GNU : Faire face à la crise mondiale du personnel infirmier

11 mai 2025

La pénurie mondiale d’infirmières ne se résume pas à un simple manque d’attractivité ou à une crise passagère. Elle est le symptôme d’un désinvestissement systémique dans les systèmes de santé publics, d’une sous-évaluation du travail infirmier, et d’un modèle économique où la rentabilité prime sur le soin. Le GNU montre que cette crise met en péril la qualité des soins, la sécurité des patients et la santé des professionnelles elles-mêmes. Le rapport tire la sonnette d’alarme : sans un changement radical, c’est l’accès universel à des soins sûrs qui est en jeu.

Le SNPI représente la France au GNU Global Nurses United la fédération des syndicats d’infirmières et de travailleurs de la santé de plus de 30 pays, qui se rassemble pour intensifier la lutte contre l’austérité, la privatisation et les attaques contre la santé publique, et pour œuvrer en faveur des droits des infirmières et des travailleurs et de l’amélioration des soins aux patients pour tous. Vous trouverez ci-dessous une synthèse du rapport du GNU (le document entier est en téléchargement en fin d’article).

Nord et Sud : deux visages, une même urgence

Si les symptômes varient selon les régions, les causes sont identiques. Dans les pays du Nord, les départs massifs sont dus à la détérioration des conditions de travail, à l’épuisement moral, à la précarisation et à la perte de sens. Dans les pays du Sud, la situation est encore plus critique, marquée par un sous-financement extrême, une insuffisance d’infrastructures et un lourd fardeau épidémiologique. Le rapport souligne que dans les deux cas, les infirmières ne fuient pas leur métier : elles fuient l’impossibilité de l’exercer correctement.

Des ratios vitaux : l’arme syndicale contre la pénurie

Le GNU défend une mesure phare : l’instauration de ratios légaux infirmière/patient. Cette politique, déjà mise en œuvre en Californie, Australie, Colombie-Britannique, Corée du Sud et plus récemment en France (application prévue en 2027), a fait ses preuves : elle améliore les soins, réduit la mortalité, diminue le stress professionnel et favorise la rétention des effectifs. Mais ces avancées sont constamment menacées par des pressions économiques : obtenir la loi ne suffit pas, il faut la défendre.

Conditions de travail : un enjeu de survie

Le rapport est clair : il n’y a pas de pénurie d’infirmières, il y a pénurie de conditions de travail dignes. L’absence de moyens, la surcharge chronique, les salaires insuffisants, l’instabilité des horaires et les environnements hostiles engendrent une véritable « détresse morale ». À la différence de l’épuisement professionnel, cette notion met en lumière l’impossibilité pour les soignantes d’agir selon leurs valeurs. C’est une souffrance éthique qui pousse à la démission.

Violence au travail : une autre pandémie silencieuse

L’exposition croissante des infirmières à des agressions physiques, verbales ou psychologiques constitue une réalité mondiale. L’OMS reconnaît que 8 à 38 % des soignants subissent des violences physiques au cours de leur carrière. Le rapport insiste : la solution n’est ni dans la répression des patients, ni dans la culpabilisation des soignants. Il faut des mesures structurelles : plus de personnel, des aménagements sécurisés, des plans de prévention co-construits avec les équipes. La dotation en personnel est un levier majeur de réduction des violences.

Risques infectieux : l’héritage du Covid ne doit pas être oublié

Le GNU rappelle que la pandémie a tué plus de 150 000 soignants dans les 15 premiers mois. Trop souvent, les infirmières ont été envoyées en première ligne sans protections adéquates, sans formation, sans moyens. Or, les études montrent qu’un hôpital bien doté en personnel réduit drastiquement les blessures par piqûres d’aiguille, les expositions aux agents infectieux, et permet le respect rigoureux des protocoles. La sécurité des effectifs est un pilier de la prévention des infections.

La technologie : un leurre dangereux quand elle remplace l’humain

Face à la crise, certains gouvernements ont choisi de miser sur l’intelligence artificielle et les applications pour pallier les manques. Le GNU alerte : cette approche fragilise les soins et les droits. L’IA ne remplace ni le jugement clinique, ni la relation de soin. Pire, les plateformes exploitent la précarité des infirmières en les traitant comme des autoentrepreneuses sans droits sociaux, sans syndicat, sans recours. Elles instaurent une « discrimination algorithmique », avec des salaires variables fixés par algorithme, en fonction des dettes ou du profil de l’infirmière.

Une lutte contre l’austérité et pour les droits

Le GNU conclut que l’enjeu dépasse la santé : il touche à la démocratie. Dans de nombreux pays, les droits syndicaux sont remis en cause, les grèves interdites, les négociations vidées de leur sens. C’est pourtant par l’organisation collective que les infirmières ont obtenu les rares avancées en matière de ratios et de conditions de travail. L’exemple de la Californie (ratios légaux dès 2004), ou encore la France (2024), montre que seule la lutte syndicale permet de briser l’inertie politique.

En conclusion

Le rapport du GNU n’est pas un constat désespéré, mais un appel à l’action. La pénurie d’infirmières est une crise créée par des choix politiques. Elle peut être résolue par d’autres choix : investir dans la santé publique, garantir des ratios sécuritaires de patients par infirmière, protéger les droits syndicaux, reconnaître la valeur du travail infirmier, et faire entendre la voix des soignantes dans toutes les décisions qui les concernent.

Le SNPI, membre actif du GNU, s’associe à cet appel. Nous savons que derrière chaque norme, chaque texte, chaque arbitrage budgétaire, il y a une conséquence sur le soin réel. Et nous refusons que ce soin soit bradé. Ce combat est international, mais il commence ici. Dans chaque hôpital, chaque service, chaque parlement.

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