Planning familial : quand l’État se défile, les femmes trinquent

30 juin 2025

Partout en France, les structures du Planning familial sont à l’os. Budgets gelés, subventions retardées, charges qui explosent  : les signaux d’alerte se multiplient. Et l’État, lui, regarde ailleurs. La santé sexuelle et reproductive n’est pas un supplément d’âme. C’est un droit. Un pilier de l’égalité. Un levier d’émancipation.

À Grenoble, l’inquiétude est palpable. Le Planning familial de l’Isère – le plus ancien et le plus important de France – tire la sonnette d’alarme. Faute de financements suffisants, plusieurs centres d’accueil pourraient fermer dans les prochains mois. Des permanences suspendues. Des activités annulées. Des publics abandonnés. Une ligne rouge est franchie  : celle de la continuité du service.

Et ce n’est pas un cas isolé. De Lille à Marseille, de Limoges à Saint-Denis, les associations tirent toutes la même conclusion  : la survie du Planning tient désormais à des bouts de ficelle. Ce ne sont plus des lieux militants qui réclament davantage. Ce sont des services essentiels qui implosent en silence.

Depuis 2020, les structures de santé ont connu bien des annonces. Après le Ségur de la santé, une prime était censée revaloriser les salaires dans les secteurs associatifs de santé. Elle a bien été votée. Mais jamais versée aux professionnels en première ligne auprès des publics les plus précaires. Et ce n’est pas faute de l’avoir demandé. Courriers, mobilisations, interpellations publiques  : tout a été tenté. En vain. Les promesses se sont évanouies avec les caméras. Sur le terrain, ce sont les arriérés de subventions qui s’accumulent. Les loyers à payer. Les salaires à honorer. Les factures à régler. Certains centres n’ont plus de quoi tenir trois mois.

Les collectivités locales, elles aussi, peinent à suivre. Entre désengagement progressif de l’État et recentrage budgétaire, les aides s’effritent. Or les besoins, eux, explosent.

Un thermomètre des inégalités

Le Planning familial n’est pas un acteur parmi d’autres. Il est souvent le seul rempart pour celles et ceux que le système ne voit pas. Mineures isolées, femmes en situation de handicap, travailleuses du sexe, victimes de violences conjugales… Autant de publics pour qui les portes restent closes ailleurs. Et pour qui ces lieux sont bien plus que des centres de santé.

Ce sont des refuges. Des espaces de parole. Des endroits où l’on peut être écouté sans jugement, accompagné sans délai, soutenu sans condition. Fermer un centre, ce n’est pas simplement rogner sur l’offre de soins. C’est couper le fil d’un parcours déjà chaotique. C’est aggraver les ruptures de droits. C’est exposer davantage à la précarité, à la violence, à l’isolement.

Et le constat est sans appel  : là où le Planning recule, les violences progressent. Là où les équipes craquent, les patientes se taisent. Il ne s’agit pas d’idéologie. Il s’agit de vies.

Dans un pays qui se targue de défendre les droits des femmes, l’abandon du Planning familial est un paradoxe douloureux. L’accès à la contraception, à l’IVG, à l’éducation à la vie affective et sexuelle devrait relever de l’évidence. Pourtant, en 2025, ce sont encore des bénévoles qui doivent combler les trous, des soignants qui avancent sans filet, et des associations qui mendient ce qui devrait être garanti.

Les équipes sont épuisées. Les vacations médicales deviennent impossibles à pourvoir, faute de financement ou d’attractivité. Les psychologues sont partis. Les infirmières ne trouvent plus leur place. Même les interventions scolaires – pourtant cruciales face à la montée du sexisme et des stéréotypes – sont menacées.

Cette crise ne résulte pas d’un désaccord ponctuel sur une ligne budgétaire. Elle est le fruit d’un lent désengagement, d’une invisibilisation méthodique, d’une précarisation organisée du soin social.

L’alerte de Grenoble : un électrochoc ?

À Grenoble, la menace de fermeture d’antennes du Planning familial 38 résonne comme un électrochoc. Car ce centre n’est pas un petit point sur la carte. Il concentre 25 % de l’activité IVG de l’Isère, assure plus de 12.000 consultations par an, et mène des dizaines d’actions de prévention dans les collèges, lycées et quartiers populaires. Sa disparition serait un effondrement pour tout un territoire.

Les élus locaux ont été alertés. La presse aussi. Mais sans soutien rapide et pérenne, le couperet tombera. Et ce ne sera que le début. Car dans bien d’autres départements, les plans de rigueur internes sont déjà enclenchés. On réduit les horaires d’ouverture. On ferme les lignes téléphoniques. On sélectionne les urgences. Par manque de moyens, on renonce à des droits.

Ce désengagement n’est pas neutre. Il a un coût humain, un coût social, un coût démocratique. Derrière chaque baisse de subvention, il y a des violences non signalées. Des IVG tardives. Des parcours de soins abandonnés. Des jeunes qui restent seuls avec leurs questions. Et des femmes qui cessent de croire à l’égalité.

Les droits ne vivent que s’ils sont incarnés. Et pour cela, il faut des lieux, des équipes, des moyens. Ce que le Planning familial défend, c’est la santé, l’autonomie, la dignité. Ce n’est pas un luxe. C’est un besoin fondamental. Et l’État ne peut plus détourner les yeux.

Quand les lieux d’accueil ferment, ce n’est pas seulement un service qui disparaît. C’est la violence qui gagne du terrain. C’est le silence qui reprend le dessus. Et c’est la République qui vacille.

Partager l'article
     

Rechercher sur le site


Dialoguer avec nous sur Facebook
Nous suivre sur Twitter
Nous suivre sur LinkedIn
Suivre notre Flux RSS

Planning familial : quand l’État se défile, les femmes trinquent

Partout en France, les structures du Planning familial sont à l’os. Budgets gelés, subventions (…)

Loi infirmière : sans les décrets, l’accès aux soins reste bloqué

Loi infirmière : merci pour la loi, mais sans les décrets, les patients attendront. Car une loi (…)

Quelle partie du rôle propre infirmier peut être confiée à une aide-soignante ?

Depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2021-980 du 23 juillet 2021, le périmètre d’intervention (…)

Des médicaments dans l’eau, et personne pour les filtrer ?

L’eau du robinet contient aujourd’hui plus de résidus médicamenteux que de pesticides. Et tout (…)

Oxyde d’éthylène : l’ombre toxique de la stérilisation plane sur les soignants

La stérilisation sauve des vies. Mais quand elle empoisonne ceux qui soignent, qui protège les (…)

Formation infirmière : la France choisit l’impasse pendant que le monde avance

Mieux formés, les infirmiers sauvent plus de vies. C’est prouvé, documenté, validé. Mais la (…)