Loi santé : pratiques avancées en recul !

11 mars 2015

Infirmière de pratique avancée IPA, infirmière spécialiste clinique, infirmière clinicienne : beaucoup d’espoirs avec cet article 30. Mais à la suite des nouvelles propositions de Marisol Touraine on se retrouve avec une simple auxiliaire médicale en coopérations art 51 ! Bien loin des déclarations de François Hollande après le plan cancer 3 !

La minis­tre de la Santé a pré­senté le 9 mars 2015 les évolutions que devrait connaî­tre son projet de loi de Santé. Il est prévu d’expé­ri­men­ter la vac­ci­na­tion par les phar­ma­ciens, de géné­ra­li­ser le tiers payant par étapes, etc.

Quant aux pra­ti­ques avan­cées, "la loi écrira expli­ci­te­ment qu’une telle délé­ga­tion dont le prin­cipe est acté s’ins­crit dans une équipe de soins dans le cadre d’une coor­di­na­tion par le méde­cin", a tenté de ras­su­rer la minis­tre. "Le champ de la délé­ga­tion sera également revu pour répon­dre aux inquié­tu­des des méde­cins".

Pour Thierry Amouroux, Secrétaire Général du SNPI, le Syndicat National des Professionnels Infirmiers, "le pire n’est pas la réac­tion aussi pitoya­ble que pas­séiste du lobby médi­cal, mais que la Ministre ne soit pas capa­ble d’assu­mer une réforme indis­pen­sa­ble pour la prise en soins des patients chro­ni­ques et des per­son­nes âgées."

On compte 330.000 infir­miè­res en pra­ti­que avan­cées dans 25 pays : elles ont fait deux années d’études sup­plé­men­tai­res, vali­dées par un master, pour exer­cer un nou­veau métier, inter­mé­diaire entre l’infir­mière bac+3 et le méde­cin bac+9. Elles ont une pres­crip­tion médi­cale limi­tée, sur le modèle de la sage-femme, elle aussi titu­laire d’un master.

Toutes les études inter­na­tio­na­les (OMS, revues médi­ca­les) mon­trent le plus pour le suivi des patients chro­ni­ques.
L’arti­cle 30 du projet de loi de santé avait prévu de créer un nou­veau métier en pra­ti­ques avan­cées. Mais à lire ce revi­re­ment, la France va avoir des auxi­liai­res médi­ca­les pour tra­vailler sur pro­to­cole médi­cal, c’est à dire ce qui relève déjà des com­pé­ten­ces de l’infir­mière DE depuis 1978. Le décret d’actes infir­miers 1981 inté­grait déjà des ajus­te­ments thé­ra­peu­ti­ques sur pro­to­cole médi­cal, ce que font au quo­ti­dien les infir­miè­res libé­ra­les avec les anti­coa­gu­lants. .

Pour Thierry Amouroux, "il est curieux que ce qui est jus­ti­fié économiquement et qua­li­ta­ti­ve­ment dans 25 pays (avec 60 ans de recul aux USA) soit inconce­va­ble en France, alors que dans le même temps la démo­gra­phie médi­cale pose pro­blème : de quoi ont-ils peur ?"

"Coté médi­cal, c’est une ques­tion de gros sous : en France, en matière d’actes cli­ni­ques, la rému­né­ra­tion d’une consul­ta­tion n’est liée ni à son niveau de dif­fi­culté ni à sa durée. Cela signi­fie que les consul­ta­tions médi­ca­les les plus sim­ples et les plus rapi­des (qui sont aussi celles qui sont consi­dé­rées comme pou­vant être réa­li­sées par une infir­mière de pra­ti­que avan­cée) sont au final les plus « ren­ta­bles » pour les méde­cins. Ces der­niers n’ont donc pas d’inci­ta­tion finan­cière à confier la réa­li­sa­tion de ces consul­ta­tions à un autre pro­fes­sion­nel.

"Pour la minis­tre, c’est un manque de cou­rage poli­ti­que : même si la prise en soins par des infir­miè­res cli­ni­cien­nes repré­sen­te­rait des économies pour le contri­bua­ble, elle a assez à faire avec le tiers payant pour ne pas contra­rier davan­tage ces pau­vres méde­cins !"

On ne peut faire le cons­tat du manque de méde­cins, des déserts médi­caux dans les dépar­te­ments ruraux, et se passer de véri­ta­bles infir­miè­res de pra­ti­ques avan­cées. C’est la réponse appor­tée dans 25 pays avec un bilan lar­ge­ment posi­tif pour le patient (meilleure obser­va­tion des trai­te­ments, dimi­nu­tion des effets secondai­res, baisse des réhos­pi­ta­li­sa­tions iatro­gè­nes,…) qui entraine une baisse du coût de prise en charge (gain pour l’assu­rance mala­die et le contri­bua­ble).

