Infirmiers surchargés, patients en danger

10 mars 2016

Une étude publiée récem­ment dans le British Medical Journal montre que lors­que le nombre de patients dont une infir­mière a la charge passe de dix à six, la mor­ta­lité dimi­nue de 20%.

Vidéo France Télévision http://www.fran­cet­vinfo.fr/sante/patient/droits-et-demar­ches/hopi­tal-infir­miers-sur­char­ges-patients-en-danger_1353731.html

La conclu­sion de l’ana­lyse de 19 mil­lions d’hos­pi­ta­li­sa­tions en Angleterre est sans appel : plus une infir­mière a de patients sous sa res­pon­sa­bi­lité, plus leur risque de mor­ta­lité aug­mente. Ces résul­tats confor­tent ceux d’études anté­rieu­res et sont trans­po­sa­bles à la situa­tion dans les hôpi­taux fran­çais. A l’heure des contrain­tes bud­gé­tai­res, le per­son­nel soi­gnant est soumis à une forte pres­sion. "La durée moyenne d’hos­pi­ta­li­sa­tion a été réduite et donc cela fait une concen­tra­tion de tra­vail dans un temps limité ce qui aug­mente le risque d’erreurs", estime Thierry Amouroux, secré­taire géné­ral du Syndicat natio­nal des pro­fes­sion­nels infir­miers.

L’étude anglaise montre que ces ris­ques ne peu­vent pas être réduits par l’aug­men­ta­tion du nombre de per­son­nel moins qua­li­fié. C’est uni­que­ment la com­pé­tence spé­ci­fi­que des infir­miers et leur pré­sence auprès des patients qui est en jeu.

"Lorsque vous cour­rez d’un patient à l’autre, vous n’avez pas le temps d’obser­ver un cer­tain nombre de signes qui per­met­tent de détec­ter l’aggra­va­tion de l’état et c’est cela qui peut entraî­ner une aug­men­ta­tion de la mor­ta­lité des patients", expli­que Thierry Amouroux. Il fau­drait selon le syn­di­ca­liste "un ratio d’infir­miers par patient selon les patho­lo­gies pout être en sécu­rité."

Pour l’ins­tant en France, ces quotas exis­tent seu­le­ment dans deux types de ser­vice. En réa­ni­ma­tion, il faut au moins deux infir­miers pour cinq patients et un infir­mier pour six patients dans les ser­vi­ces de dia­lyse.

Source : Registered nurse, heal­th­care sup­port worker, medi­cal staf­fing levels and mor­ta­lity in English hos­pi­tal trusts : a cross-sec­tio­nal study, BMJ Open 2016 ;6:e008751, doi:10.1136/bmjo­pen-2015-008751

Voir également l’arti­cle d’Anne Prigent paru sur le Figaro du 09/03/2016
http://sante.lefi­garo.fr/actua­lite/2016/03/09/24723-avec-infir­miers-sur­char­ges-tra­vail-mor­ta­lite-aug­mente

Avec des infir­miers sur­char­gés de tra­vail, la mor­ta­lité aug­mente
Si on fait passer de dix à six le nombre de patients à gérer, la mor­ta­lité dimi­nue au contraire de 20 %.

À l’heure des contrain­tes bud­gé­tai­res et des per­son­nels soi­gnants au bord du burn-out, une étude vient nous rap­pe­ler que la pres­sion sur le per­son­nel soi­gnant dans les établissements de santé est sur­tout néfaste pour les patients. En effet, selon une étude publiée sur le site du British Medical Journal, dans les hôpi­taux où les infir­miè­res s’occu­pent de six patients, le taux de mor­ta­lité est infé­rieur de 20 % à celui des hôpi­taux où elles sont en charge de dix patients.

Ces résul­tats confor­tent ceux de tra­vaux anté­rieurs. En 2014, une vaste étude publiée dans The Lancet mon­trait que dans les hôpi­taux où chaque infir­mière est char­gée de six patients en moyenne et où la majo­rité de l’équipe a le niveau licence, le risque de décès d’un patient dans les 30 jours est pra­ti­que­ment infé­rieur d’un tiers à celui des établissements où chaque infir­mière a à sa charge huit patients et où seu­le­ment 30 % d’entre elles pos­sè­dent ce degré d’éducation. Cette étude révé­lait notam­ment que chaque patient sup­plé­men­taire par infir­mier aug­men­tait le risque de mor­ta­lité de 7 %.

Des quotas en Australie et en Californie

Existe-t-il pour autant un quota d’infir­miè­res par patient qui per­mette de garan­tir un seuil de sécu­rité ? Les auteurs de l’étude du BMJ res­tent très pru­dents et esti­ment que leur étude ne permet pas de le déter­mi­ner. Seules l’Australie et la Californie ont mis en place des quotas de un infir­mier pour quatre patients.

« Ils ont démon­tré l’inté­rêt des quotas sur la qua­lité des soins. Certes, cela aug­mente le coût en per­son­nel mais il est com­pensé par la dimi­nu­tion des com­pli­ca­tions, des durées d’hos­pi­ta­li­sa­tion et de la mor­ta­lité », estime Thierry Amouroux, secré­taire géné­ral du Syndicat natio­nal des pro­fes­sion­nels infir­miers (SNPI). En France, les quotas de per­son­nels infir­miers exis­tent uni­que­ment pour cer­tains ser­vi­ces par­ti­cu­liè­re­ment sen­si­bles comme les ser­vi­ces de réa­ni­ma­tion (deux infir­miè­res pour cinq patients).

« Nous devrions avoir le temps de dia­lo­guer »

Peut-on pour autant esti­mer que le nombre de patients par infir­mière est devenu trop impor­tant ? Certainement, répond Thierry Amouroux. Pour le repré­sen­tant syn­di­cal, si le nombre de mala­des dont un infir­mier doit s’occu­per n’a pas évolué depuis dix ans, la charge de tra­vail s’est consi­dé­ra­ble­ment alour­die. « En raison de la dimi­nu­tion des durées de séjour et du déve­lop­pe­ment d’alter­na­ti­ves à l’hos­pi­ta­li­sa­tion, les patients qui sont hos­pi­ta­li­sés sont des cas plus lourds qu’il y a dix ans », affirme-t-il.

Résultat : les infir­miers sont deve­nus des tech­ni­ciens du soin au détri­ment de la rela­tion avec les patients. « Or nous ne sommes pas uni­que­ment là pour enchaî­ner les soins. Nous devrions avoir le temps de dia­lo­guer avec le patient. C’est sou­vent le per­son­nel infir­mier qui lui tra­duit les paro­les de l’interne, qui lui expli­que ses trai­te­ments », pour­suit le repré­sen­tant du SNPI, qui alerte sur la las­si­tude des per­son­nels. Sur 25.000 per­son­nes for­mées, un quart change de métier au bout de cinq ans Le risque est donc de faire face à un manque de per­son­nel infir­mier dans les années à venir. « Les rem­pla­cer par du per­son­nel moins bien formé peut-être impru­dent », met­tent en garde les auteurs de l’étude du BMJ.

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