HCPP Haut Conseil des Professions Paramédicales du 22.02.13

3 mars 2013

Lors d’une décla­ra­tion limi­naire lors du HCPP du 22.05.13, la Fédération Santé Social de la CFE-CGC a dénoncé l’absence de repré­sen­ta­tion des sala­riés dans l’OGDPC, et les dan­gers des soins low cost en can­cé­ro­lo­gie avec le pro­to­cole de coo­pé­ra­tion auto­risé par l’ARS d’ile de France.

Le déve­lop­pe­ment pro­fes­sion­nel continu DPC en réu­nis­sant dans un concept commun les notions de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle conti­nue et d’évaluation des pra­ti­ques des pro­fes­sion­nels est une bonne chose.
Mais la struc­tu­ra­tion de l’Organisme ges­tion­naire du DPC (OGDPC) est bien com­plexe. A coté des cinq Commissions Scientifiques, quatre ins­tan­ces com­po­sent cette « usine à gaz » :
 1. L’Assemblée géné­rale des mem­bres du GIP, (6 mem­bres)
 2. Le Conseil de Gestion (conseil d’admi­nis­tra­tion du GIP), (24 mem­bres)
 3. Le Comité Paritaire du DPC (1 sec­tion pari­taire par pro­fes­sion), (92 mem­bres)
 4. Le Conseil de Surveillance (1 col­lège pro­fes­sions de santé et 1 col­lège employeurs).

Les 98 mem­bres du conseil de sur­veillance de l’OGDPC ont dési­gné le 21 novem­bre 2012 un bureau de 15 mem­bres, dont 3 pour les employeurs et 12 pour les pro­fes­sion­nels de santé. C’est une élection indi­vi­duelle, mais la grande majo­rité des mem­bres du conseil sont des libé­raux, et le CNPS, centre natio­nal des pro­fes­sions libé­ra­les de santé, se vente dans un com­mu­ni­qué d’avoir fait élire sa liste de 12 libé­raux.

Le rôle de ce Bureau sera entre autres de siéger au Conseil de Gestion de l’OGDPC qui a pour mis­sion clé de répar­tir les sommes des­ti­nées à finan­cer les pro­gram­mes de DPC des pro­fes­sion­nels de santé libé­raux et de ceux exer­çant dans les cen­tres de santé.

Les sala­riés sont donc exclus de ces quatre ins­tan­ces, alors qu’ils cons­ti­tuent la majo­rité des pro­fes­sion­nels de santé ! En fait de « déve­lop­pe­ment pro­fes­sion­nel continu », on assiste plutôt à un « déve­lop­pe­ment séparé », où une mino­rité assume seule la gou­ver­nance, et dicte à une majo­rité non repré­sen­tée ce qui est bien pour elle !

En décem­bre der­nier, en réponse aux orga­ni­sa­tions syn­di­ca­les qui sont inter­ve­nues lors du Conseil Supérieur de la FPH et lors du HCPP, la DGOS a indi­qué vou­loir sortir un texte pour modi­fier la gou­ver­nance. Depuis, nous n’avons tou­jours pas de retour, alors que le conseil de sur­veillance de l’OGDPC doit de nou­veau se réunir en avril.

La Fédération Santé Social CFE-CGC exige donc un texte com­plé­men­taire pour cons­ti­tuer rapi­de­ment un troi­sième col­lège de sala­riés au sein du Bureau du Conseil de Surveillance, pour repré­sen­ter les sala­riés, aux cotés des 12 libé­raux et des 3 employeurs.

PROTOCOLE DE COOPERATION ENTRE PROFESSIONNELS DE SANTE

L’arti­cle 51 de la loi Bachelot du 21 juillet 2009, por­tant réforme de l’hôpi­tal et rela­tive aux patients, à la santé et aux ter­ri­toi­res (loi HPST) auto­rise les « coo­pé­ra­tions entre pro­fes­sion­nels de santé », c’est-à-dire un pro­to­cole entre pro­fes­sion­nels, accepté par l’Agence Régionale de Santé ARS, pour effec­tuer la mise en place, à titre déro­ga­toire et à l’ini­tia­tive des pro­fes­sion­nels sur le ter­rain, de trans­ferts d’actes ou d’acti­vi­tés de soins qui ne figu­rent pas dans notre décret d’actes (dit décret de com­pé­ten­ces). En décem­bre 2012, un son­dage auprès de 13.234 infir­miè­res a montré que 87 % de ces pro­fes­sion­nels infir­miers sont hos­ti­les aux moda­li­tés de ces coo­pé­ra­tions art 51. http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/87-des-infir­mie­res-hos­ti­les-aux.html

