Projet préliminaire d’un traité de l’OMS sur les pandémies

16 décembre 2023

Notre syn­di­cat suit les tra­vaux de l’Organe inter­gou­ver­ne­men­tal de négo­cia­tion dans le cadre de l’élaboration et de la négo­cia­tion d’un accord inter­na­tio­nal sur la pré­ven­tion, la pré­pa­ra­tion et l’inter­ven­tion en cas de pan­dé­mie, connu sous le nom de « CA+ de l’OMS ». Nous effec­tuons ce tra­vail en coor­di­na­tion avec Global Nurses United (GNU), une fédé­ra­tion syn­di­cale mon­diale repré­sen­tant des infir­miers.ères syn­di­qués.es dans 35 pays, à laquelle nous sommes affi­liés. L’inca­pa­cité des gou­ver­ne­ments et du monde de l’entre­prise à se pré­pa­rer aux pan­dé­mies et à d’autres ris­ques sani­tai­res expose fré­quem­ment nos mem­bres à des ris­ques dont les mala­dies, les pré­ju­di­ces, voire la mort.

Les infir­miers.ères du monde entier sont en pre­mière ligne pour com­bat­tre les pan­dé­mies mon­dia­les et les effets de la crise cli­ma­ti­que sur la santé. Nos mem­bres jouent un rôle essen­tiel dans la réponse à tous les enjeux natio­naux et inter­na­tio­naux en matière de santé. Compte tenu du rôle unique que jouent les infir­miers.ères dans la lutte contre les pan­dé­mies, il est essen­tiel que les préoc­cu­pa­tions de nos mem­bres soient prises en compte dans les négo­cia­tions afin que ce traité per­mette d’amé­lio­rer la pré­ven­tion, la pré­pa­ra­tion et l’inter­ven­tion en cas de pan­dé­mie.

Le CA+ de l’OMS vise à com­bler les lacu­nes actuel­les qui entra­vent une réponse effi­cace de la com­mu­nauté inter­na­tio­nale à une crise sani­taire majeure telle que la pan­dé­mie de Covid-19. Des décen­nies de désin­ves­tis­se­ment, de restruc­tu­ra­tion des entre­pri­ses et de pri­va­ti­sa­tion de notre infra­struc­ture mon­diale de santé publi­que ont abouti à une com­mu­nauté inter­na­tio­nale mal pré­pa­rée à la pan­dé­mie, avec notam­ment des stocks insuf­fi­sants d’équipements de pro­tec­tion indi­vi­duelle (EPI) opti­maux et de four­ni­tu­res médi­ca­les essen­tiel­les, des sys­tè­mes de sur­veillance pré­coce et de recher­che des contacts au sein de la com­mu­nauté ina­dé­quats, des tests et une pré­pa­ra­tion des vac­cins défi­cients, ainsi que de nom­breux autres fac­teurs qui ont invo­lon­tai­re­ment aggravé la situa­tion.

Si nous nous réjouis­sons que le projet actuel de l’AC+ de l’OMS com­porte désor­mais un arti­cle (arti­cle 7) consa­cré au per­son­nel de santé, il est loin d’avoir l’ambi­tion de pro­té­ger les soi­gnants.es de pre­mière ligne. C’est dans cet esprit que nous deman­dons ins­tam­ment à votre minis­tère de sou­le­ver les points évoqués ci-des­sous en pré­vi­sion du pro­chain cycle de négo­cia­tions qui débu­tera le 4 décem­bre 2023. Notre plus grand espoir est que ce futur ins­tru­ment inter­na­tio­nal s’appuie sur les connais­san­ces et l’expé­rience col­lec­ti­ves des infir­miers.ères et des tra­vailleurs.euses de la santé en pre­mière ligne de la pan­dé­mie de Covid-19, afin que le sacri­fice de nos col­lè­gues qui ont déjà perdu la vie dans la lutte contre cette mala­die n’ait pas été vain.

