Mission coopération entre professionnels de santé (M. Bressand)

21 septembre 2008

Dans notre newsletter du 17 septembre 2008, nous nous posions des questions sur la Mission Bressand : dans le style "on a retrouvé la 7ème compagnie", le lendemain, nous avons reçu la fameuse "lettre de Mission", un document préparatoire rédigé par la DHOS et une convocation pour le 24 septembre ! Voir notre analyse en fin d’article.

La Ministre de la Santé, Roselyne Bachelot a dési­gné une “Mission coo­pé­ra­tion entre pro­fes­sion­nels de santé”, com­po­sée de Michèle BRESSAND (conseillère géné­rale des établissements de santé), Marie-Hélène ABADIE (pré­si­dente du syn­di­cat natio­nal auto­nome des orthop­tis­tes), Roger HUSSON (pré­si­dent de l’asso­cia­tion fran­çaise du per­son­nel para­mé­di­cal d’électroradiologie) et Maryse BRANCHEREAU (cadre de santé).

Cette Mission doit rendre son rap­port le 1er novem­bre 2008, dans le cadre de la Lettre de Mission sui­vante (datée du 11 sep­tem­bre 2008) :

Mesdames, Monsieur,

Lors des états géné­raux de l’orga­ni­sa­tion des soins (EGOS), de nom­breux pro­fes­sion­nels de santé ont exprimé leur sou­hait de voir se déve­lop­per rapi­de­ment les nou­vel­les formes de coo­pé­ra­tion entre pro­fes­sion­nels de santé.

Je sou­haite effec­ti­ve­ment que les par­ta­ges de com­pé­ten­ces se concré­ti­sent. Les décrets per­met­tant la vac­ci­na­tion anti­grip­pale sans pres­crip­tion par les infir­miè­res et son rem­bour­se­ment par l’assu­rance mala­die ont d’ores et déjà été publiés. Il me semble que nous devons aller au-delà et accé­lé­rer le rythme de ces trans­ferts de tâches qui ren­dent les pro­fes­sions para­mé­di­ca­les plus attrac­ti­ves, recen­trent les méde­cins sur leur cœur de métier, au moment où il est néces­saire de libé­rer du temps médi­cal, et peu­vent ainsi amé­lio­rer le ser­vice tendu aux patients.

La Haute auto­rité de santé (HAS) a rendu une recom­man­da­tion sur ce sujet en avril der­nier. Elle y ana­ly­sait les condi­tions d’un tel déve­lop­pe­ment et fai­sait un cer­tain nombre de pro­po­si­tions pour les faci­li­ter.

La pro­blé­ma­ti­que du par­tage des com­pé­ten­ces mérite néan­moins une réflexion sys­té­ma­ti­que et repo­sant sur la concer­ta­tion. Elle inter­roge en effet la défi­ni­tion même des métiers, le cœur de leur exer­cice, sala­rié ou libé­ral, et les for­ma­tions pour y par­ve­nir. Elle est liée à l’inté­gra­tion des études para­mé­di­ca­les dans le sys­tème LMD (licence-master-doc­to­rat), les trans­ferts et délé­ga­tions s’ins­cri­vant natu­rel­le­ment, de par leur nature et leur impor­tance, soit dans le métier « de base », soit dans ce que l’on appelle des pra­ti­ques avan­cées à déve­lop­per.

Il s’agit de défi­nir quel­les seront les mis­sions, les com­pé­ten­ces, et le niveau de for­ma­tion des pro­fes­sion­nels para­mé­di­caux de demain.

Cette réflexion doit néces­sai­re­ment asso­cier les pro­fes­sion­nels concer­nés.
C’est pour­quoi je vous confie une mis­sion de réflexion et de concer­ta­tion au sein d’un groupe plu­ri­dis­ci­pli­naire qui, compte tenu de vos expé­rien­ces et des res­pon­sa­bi­li­tés que vous avez exer­cées, vien­dra en appui des ser­vi­ces de la direc­tion de l’hos­pi­ta­li­sa­tion et de l’orga­ni­sa­tion (DHOS) ayant en charge ce sujet.

Vous enga­ge­rez avec toutes les orga­ni­sa­tions, syn­di­cats et asso­cia­tions concer­nés une concer­ta­tion appro­fon­die afin de for­mu­ler des pro­po­si­tions per­met­tant de favo­ri­ser les coo­pé­ra­tions et le par­tage des com­pé­ten­ces entre les pro­fes­sion­nels de santé médi­caux et para­mé­di­caux. En com­plé­ment, vous défi­ni­rez avec eux le niveau de com­pé­tence et de for­ma­tion requis pour ces coo­pé­ra­tions dans le cadre de la mise en place de la réforme LMD.

Vous vous appuie­rez sur les tra­vaux réa­li­sés par la HAS, sur les expé­ri­men­ta­tions condui­tes par la CNAMTS, ainsi que sur les pra­ti­ques de coo­pé­ra­tion mises en œuvre dans d’autres pays euro­péens. La DHOS vous appor­tera son concours.