Dans la suite du rap­port Hénart (février 2011), le SNPI CFE-CGC consi­dère que la prise en charge des mala­dies chro­ni­ques repré­sente l’avenir de la pro­fes­sion infir­mière, au tra­vers de la créa­tion d’un Master en Sciences Infirmières. Le Master ce concer­nera que 5 % des infir­miè­res, mais c’est une nou­velle pers­pec­tive d’évolution pro­fes­sion­nelle.

L’infir­mière cli­ni­cienne ana­lyse les situa­tions com­plexes de soins, aide les équipes à pren­dre en charge des patients jugés dif­fi­ci­les du fait de leur patho­lo­gie ou des situa­tions. Elle fait réfé­rence dans les domai­nes de l’éducation thé­ra­peu­ti­que, de l’infor­ma­tion et du suivi des per­son­nes. Elle réa­lise des consul­ta­tions infir­miè­res d’éducation, de conseil, de suivi de patho­lo­gies chro­ni­ques.

Face à la montée des soins aux per­son­nes du qua­trième âge avec perte d’auto­no­mie, au déve­lop­pe­ment de la pré­ven­tion et du dépis­tage des mala­dies chro­ni­ques, le sec­teur de la santé posera des pro­blè­mes d’orga­ni­sa­tion et d’éthique tou­jours plus com­plexes. L’un des rôles de la pro­fes­sion infir­mière sera de servir de garde-fou face à la ten­ta­tion du contrôle économique entrai­nant des res­tric­tions de soins indi­vi­duels, au nom d’une vision macroé­co­no­mi­que des dépen­ses de santé publi­que. Les per­son­nes mala­des sont par défi­ni­tion plus vul­né­ra­bles, aussi les infir­miè­res doi­vent être en pre­mière ligne pour affir­mer que seuls les besoins des mala­des doi­vent déter­mi­ner le type et le coût des trai­te­ments.

Voir également :
 Master en scien­ces cli­ni­ques infir­miè­res : expé­rien­ces étrangères http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Master-en-scien­ces-cli­ni­ques.html
 Plan cancer 3 : l’infir­mière cli­ni­cienne reconnue http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Plan-cancer-3-l-infir­miere.html
 Infirmier cli­ni­cien en soins pri­mai­res http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Infirmier-cli­ni­cien-en-soins.html
 Master en scien­ces infir­miè­res : débat du 14 mai 2013 http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Master-en-scien­ces-infir­mie­res.html
 Master et pra­ti­ques avan­cées : redon­ner du sens à notre exer­cice http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Master-et-pra­ti­ques-avan­cees.html
 Infirmières de pra­ti­que avan­cée : audi­tion du SNPI à l’Assemblée Nationale http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Infirmieres-de-pra­ti­que-avan­cee.html
 47 infir­miè­res cli­ni­cien­nes au CHU d’Amiens-Picardie http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/47-infir­mie­res-cli­ni­cien­nes-au-CHU.html
 Le rap­port Berland et les Infirmières Cliniciennes Spécialistes http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Le-rap­port-Berland-et-les.html

Document(s) joint(s) à l'article
com presse pratique avancée - (603.3 kio) - PDF
Partager l'article
     

Rechercher sur le site


Dialoguer avec nous sur Facebook
Nous suivre sur Twitter
Nous suivre sur LinkedIn
Suivre notre Flux RSS

Oxyde d’éthylène : l’ombre toxique de la stérilisation plane sur les soignants

La stérilisation sauve des vies. Mais quand elle empoisonne ceux qui soignent, qui protège les (…)

Formation infirmière : la France choisit l’impasse pendant que le monde avance

Mieux formés, les infirmiers sauvent plus de vies. C’est prouvé, documenté, validé. Mais la (…)

Partout où la guerre détruit, les soins reconstruisent

La paix ne commence pas dans les traités, mais dans les gestes quotidiens. C’est l’un des (…)

Redéfinir l’infirmière, c’est refonder la santé

À quoi reconnaît-on une infirmière ? Par la blouse ? Les soins prodigués au chevet ? Trop (…)

Ratios infirmiers : une exigence mondiale, un combat syndical, une loi en attente

Tout le monde le reconnaît désormais : la qualité des soins dépend de la présence suffisante (…)

Le SNPI au Congrès mondial du CII, sous le signe du pouvoir infirmier

Du 9 au 13 juin 2025, la communauté infirmière internationale se donne rendez-vous à Helsinki, (…)