Nous recom­man­dons vive­ment d’inclure la santé et la sécu­rité des tra­vailleurs.euses comme une prio­rité cen­trale à pren­dre en compte dans tous les pro­gram­mes de pré­pa­ra­tion et d’inter­ven­tion en cas de pan­dé­mie et de situa­tion dan­ge­reuse. Nous recom­man­dons en outre que le prin­cipe de pré­cau­tion soit exigé dans toutes les poli­ti­ques qui affec­tent l’expo­si­tion au risque des tra­vailleurs.euses de la santé. La santé et la sécu­rité des soi­gnants.es de pre­mière ligne ne sont men­tion­nées qu’une seule fois dans l’ensem­ble du projet de CA+ de l’OMS, à l’arti­cle 7(c).

Dans le passé, la santé et la sécu­rité des tra­vailleurs.euses n’ont pas été prises en compte dans les plans de pré­pa­ra­tion aux pan­dé­mies et aux situa­tions dan­ge­reu­ses et ne sont géné­ra­le­ment pas inclu­ses dans les stra­té­gies publi­ques de pro­tec­tion de la santé publi­que. Cette défaillance s’est soldée par de ter­ri­bles épreuves pour les infir­miers.ères, les autres tra­vailleurs.euses de la santé et les autres tra­vailleurs.euses de pre­mière ligne qui inter­vien­nent en cas d’épidémies de mala­dies infec­tieu­ses, de catas­tro­phes natu­rel­les et d’autres ris­ques. Dans le cas des épidémies de mala­dies infec­tieu­ses, l’inca­pa­cité à assu­rer la pro­tec­tion des tra­vailleurs.euses de la santé sur leur lieu de tra­vail a exa­cerbé les taux d’infec­tion et de mor­ta­lité.

Toute action visant à pré­ve­nir la pro­pa­ga­tion des mala­dies infec­tieu­ses devrait s’ins­pi­rer du prin­cipe de pré­cau­tion et le nommer expli­ci­te­ment. Selon A. Wallace Hayes, pro­fes­seur à l’uni­ver­sité de Harvard, le prin­cipe de pré­cau­tion sti­pule que « lorsqu’une acti­vité risque de nuire à la santé humaine ou à l’envi­ron­ne­ment, des mesu­res de pré­cau­tion doi­vent être prises même si cer­tai­nes rela­tions de cause à effet ne sont pas entiè­re­ment établies scien­ti­fi­que­ment ». Les preu­ves scien­ti­fi­ques ont montré à main­tes repri­ses que les infir­miers.ères avaient raison d’exiger que les hôpi­taux, les établissements de santé et les agen­ces de santé publi­que et de sécu­rité res­pec­tent le prin­cipe de pré­cau­tion en met­tant en œuvre une stra­té­gie à mul­ti­ples facet­tes pour lutter contre la pro­pa­ga­tion de la Covid-19.

Il s’agit notam­ment de four­nir un EPI opti­mal et d’autres pro­tec­tions sur le lieu de tra­vail aux infir­miers.ères et à d’autres tra­vailleurs.euses essen­tiels, y com­pris de meilleu­res condi­tions de tra­vail, des ratios infir­miers.ères-patients.es adé­quats et des mesu­res visant à garan­tir un tra­vail décent aux tra­vailleurs.euses de la santé ; de mettre en place des tests com­plets, une recher­che des contacts, des plans de qua­ran­taine/d’iso­le­ment et des congés de mala­die rému­né­rés ; ainsi que d’ins­ti­tuer des mesu­res de pro­tec­tion de la santé publi­que, y com­pris des vac­ci­na­tions, le port de masque de pro­tec­tion res­pi­ra­toire, la dis­tan­cia­tion et l’amé­lio­ra­tion de la qua­lité de l’air et de la ven­ti­la­tion à l’inté­rieur des bâti­ments.

