Pédiatrie : tribune où 4000 soignants alertent le président de la République

22 octobre 2022

Tribune adres­sée au pré­si­dent de la République par plus de 4 000 pro­fes­sion­nels de la pédia­trie, qui dénon­cent la satu­ra­tion des hôpi­taux, alors que l’épidémie de bron­chio­lite gagne tout le ter­ri­toire.

Soins dépro­gram­més faute de lits, trans­ferts hors région de bam­bins, petits hos­pi­ta­li­sés dans des ser­vi­ces adul­tes… Face à cette situa­tion délé­tère, méde­cins, syn­di­cats pro­fes­sion­nels, socié­tés savan­tes de pédia­trie ainsi que 18 asso­cia­tions de patients en appel­lent au pré­si­dent de la République.

Le texte de la tri­bune, publié dans "Le Parisien" du 21 octo­bre 2022

« Monsieur le pré­si­dent de la République,

Après 2 semai­nes seu­le­ment d’épidémies hiver­na­les, habi­tuel­les et pré­vi­si­bles, les ser­vi­ces de réa­ni­ma­tions pédia­tri­ques par­tout en France sont satu­rés, les ser­vi­ces d’hos­pi­ta­li­sa­tion débor­dent, les soins dits non urgents sont repor­tés et plus de 15 enfants pari­siens ont été trans­fé­rés hors région, à Reims, Rouen, Amiens, Orléans, alors que leur situa­tion médi­cale était cri­ti­que.

Monsieur François Braun, minis­tre de la Santé, a jugé récem­ment que nous avions l’habi­tude de ces pics hiver­naux et que ces trans­ferts se font sans mettre en danger les enfants. Nous dénon­çons ici la dégra­da­tion criante des soins appor­tés aux enfants qui les met quo­ti­dien­ne­ment en danger.

Alors, nous, pédia­tres et soi­gnants en pédia­trie, nous tien­drons, comme d’habi­tude. Nous ferons le maxi­mum pour offrir les meilleurs soins pos­si­bles aux enfants : nous gar­de­rons des enfants sur des bran­cards aux urgen­ces, hos­pi­ta­li­se­rons des enfants dans des réa­ni­ma­tions adul­tes qui, par soli­da­rité, essaye­ront de faire au mieux, ras­su­re­rons des parents désem­pa­rés de voir leur enfant trans­féré dans un hôpi­tal à plu­sieurs cen­tai­nes de kilo­mè­tres. Nous serons auprès des patients suivis pour mala­die chro­ni­que, nous tien­drons un dis­cours ras­su­rant en expli­quant que l’annu­la­tion des exa­mens néces­sai­res n’aura pas de consé­quence, que le 3e report d’une chi­rur­gie du rachis pro­gram­mée pour amé­lio­rer la res­pi­ra­tion et la qua­lité de vie de leur enfant sera le der­nier.

Nous jus­ti­fie­rons une sortie pré­ma­tu­rée d’hos­pi­ta­li­sa­tion sur un enfant encore fra­gile pour libé­rer une pré­cieuse place qui accueillera un autre enfant devenu plus urgent et plus grave. Nous appli­que­rons les direc­ti­ves qui nous deman­dent, pour raison « de sécu­rité », de limi­ter le nombre d’ado­les­cents sui­ci­dai­res accueillis en pédia­trie, en les ren­voyant chez eux à leur déses­poir et à celui de leurs parents.

Nous appel­le­rons tous les jours une famille contrainte de gérer elle-même une situa­tion d’urgence à domi­cile ou encore de réa­li­ser seuls les soins néces­sai­res à leur enfant. Nous convain­crons des parents que réa­li­ser des soins prévus en hos­pi­ta­li­sa­tion fina­le­ment dans un hôtel à proxi­mité de l’hôpi­tal sera sans risque. En résumé, nous serons aux côtés des parents et des enfants que le sys­tème de soins met en danger.

Et l’hiver pas­sera, nous ne dor­mi­rons pas, même dans notre som­meil nous veille­rons sur eux au détri­ment de notre santé. Certains d’entre nous par­ti­ront, encore, les inter­nes désa­bu­sés quit­te­ront l’hôpi­tal dès leur for­ma­tion ter­mi­née, les jeunes infir­mier-es chan­ge­ront de métier, décou­ra­gés. D’autres lits fer­me­ront dans l’indif­fé­rence, la santé des enfants conti­nuera à se dégra­der, insi­dieu­se­ment, sous nos yeux mais sans jamais appa­raî­tre dans les tableurs Excel que vous consul­tez.