Vous vou­drez bien me faire part de vos conclu­sions en me remet­tant un rap­port de stra­té­gie sur les adap­ta­tions légis­la­ti­ves et régle­men­tai­res néces­sai­res, après vos concer­ta­tions, avant le 1er novem­bre 2008.

Vous accom­pa­gne­rez ensuite les dis­cus­sions rela­ti­ves à l’intro­duc­tion des for­ma­tions para­mé­di­ca­les au schéma uni­ver­si­taire euro­péen LMD.

Roselyne Bachelot-Narquin

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La Mission Bressand a adressé aux orga­ni­sa­tions qu’elle sou­haite enten­dre le docu­ment de tra­vail sui­vant :

Proposition de défi­ni­tion des mis­sions des pro­fes­sion­nels de santé

I. - Le der­nier alinéa de l’arti­cle L. 4161-1 du code de la santé publi­que est ainsi rédigé :

« Les dis­po­si­tions du pré­sent arti­cle ne s’appli­quent pas aux chi­rur­giens-den­tis­tes, aux sages-femmes et aux étudiants en méde­cine. Il ne s’appli­que pas aux auxi­liai­res médi­caux qui accom­plis­sent leurs mis­sions pro­fes­sion­nel­les dans les condi­tions déter­mi­nées par la loi et dont la liste des actes est pré­ci­sée par arrêté du minis­tre chargé de la santé après avis de l’Académie natio­nale de méde­cine, ni aux per­son­nes qui accom­plis­sent, dans les condi­tions pré­vues par décret en Conseil d’Etat pris après avis des ins­tan­ces natio­na­les d’exper­ti­ses concer­nées, les actes pro­fes­sion­nels dont la liste est établie par ce même décret. »

II. - Dans les arti­cles L.4331-1, L. 4332-1, L. 4342-1, L. 4351-1 du même code, les mots : « décret en Conseil d’Etat » sont rem­pla­cés par les mots : « arrêté du minis­tre chargé de la santé ».

Les infir­miers :

III. - L’arti­cle L. 4311-1 du code de la santé publi­que est rem­placé par les dis­po­si­tions sui­van­tes :

« L’infir­mier iden­ti­fie les besoins de santé et évalue la situa­tion cli­ni­que des per­son­nes. Il pose un diag­nos­tic infir­mier et for­mule des objec­tifs de soins.

« Il dis­pense des soins infir­miers pré­ven­tifs, cura­tifs ou pal­lia­tifs afin de pro­té­ger, res­tau­rer et pro­mou­voir la santé phy­si­que et men­tale des per­son­nes ou l’auto­no­mie de leurs fonc­tions vita­les phy­si­ques et psy­chi­ques pour favo­ri­ser leur main­tien, leur inser­tion ou leur réin­ser­tion dans leur cadre de vie fami­lial ou social.

« Il met en œuvre des trai­te­ments visant à la prise en charge et la sur­veillance de la santé des per­son­nes.

« L’infir­mier est habi­lité à entre­pren­dre et à adap­ter des trai­te­ments défi­nis par arrêté du minis­tre chargé de la santé, dans le cadre de pro­to­co­les préé­ta­blis, écrits, datés et signés par un méde­cin. Le pro­to­cole est inté­gré dans le dos­sier de soins infir­miers.

« En l’absence de méde­cin, il évalue l’urgence d’une situa­tion et peut mettre en œuvre des pro­to­co­les de soins d’urgence.

« L’infir­mier exerce sur pres­crip­tion ou conseil médi­cal, ou en appli­ca­tion du rôle propre qui lui est dévolu.

« L’infir­mier peut effec­tuer cer­tai­nes vac­ci­na­tions, sans pres­crip­tion médi­cale, dont la liste, les moda­li­tés et les condi­tions de réa­li­sa­tion sont fixées par décret en Conseil d’Etat, pris après avis du Haut conseil de la santé publi­que.

« Un arrêté des minis­tres char­gés de la santé et de la sécu­rité sociale fixe la liste des dis­po­si­tifs médi­caux que les infir­miers, lorsqu’ils agis­sent sur pres­crip­tion médi­cale, peu­vent pres­crire sauf en cas d’indi­ca­tion contraire du méde­cin et sous réserve, pour les dis­po­si­tifs médi­caux pour les­quels l’arrêté le pré­cise, d’une infor­ma­tion du méde­cin trai­tant dési­gné par leur patient.

« L’infir­mier assure, dans son champ d’inter­ven­tion défini au pré­sent arti­cle, des mis­sions de pré­ven­tion, de dépis­tage, d’éducation pour la santé et d’éducation thé­ra­peu­ti­que, et peut contri­buer à la recher­che dans le domaine des soins infir­miers et par­ti­ci­per à des actions de recher­che plu­ri­dis­ci­pli­naire.