Dans l’« Article 7. Personnels de santé et d’aide à la per­sonne » :

• Nous recom­man­dons vive­ment l’inclu­sion d’une texte sur les droits du tra­vail et les droits syn­di­caux des tra­vailleurs.euses de la santé en tant qu’éléments clés de la pré­ven­tion, de la pré­pa­ra­tion et de la réponse à une pan­dé­mie. En outre, nous recom­man­dons vive­ment l’inclu­sion de dis­po­si­tions visant à garan­tir une par­ti­ci­pa­tion signi­fi­ca­tive des syn­di­cats de tra­vailleurs.euses de la santé à la prise de déci­sion concer­nant la poli­ti­que de soins de santé à long terme ainsi qu’à la pla­ni­fi­ca­tion de crise en cas de pan­dé­mie. La ver­sion actuelle du projet pré­li­mi­naire de traité ne contient pas de dis­po­si­tions essen­tiel­les sur les droits du tra­vail, notam­ment le droit à la syn­di­ca­li­sa­tion et le droit de négo­cia­tion col­lec­tive, ni sur la néces­sité pour les infir­miers.ères et les autres tra­vailleurs.euses de la santé de pro­té­ger leur métier et de défen­dre leurs inté­rêts et ceux de leurs patients.es en ren­for­çant leur pou­voir col­lec­tif. Les syn­di­cats repré­sen­tant les infir­miers.ères et les autres tra­vailleurs.euses de la santé offrent une pro­tec­tion essen­tielle contre les pra­ti­ques des entre­pri­ses, les échecs poli­ti­ques et les iné­ga­li­tés sys­té­mi­ques qui ont aggravé les effets de la Covid-19 et qui, s’ils ne sont pas contrô­lés, ren­dront nos lieux de tra­vail et nos com­mu­nau­tés plus vul­né­ra­bles aux futu­res pan­dé­mies.

Notre pré­pa­ra­tion et notre réponse à la pan­dé­mie gagne­raient à inclure des consul­ta­tions avec les orga­ni­sa­tions syn­di­ca­les qui repré­sen­tent les tra­vailleurs.euses de la santé dans le cadre d’un enga­ge­ment obli­ga­toire des par­ties pre­nan­tes, afin que l’exper­tise des tra­vailleurs.euses de pre­mière ligne soit prise en compte. Les infir­miers.ères ont la for­ma­tion scien­ti­fi­que, les com­pé­ten­ces et l’expé­rience cli­ni­que néces­sai­res pour connaî­tre les pro­tec­tions et les pré­cau­tions à pren­dre pour assu­rer notre sécu­rité et celle de nos patients.es afin d’être prêts à faire face aux mena­ces de santé publi­que. Il convient que les gou­ver­ne­ments consul­tent les orga­ni­sa­tions syn­di­ca­les repré­sen­tant les tra­vailleurs.euses de la santé au sujet des types et des quan­ti­tés d’EPI qui devraient être inclus dans les stocks natio­naux des pays res­pec­tifs, lorsqu’ils exis­tent, afin de garan­tir que les tra­vailleurs.euses de la santé puis­sent répon­dre en toute sécu­rité aux urgen­ces de santé publi­que.

Il est également impor­tant que le texte du traité sur la pan­dé­mie com­prenne des réfé­ren­ces aux recom­man­da­tions et conven­tions de l’OIT, telles que la réu­nion tri­par­tite de l’OIT de 2017 sur les moyens d’amé­lio­rer les condi­tions d’emploi et de tra­vail dans les ser­vi­ces de santé, qui recom­mande spé­ci­fi­que­ment que les par­ties pre­nan­tes concer­nées s’enga­gent dans le dia­lo­gue social ; le rap­port de 2016 du groupe d’experts de la Commission de haut niveau sur l’emploi et l’économie de la santé, qui recom­mande de garan­tir les droits du tra­vail de l’ensem­ble du per­son­nel de santé, de mettre en place des méca­nis­mes de dia­lo­gue social et de pro­té­ger les droits des tra­vailleurs.euses migrants ainsi que les inté­rêts des pays d’ori­gine. En outre, la conven­tion 149 de l’OIT sur le per­son­nel infir­mier cons­ti­tue la norme inter­na­tio­nale qui traite des droits du per­son­nel infir­mier et com­prend des normes sur la sécu­rité de l’emploi et le tra­vail décent.