De nom­breux rap­ports aux­quels nous avons col­la­boré, dont celui de l’Igas (Inspection géné­rale des affai­res socia­les), ont été force de pro­po­si­tions pour l’hôpi­tal public, rapi­de­ment enter­rées au cours du Ségur de la santé. Il est urgent de pou­voir rou­vrir des lits dans les ser­vi­ces de pédia­trie en arrê­tant la fuite des soi­gnants et en recru­tant des jeunes pas­sion­nés. Il est urgent de redon­ner l’espoir aux pré­sents et d’atti­rer de nou­veaux talents en redon­nant du sens à nos mis­sions, en nous per­met­tant de nous recen­trer sur notre cœur de métier ; en évaluant mieux la lour­deur des soins qui nous incom­bent ; en adap­tant les ratios de patients par binôme infir­mier/aide-soi­gnant ; en réé­va­luant les salai­res et les moda­li­tés d’exer­cice en pre­nant en compte le niveau d’étude, la res­pon­sa­bi­lité et la péni­bi­lité comme d’autres pays d’Europe ; en reconnais­sant le ser­vice comme entité néces­saire et indis­pen­sa­ble à la gou­ver­nance hos­pi­ta­lière avec une réelle trans­pa­rence des mesu­res prises.

Monsieur le Président, la pédia­trie ne paraît plus être une prio­rité, pour­tant ces enfants sont l’avenir. Les diri­geants actuels et passés ont fermé les yeux sur l’aban­don de l’hôpi­tal public et des ser­vi­ces de pédia­trie. Ils sont désor­mais res­pon­sa­bles des consé­quen­ces sur la santé des enfants. »

Lettre ouverte signée entre le 20 et le 21 octo­bre 2022 par 4 148 soi­gnants en pédia­trie dont et 18 asso­cia­tions de patients.
 https://www.lepa­ri­sien.fr/societe/sante/des-enfants-quo­ti­dien­ne­ment-en-danger-la-lettre-choc-a-emma­nuel-macron-de-4000-soi­gnants-en-pedia­trie-21-10-2022-4FPRV44PCB­DUNNNN623­VYYFDCU.php
 https://www.lefi­garo.fr/actua­lite-france/urgen­ces-pedia­tri­ques-satu­rees-4000-soi­gnants-som­ment-macron-d-agir-sur-fond-d-epi­de­mie-de-bron­chio­lite-20221022
 https://fran­ce3-regions.fran­cet­vinfo.fr/paris-ile-de-france/urgen­ces-pedia­tri­ques-satu­rees-le-sos-de-plus-de-4000-soi­gnants-2640988.html
 https://www.sudouest.fr/sante/urgen­ces-pedia­tri­ques-satu­rees-les-soi­gnants-som­ment-macron-d-agir-12697687.php
 
 https://www.huf­fing­ton­post.fr/france/arti­cle/ser­vi­ces-de-pedia­trie-satu­res-l-appel-a-la-soli­da­rite-du-gou­ver­ne­ment-apres-le-sos-de-4-000-soi­gnants_209289.html

Partager l'article
     

Rechercher sur le site


Dialoguer avec nous sur Facebook
Nous suivre sur Twitter
Nous suivre sur LinkedIn
Suivre notre Flux RSS

Oxyde d’éthylène : l’ombre toxique de la stérilisation plane sur les soignants

La stérilisation sauve des vies. Mais quand elle empoisonne ceux qui soignent, qui protège les (…)

Formation infirmière : la France choisit l’impasse pendant que le monde avance

Mieux formés, les infirmiers sauvent plus de vies. C’est prouvé, documenté, validé. Mais la (…)

Partout où la guerre détruit, les soins reconstruisent

La paix ne commence pas dans les traités, mais dans les gestes quotidiens. C’est l’un des (…)

Redéfinir l’infirmière, c’est refonder la santé

À quoi reconnaît-on une infirmière ? Par la blouse ? Les soins prodigués au chevet ? Trop (…)

Ratios infirmiers : une exigence mondiale, un combat syndical, une loi en attente

Tout le monde le reconnaît désormais : la qualité des soins dépend de la présence suffisante (…)

Le SNPI au Congrès mondial du CII, sous le signe du pouvoir infirmier

Du 9 au 13 juin 2025, la communauté infirmière internationale se donne rendez-vous à Helsinki, (…)