« Il effec­tue des actions de for­ma­tion et d’enca­dre­ment des étudiants, sta­giai­res et pro­fes­sion­nels. Il ana­lyse sa pra­ti­que et réa­lise une veille pro­fes­sion­nelle.

« Il accom­plit ses mis­sions en rela­tion avec les autres pro­fes­sion­nels, notam­ment dans le sec­teur de la santé, le sec­teur social et médico-social et le sec­teur éducatif.

« Un décret en Conseil d’Etat déter­mine les condi­tions d’exer­cice de la pro­fes­sion.

« Un arrêté du minis­tre chargé de la santé, pris après l’avis de l’Académie natio­nale de méde­cine, fixe la liste des actes rela­tifs à l’exer­cice de la pro­fes­sion, et notam­ment ceux réa­li­sés sur pres­crip­tion médi­cale. »

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Commentaires :

Cette “Mission coo­pé­ra­tion entre pro­fes­sion­nels de santé”, est pour le moins ori­gi­nale :
 une des 4 mem­bres y siège au titre de son syn­di­cat, ce qui est une pre­mière !
 d’ordi­naire, une Mission écoute avant de rédi­ger des pro­po­si­tions !
 la Mission doit rendre son rap­port le 1er novem­bre 2008 : cette urgence poli­ti­que fait crain­dre un amen­de­ment par­le­men­taire “spon­tané” à la loi Bachelot HPST !
 reçue le 18 sep­tem­bre, la lettre de Mission est datée du 11 sep­tem­bre, alors que ce jour là Annie Podeur a annoncé en plé­nière au Haut Conseil des Professions Paramédicales que la Mission n’était pas cons­ti­tuée : soit la lettre est anti-datée, soit la Directrice n’est pas infor­mée de ce qui se passe dans son minis­tère !

Sur le fond, les pro­po­si­tions de la Mission sont les mêmes que celles pro­po­sées par la DHOS le 11 juillet 2008, (et refu­sées par l’ensem­ble des orga­ni­sa­tions consul­tées, ce qui augure mal de la concer­ta­tion à venir) avec en par­ti­cu­lier :
 l’ouver­ture à la déqua­li­fi­ca­tion car l’IDE “accom­plit ses mis­sions en rela­tion avec les autres pro­fes­sion­nels, notam­ment dans le sec­teur de la santé, le sec­teur social et médico-social et le sec­teur éducatif.”, ce qui auto­ri­se­rait toutes les déri­ves, en par­ti­cu­lier l’intro­duc­tion en géria­trie des “assis­tants de géron­to­lo­gie” (type auxi­liai­res de vie for­mées en 3 mois et auto­ri­sées à dis­tri­buer les médi­ca­ments en extra-hos­pi­ta­lier), au bloc des “tech­ni­ciens de blocs opé­ra­toi­res” (à la place des IBODE), etc. Nous sommes loin des pra­ti­ques avan­cées entre pro­fes­sions de santé régle­men­tées !
 l’IDE n’est plus res­pon­sa­ble de sa for­ma­tion, mais devient simple exé­cu­tant d’actions : "Il effec­tue des actions de for­ma­tion et d’enca­dre­ment des étudiants, sta­giai­res et pro­fes­sion­nels."
 il serait temps de défi­nir ce concept de “conseil médi­cal” !

Sur la forme juri­di­que :
 de sa créa­tion en 1981 à sa der­nière ver­sion en 2002, notre texte fon­da­men­tal était un décret. En étant inté­gré en 2004 au Code de la Santé Publique, il a atteint le niveau maxi­mum du règle­men­taire, le Décret en Conseil D’Etat (une modi­fi­ca­tion relève de l’inter­mi­nis­té­riel, de l’avis du Conseil d’Etat, de la signa­ture du Premier Ministre).
 au nom de la sou­plesse, il est pro­posé de le rétro­gra­der au niveau mini­mum du règle­men­taire, à savoir l’arrêté, ce qui signi­fie qu’il peut être modi­fié régu­liè­re­ment, à tout moment, au bon vou­loir du seul Ministre de la Santé : l’actua­lité récente nous a mon­trer à quel point le temps de la concer­ta­tion est néces­saire pour éviter la sortie rapide de textes ina­dap­tés (l’ins­crip­tion des don­nées de santé dans le fichier Edwige a été condamné par l’Ordre des Médecins).
 depuis 1981, notre Décret d’acte a été régu­liè­re­ment réac­tua­lisé pour suivre l’évolution des pra­ti­ques. Le fait d’être ins­crit au Code de la Santé Publique n’a pas été un frein à l’élargissement de nos pra­ti­ques ces der­niers mois (pres­crip­tion des dis­po­si­tifs médi­caux, vac­ci­na­tion anti­grip­pale sans pres­crip­tion, etc.).

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