• Nous recom­man­dons vive­ment l’inclu­sion de dis­po­si­tions visant à garan­tir un emploi sûr et sécu­risé aux tra­vailleurs.euses migrants dans les pays de des­ti­na­tion, y com­pris la pro­tec­tion de leurs droits du tra­vail. En outre, nous recom­man­dons vive­ment l’inclu­sion de dis­po­si­tions visant à garan­tir la pro­tec­tion des sys­tè­mes de santé dans les pays d’ori­gine, afin que les pays d’ori­gine ne soient pas confron­tés à une pénu­rie de per­son­nel de santé. L’arti­cle 7 du projet actuel laisse de côté une partie impor­tante des pro­fes­sion­nels, les tra­vailleurs.euses migrants.es. L’arti­cle n’aborde pas la néces­sité de garan­tir une migra­tion sûre et la pro­tec­tion des droits du tra­vail des migrants dans les pays de des­ti­na­tion. Il ne répond pas non plus aux préoc­cu­pa­tions crois­san­tes des pays d’ori­gine concer­nant la fuite des cer­veaux.

Compte tenu du nombre impor­tant d’infir­miers.ères qui s’ins­tal­lent dans d’autres pays, cette omis­sion est par­ti­cu­liè­re­ment frap­pante. Il convient que les gou­ver­ne­ments assu­ment la res­pon­sa­bi­lité de veiller à ce que les tra­vailleurs.euses migrants.es béné­fi­cient d’un sou­tien pour s’adap­ter sur les plans cultu­rel et pro­fes­sion­nel, confor­mé­ment à la légis­la­tion locale et aux normes inter­na­tio­na­les du tra­vail fon­dées sur les conven­tions de l’Organisation inter­na­tio­nale du tra­vail (OIT).

Nous recom­man­dons vive­ment d’inclure la crise cli­ma­ti­que comme une prio­rité cen­trale à pren­dre en compte dans tous les pro­gram­mes de pré­pa­ra­tion et de réponse aux pan­dé­mies et aux situa­tions dan­ge­reu­ses. En outre, nous recom­man­dons vive­ment d’accor­der la prio­rité à l’amé­lio­ra­tion de la rési­lience des soins de santé en pré­vi­sion de la crise cli­ma­ti­que en cours. À l’heure actuelle, le seul arti­cle du projet de CA+ de l’OMS qui men­tionne le chan­ge­ment cli­ma­ti­que est l’arti­cle Renforcement de la pré­ven­tion et de la pré­pa­ra­tion face aux pan­dé­mies au
moyen d’un prin­cipe « Une seule santé ». Cet arti­cle doit être inclus dans le CA+ de l’OMS, en plus d’un lan­gage beau­coup plus fort sur la pré­pa­ra­tion aux ris­ques sani­tai­res dans le contexte de la crise cli­ma­ti­que en cours. Notre sys­tème de santé actuel n’est pas pré­paré à répon­dre aux ris­ques actuels et futurs créés par la crise cli­ma­ti­que en cours. Le CA+ de l’OMS cons­ti­tue un vec­teur pour exiger aux gou­ver­ne­ments d’inves­tir dans des pro­gram­mes qui amé­lio­re­raient la rési­lience de nos infra­struc­tu­res de santé, pro­té­ge­raient le per­son­nel de santé lors des catas­tro­phes cli­ma­ti­ques et sou­tien­draient la recher­che sur les effets du chan­ge­ment cli­ma­ti­que sur la santé.

Nous deman­dons ins­tam­ment aux négo­cia­teurs d’inté­grer la crise cli­ma­ti­que (et plus par­ti­cu­liè­re­ment les catas­tro­phes météo­ro­lo­gi­ques extrê­mes cau­sées par le chan­ge­ment cli­ma­ti­que) en tant que risque néces­si­tant une atten­tion et un finan­ce­ment. Nous encou­ra­geons les négo­cia­teurs à inclure la créa­tion de pro­gram­mes de finan­ce­ment pour inves­tir dans des pro­jets de cons­truc­tion afin d’amé­lio­rer la rési­lience et l’atté­nua­tion pré-catas­tro­phe des infra­struc­tu­res sani­tai­res. Enfin, nous deman­dons ins­tam­ment aux négo­cia­teurs d’exiger des inves­tis­se­ments dans des pro­gram­mes de santé et de sécu­rité au tra­vail et des primes de risque pour les tra­vailleurs.euses de la santé lors de tout événement météo­ro­lo­gi­que extrême.

