Le mal-être au travail : passer du diagnostic à l’action

8 avril 2010

Table ronde avec les représentants des organisations syndicales des personnels hospitaliers

Le 28 avril 2010 la mis­sion d’infor­ma­tion du Sénat a tenu une table ronde avec les repré­sen­tants des orga­ni­sa­tions syn­di­ca­les des per­son­nels hos­pi­ta­liers, dont Thierry Amouroux, secré­taire géné­ral du syn­di­cat natio­nal des pro­fes­sion­nels infir­miers - confé­dé­ra­tion fran­çaise de l’enca­dre­ment - confé­dé­ra­tion géné­rale des cadres (SNPI-CFE-CGC).

Thierry Amouroux, secré­taire géné­ral du SNPI-CFE-CGC, s’est tout d’abord déclaré choqué par les propos tenus, le 7 avril der­nier, par la minis­tre de la santé et des sports, Roselyne Bachelot-Narquin, lors de la dis­cus­sion à l’Assemblée natio­nale du projet de loi rela­tif à la réno­va­tion du dia­lo­gue social dans la fonc­tion publi­que, qui met­tait en doute la péni­bi­lité de la pro­fes­sion d’infir­mière. Or, les chif­fres de la caisse natio­nale de retraite des agents des col­lec­ti­vi­tés loca­les (CNRACL) mon­trent que 20 % des infir­miè­res et 30 % des aides soi­gnan­tes par­tent à la retraite en situa­tion d’inva­li­dité et que l’espé­rance de vie moyenne des infir­miè­res est de sept ans infé­rieure à celle de l’ensem­ble des femmes fran­çai­ses.

Le mal-être des per­son­nels hos­pi­ta­liers s’aggrave en raison de l’aug­men­ta­tion de la charge de tra­vail qui résulte des restruc­tu­ra­tions hos­pi­ta­liè­res et de l’évolution des pra­ti­ques de soins. Si les infir­miè­res ont tou­jours le même nombre de patients à trai­ter, la baisse de la durée moyenne de séjour, aussi béné­fi­que soit-elle pour les patients, aug­mente la charge de soin dès lors que ne res­tent à l’hôpi­tal que ceux d’entre eux récla­mant le plus de soins.

Alors que les infir­miè­res appren­nent, durant leur for­ma­tion, à consi­dé­rer chaque patient comme une per­sonne unique, on leur demande, à leur prise de fonc­tion, d’être des tech­ni­cien­nes spé­cia­li­sées dans des établissements deve­nus de véri­ta­bles « usines à soins », où la logi­que quan­ti­ta­tive pré­vaut sur la rela­tion qua­li­ta­tive avec le patient, ce qui pro­vo­que chez elles un véri­ta­ble malaise. Ce hiatus expli­que qu’une infir­mière sur deux quitte la pro­fes­sion au cours des cinq pre­miè­res années d’acti­vité, ce qui, rap­porté aux trois ans que dure la for­ma­tion, cons­ti­tue un vrai gâchis humain.

Les fins de car­rière posent également un pro­blème : selon les chif­fres de l’obser­va­toire natio­nal des emplois et des métiers de la fonc­tion publi­que hos­pi­ta­lière, 55 % des infir­miè­res hos­pi­ta­liè­res doi­vent partir à la retraite d’ici à 2015. Or, pour éviter que cette rup­ture démo­gra­phi­que nuise à la trans­mis­sion des com­pé­ten­ces, il est essen­tiel que les infir­miè­res les plus expé­ri­men­tées puis­sent se consa­crer, un ou deux jours par semaine, à l’exer­cice d’une mis­sion de tuto­rat auprès des jeunes infir­miè­res titu­lai­res, inté­ri­mai­res ou étudiantes en alter­nance.

Les secondes par­ties de car­rière pour­raient également être ren­dues plus attrac­ti­ves en déve­lop­pant les consul­ta­tions infir­miè­res, comme cela est déjà expé­ri­menté dans le cadre du plan Cancer. Entre l’infir­mière recru­tée à Bac + 3 et le méde­cin recruté à Bac + 9, il est sans doute pos­si­ble de créer un niveau inter­mé­diaire qui per­met­trait d’adap­ter l’offre de soins au trai­te­ment spé­ci­fi­que des per­son­nes du qua­trième âge ou attein­tes de mala­dies chro­ni­ques. En tout état de cause, la légère reva­lo­ri­sa­tion sala­riale pro­po­sée par le minis­tère de la santé ne suf­fira pas à répon­dre à la démo­ti­va­tion actuelle des infir­miè­res.

A Jean-Pierre Godefroy, pré­si­dent, qui rap­pe­lait que cette reva­lo­ri­sa­tion serait accor­dée sous condi­tions, Thierry Amouroux, SNPI-CFE-CGC, a confirmé que l’accès à la caté­go­rie A de la fonc­tion publi­que impli­quera en effet de renon­cer à des mesu­res octroyées en com­pen­sa­tion de la péni­bi­lité, qu’il s’agisse de la pos­si­bi­lité de partir à la retraite dès cin­quante-cinq ans ou de la majo­ra­tion de la durée d’assu­rance, égale à un dixième de la durée de ser­vice, accor­dée aux fonc­tion­nai­res hos­pi­ta­liers par la loi Fillon sur la réforme des retrai­tes de 2003. Cette mesure entraî­nera une baisse des pen­sions, dans la mesure où les infir­miè­res, usées par des condi­tions de tra­vail de plus en plus dif­fi­ci­les, liqui­dent leurs droits en moyenne à cin­quante-sept ans.

En réponse à Gérard Dériot, rap­por­teur, qui s’inter­ro­geait sur les causes des démis­sions pré­co­ces d’infir­miè­res, Thierry Amouroux, SNPI-CFE-CGC, a pré­cisé que 30 % des élèves infir­miè­res aban­don­nent au cours de leurs trois années de for­ma­tion ; ce n’est donc pas l’absence de voca­tion qui motive les démis­sions, après la prise de fonc­tion, mais bien la perte de sens du métier. En raison de temps de repos et d’effec­tifs réduits, les infir­miè­res sont aujourd’hui expo­sées au risque de com­met­tre des erreurs médi­ca­les.

Source : http://www.senat.fr/rap/r09-642-2/r09-642-222.html

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