A ce jour 19 pro­to­co­les sont vali­dés en France, dont 10 pour la seule ARS d’Ile de France. Nous étions jusque là sur­tout dans des trans­ferts d’actes tech­ni­ques. Mais le 28.12.12, l’ARS IDF a validé un pro­to­cole d’une toute autre nature « Consultation infir­mière de suivi des patients trai­tés par anti­can­cé­reux oraux à domi­cile, délé­ga­tion médi­cale d’acti­vité de pres­crip­tion » (voir les docu­ments en télé­char­ge­ment, ainsi que sur leur site http://www.ile­de­france.paps.sante.fr/Les-pro­to­co­les-auto­ri­ses-en-Il.142052.0.html ).

Dans ce pro­to­cole, les actes réa­li­sés par l’IDE et leur nature déro­ga­toire sont pré­ci­sés pages 3 et 4 :
 Prescription d’exa­mens bio­lo­gi­ques et radio­lo­gi­ques selon des cri­tè­res stricts en fonc­tion de pro­to­co­les vali­dés spé­ci­fi­ques à chaque molé­cule et leur inter­pré­ta­tion suivie de déci­sion.
 Réponse à des ques­tions médi­ca­les et déci­sion d’orien­ta­tion du patient.
 Prescription de cer­tains médi­ca­ments à but symp­to­ma­ti­que pour trai­ter les effets indé­si­ra­bles des trai­te­ments anti­can­cé­reux (la pres­crip­tion de médi­ca­ments ne concerne pas les anti­can­cé­reux eux mêmes) : antié­mé­ti­ques ; anxio­ly­ti­ques ; anti­bio­ti­ques de la classe des cycli­nes, anti-diar­rhéi­ques, topi­ques cuta­nés
 Décision de renou­vel­le­ment de la chi­mio­thé­ra­pie orale
selon la recom­man­da­tion du pro­to­cole spé­ci­fi­que, après appré­cia­tion cli­ni­que et inter­pré­ta­tion de comp­tes rendus d’exa­mens para­cli­ni­ques. »

Dans de nom­breux pays euro­péens, des infir­miè­res pra­ti­cien­nes peu­vent dis­po­ser de telles com­pé­ten­ces après deux années d’études sup­plé­men­tai­res vali­dées par un Master. Toutes les études scien­ti­fi­ques ont prou­vées l’inté­rêt de ce métier inter­mé­diaire entre l’infir­mière à Bac +3 et le méde­cin à bac +9 ou +12. L’exem­ple a été donné par les USA dans les années 1960, et il y a aujourd’hui 158.348 « infir­miè­res pra­ti­cien­nes » et 59.242 « infir­miè­res cli­ni­cien­nes spé­cia­li­sées », toutes titu­lai­res d’un Master. En Europe, de l’Irlande à la Finlande, ces infir­miè­res diplô­mées d’un Master peu­vent pres­crire des médi­ca­ments et assu­rer le suivi des patients chro­ni­ques.

Dans ce pro­to­cole de l’ARS île de France, la seule ambi­tion est de gagner du temps médi­cal, avec une for­ma­tion plus que sym­bo­li­que (pages 9 et 10) :
 une « for­ma­tion théo­ri­que de 45 heures », vali­dée par une simple « attes­ta­tion de suivi de la for­ma­tion » !
 une for­ma­tion pra­ti­que de 20 heures, consis­tant à « avoir par­ti­cipé à des consul­ta­tions médi­ca­les avec deux à trois onco­lo­gues médi­caux (soit entre 20-25 mala­des vus) », avant de réa­li­ser « 10 consul­ta­tions super­vi­sées par un méde­cin avec pres­crip­tions de trai­te­ments des effets indé­si­ra­bles des anti­can­cé­reux et d’exa­mens (bio­lo­gi­ques, radio­lo­gi­ques). »

Véritable mani­pu­la­tion des textes offi­ciels sur les actes et com­pé­ten­ces des infir­miè­res, ce "pro­to­cole de coo­pé­ra­tion" entre indi­vi­dus, est une brèche grande ouverte dans un dis­po­si­tif jusque là des­tiné à garan­tir la sécu­rité des patients : for­ma­tion ini­tiale basée sur un pro­gramme offi­ciel fixé par arrêté, évaluation des com­pé­ten­ces acqui­ses par le moyen d’un examen, et attri­bu­tion d’un diplôme d’Etat habi­li­tant à un exer­cice règle­menté et pro­tégé, au nom de la santé publi­que et de la sécu­rité des patients.