Dans l’« Article 9. Recherche-déve­lop­pe­ment » :

• Nous recom­man­dons vive­ment d’inclure les tra­vailleurs.euses de la santé dans la recher­che et les acti­vi­tés concer­nant les effets à long terme sur la santé de l’infec­tion par le SRAS-COV-2 et d’autres pan­dé­mies futu­res. Les effets à long terme de la Covid-19 sont de connus de mieux en mieux, notam­ment les lésions pul­mo­nai­res et car­dia­ques à long terme, la fati­gue et les effets neu­ro­lo­gi­ques. Les infir­miers.ères et autres tra­vailleurs.euses de la santé en pre­mière ligne de la pan­dé­mie de Covid-19 ont connu des taux d’infec­tion incroya­ble­ment élevés. L’impact d’une longue Covid sur la santé et la qua­lité de vie des infir­miers.ères peut être pro­fond. Si de plus en plus de tra­vailleurs.euses de la santé souf­frent d’une longue Covid, l’impact sur la sécu­rité des soins aux patients et des tra­vailleurs.euses sera désas­treux. Nous encou­ra­geons vive­ment les pro­gram­mes de recher­che consa­crés aux effets à long terme des pan­dé­mies sur la santé à pren­dre en compte les infir­miers.ères et tous les tra­vailleurs.euses de la santé.

• Nous recom­man­dons vive­ment que l’arti­cle 9 aille au-delà des exi­gen­ces de publi­ca­tion et de trans­pa­rence pour l’accès aux « pro­duits liés aux pan­dé­mies » en ren­dant obli­ga­toire le par­tage et l’octroi de licen­ces pour les pro­duits aux pan­dé­mies finan­cés par des fonds publics. La pan­dé­mie de Covid-19 a mis en évidence les lacu­nes dans la pré­pa­ra­tion et la réponse à la pan­dé­mie au niveau mon­dial ; au cours de la pan­dé­mie, les pays à revenu élevé et les socié­tés phar­ma­ceu­ti­ques ont contrôlé la fabri­ca­tion et la four­ni­ture de res­sour­ces médi­ca­les alors que les pays en déve­lop­pe­ment en étaient dépour­vus. Cette ini­quité a pro­longé la pan­dé­mie, entraîné la perte inu­tile de vies sup­plé­men­tai­res et un bilan économique désas­treux. Les pays doi­vent avoir l’obli­ga­tion de col­la­bo­rer par le biais d’un par­tage ouvert des tech­no­lo­gies et des connais­san­ces afin de faci­li­ter une réponse rapide et effi­cace aux pan­dé­mies à l’échelle mon­diale. Le par­tage des connais­san­ces permet d’éviter les pénu­ries d’appro­vi­sion­ne­ment et de faire pro­gres­ser les connais­san­ces scien­ti­fi­ques.

Les gou­ver­ne­ments devraient être tenus de pren­dre des mesu­res concrè­tes pour par­ta­ger leurs tech­no­lo­gies et leur savoir-faire, inves­tir dans le déve­lop­pe­ment d’ins­tal­la­tions de pro­duc­tion et sup­pri­mer les obs­ta­cles à la pro­priété intel­lec­tuelle qui entra­vent le par­tage des tech­no­lo­gies et des connais­san­ces. L’inves­tis­se­ment public de longue date a été au cœur de la rapi­dité avec laquelle les vac­cins contre la Covid-19 ont été mis au point. C’est pour­quoi il est néces­saire, pour une réponse équitable aux pan­dé­mies, d’aug­men­ter les inves­tis­se­ments dans la recher­che et le déve­lop­pe­ment et d’impo­ser des condi­tions stric­tes aux « pro­duits liés aux pan­dé­mies » déve­lop­pés à l’aide de fonds publics.

