, pour­tant un des prin­ci­pa­les délé­ga­tions de ser­vice public attri­buées à l’Ordre.

Dans le tableau qui pré­cise la répar­ti­tion des col­lè­ges par dépar­te­ment, il appa­rait en effet que le col­lège n’est pas ren­sei­gné pour 27.853 des 85.000 ins­crits, ce taux allant de 51% à 92% sur les dix pre­miers dépar­te­ments de métro­pole (les DOM sem­blent exclus du sys­tème infor­ma­ti­que, avec seu­le­ment 19 ins­crits ren­sei­gnés sur les 4 DOM). Si même le col­lège public /privé /libé­ral, donnée la plus simple, n’est pas ren­sei­gné, il y a des ques­tions à se poser sur la cré­di­bi­lité du Tableau Ordinal.

Il y est fait état de 140 sala­riés à l’ONI. Le SNPI est très atta­chés à l’exis­tence du niveau dépar­te­men­tal, et il est indis­pen­sa­ble que l’ONI dis­pose de locaux dans chaque dépar­te­ment afin d’être au plus prés des infir­miè­res. Mais le SNPI juge aber­rant d’avoir des assis­tan­tes à temps plein dans tous les dépar­te­ments, alors que selon les docu­ments du 16 mars :
 9 dépar­te­ments ont plus de 2000 ins­crits
 18 dépar­te­ments ont entre 1000 et 1999 ins­crits
 37 dépar­te­ments ont entre 500 et 999 ins­crits
 37 dépar­te­ments ont moins de 500 ins­crits (ce qui revient à consa­crer 3h par mois à chaque ins­crit)

Au lieu de gérer en bon père de famille une masse déjà consi­dé­ra­ble de 4,5 mil­lions d’euros de coti­sa­tions, l’ONI embau­che à tout va, sans consi­dé­ra­tion pour les ris­ques per­son­nels que pren­nent ces 140 sala­riés, embau­chés à plein temps, sans que la charge de tra­vail cons­ta­tée le jus­ti­fie, et sur­tout sans en avoir les moyens. Une telle incons­cience col­lec­tive, pour une struc­ture char­gée de mon­trer le degré de matu­rité de notre pro­fes­sion, est aussi cho­quante qu’inad­mis­si­ble.

Au lieu de faire un mea-culpa devant tant d’incu­rie, dans son docu­ment du 16 mars, le BN de l’ONI reste dans un dis­cours de vic­ti­mi­sa­tion (syn­di­cats confé­dé­rés, minis­tère de la santé) et ose parler « d’obli­ga­tion de ges­tion saine », de « deux années d’un fonc­tion­ne­ment extrê­me­ment pru­den­tiel » et « d’obli­ga­tions de qua­lité » du ser­vice public ordi­nal (page 3) !

Le Conseil National de l’ONI doit se réunir le 29 mars pour fixer le mon­tant de la coti­sa­tion 2011 /2012 : le SNPI CFE CGC sou­haite qu’il prenne les mesu­res urgen­tes qui s’impo­sent, faute de quoi ce sera le pre­mier Ordre à se retrou­ver en ces­sa­tion de paie­ment, et donc à passer sous la tutelle d’un admi­nis­tra­teur judi­ciaire. Les irres­pon­sa­bles ordi­naux ver­ront alors leur res­pon­sa­bi­lité per­son­nelle enga­gée, sans comp­ter l’image qu’ils don­ne­ront de notre pro­fes­sion.

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