« Avec 50 ans de recul, les pays anglo-saxons esti­ment néces­sai­res deux années uni­ver­si­tai­res sup­plé­men­tai­res pour vali­der ces com­pé­ten­ces, mais pour l’ARS d’ile de France, avec 45 heures de pré­sence, une infir­miè­res est jugée léga­le­ment apte à pres­crire cinq types de médi­ca­ments ! » a dénoncé Thierry Amouroux, le Secrétaire Général du SNPI CFE-CGC, lors du Haut Conseil des Professions Paramédicales HCPP du 22 février 2013.

« Si l’on reste dans cette logi­que, alors cela revient à esti­mer qu’en une année une infir­mière serait apte pres­crire tous les médi­ca­ments, ou même à rem­pla­cer un méde­cin ? Si 45 heures de pré­sence pour pres­crire ces médi­ca­ments, ce n’est pas dan­ge­reux pour les patients, com­ment jus­ti­fier qu’il faille encore neuf années labo­rieu­ses pour former un méde­cin ? Pour faire face à la démo­gra­phie médi­cale, les auto­ri­tés pré­pa­rent elles des soins low cost dans le cadre d’un sys­tème de santé à deux vites­ses ?  » pré­cise le SNPI, Syndicat National des Professionnels Infirmiers sala­riés.

Avec les "coo­pé­ra­tions", ce sont des com­pé­ten­ces per­son­nel­les qui seront attri­buées à des infir­miè­res par­ti­cu­liè­res pour faire des actes à la place des méde­cins. Il y aura des infir­miè­res auto­ri­sées à faire ... et des infir­miè­res non auto­ri­sées dans la même unité d’hos­pi­ta­li­sa­tion ! Qui s’y retrou­vera ? Le patient sera informé du pro­to­cole, mais ensuite il ne saura plus qui peut faire quoi dans une même unité de soins.

Pire, ce pro­to­cole est pro­posé par un établissement de l’AP-HP, mais l’ARS d’ile de France l’a validé pour tout « lieu d’exer­cice de l’onco­lo­gue : établissement de santé, cabi­nets médi­caux,…. » !

Par ailleurs, on ne peut accep­ter de vali­der des acquis par une for­ma­tion au rabais, un examen entre soi, ou une attes­ta­tion de pré­sence sur une chaise.

S’il faut élargir les com­pé­ten­ces infir­miè­res :
 soit c’est juste rajou­ter un acte tech­ni­que,
et il faut alors le rajou­ter au décret d’acte, intro­duire ce nouvel appren­tis­sage offi­ciel­le­ment dans la for­ma­tion ini­tiale et le vali­der par le diplôme d’État
 soit c’est une nou­velle com­pé­tence, avec une pres­crip­tion médi­cale limi­tée, sur le modèle de la sage-femme, et il faut deux années uni­ver­si­tai­res sup­plé­men­tai­res pour vali­der ces com­pé­ten­ces, dans le cadre d’un métier inter­mé­diaire validé par un Master, dans un cadre sta­tu­taire clair, sur le modèle de l’IADE.

Car avec un tel pro­to­cole déro­ga­toire, qui sera res­pon­sa­ble en cas d’erreur dom­ma­gea­ble pour le patient, voire de faute ?
 L’ARS qui habi­lite ces pro­fes­sion­nels pour un pro­to­cole de coo­pé­ra­tion ?
 La HAS qui aura validé le pro­to­cole ?
 L’établissement de santé qui en sera le béné­fi­ciaire ?
 Le méde­cin qui aura délé­gué sa tâche ?
 L’infir­mière qui pra­ti­quera un exer­cice sous cou­vert d’une "coo­pé­ra­tion" déro­ga­toire aux actes auto­ri­sés ?

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