Dans l’« Article 11. Codéveloppement et trans­fert de tech­no­lo­gies et de savoir-faire » :

• Nous recom­man­dons vive­ment l’inclu­sion de l’arti­cle 11.A, qui pré­voit des enga­ge­ments volon­ta­ris­tes plus forts et plus précis concer­nant le contexte mul­ti­la­té­ral des droits de pro­priété intel­lec­tuelle et du trans­fert de tech­no­lo­gie que le projet pré­cé­dent de l’AC+ de l’OMS. En outre, nous recom­man­dons vive­ment de ren­for­cer le texte rela­tif au trans­fert des tech­no­lo­gies obli­ga­toire et à l’enga­ge­ment contrai­gnant d’accor­der des déro­ga­tions limi­tées dans le temps en matière de droits de pro­priété intel­lec­tuelle. Nous recom­man­dons aussi vive­ment que ces déro­ga­tions soient auto­ma­ti­que­ment déclen­chées en cas d’urgence de santé publi­que de portée inter­na­tio­nale (USPPI). Le traité devrait inclure des dis­po­si­tions garan­tis­sant l’équité mon­diale en matière de vac­cins afin de pré­ve­nir l’appa­ri­tion de variants dan­ge­reux de la Covid-19, de mettre fin à la pan­dé­mie actuelle et de réduire la vul­né­ra­bi­lité de l’huma­nité face aux futu­res pan­dé­mies. Notre syn­di­cat plaide pour la sup­pres­sion des bar­riè­res juri­di­ques, y com­pris les pri­vi­lè­ges inter­na­tio­naux en matière de bre­vets et les règles de pro­priété intel­lec­tuelle, afin de garan­tir la capa­cité de toutes les nations à fabri­quer et à dis­tri­buer des vac­cins ou tout autre médi­ca­ment et maté­riel médi­cal néces­saire pour pro­té­ger la santé et la sécu­rité de leurs popu­la­tions et du per­son­nel de santé pen­dant la pan­dé­mie actuelle de Covid et les pan­dé­mies à venir.

Nous sou­te­nons les efforts natio­naux et inter­na­tio­naux visant à déve­lop­per et à par­ta­ger les infra­struc­tu­res de recher­che, de régle­men­ta­tion, de pro­duc­tion et de dis­tri­bu­tion afin de garan­tir que tous les pays dis­po­sent d’une capa­cité dura­ble à pro­té­ger leurs pro­pres popu­la­tions contre la Covid-19 et toute autre menace sani­taire future. Le CA+ de l’OMS devrait donner aux gou­ver­ne­ments qui inves­tis­sent dans la recher­che et le déve­lop­pe­ment indis­pen­sa­bles les moyens d’exiger des condi­tions d’accès, sans quoi nous ris­quons de lais­ser le pou­voir des entre­pri­ses mena­cer l’accès aux vac­cins et ralen­tir la réponse à la pan­dé­mie.

Nous deman­dons ins­tam­ment que soit inclus dans le CA+ de l’OMS un enga­ge­ment juri­di­que­ment contrai­gnant en faveur de déro­ga­tions limi­tées dans le temps aux droits de pro­priété intel­lec­tuelle sur les pro­duits d’inter­ven­tion en cas de pan­dé­mie, ainsi que la créa­tion d’un méca­nisme per­ma­nent qui déclen­che­rait auto­ma­ti­que­ment cette sus­pen­sion en pré­sence d’une USPPI décla­rée. Un tel méca­nisme per­met­trait d’accé­lé­rer la pro­duc­tion des « pro­duits de santé » néces­sai­res, tout en évitant les lon­gues négo­cia­tions dont nous avons été témoins au sein de l’Organisation mon­diale du com­merce lors de la pan­dé­mie de Covid-19.

• Nous recom­man­dons vive­ment de sup­pri­mer l’expres­sion « moda­li­tés accep­tées d’un commun accord ». Le libellé « moda­li­tés accep­tées d’un commun accord » réduit la capa­cité des gou­ver­ne­ments à mettre en place des poli­ti­ques uni­la­té­ra­les, telles que les licen­ces à usage public et les licen­ces obli­ga­toi­res, et limite le champ d’inter­ven­tion des gou­ver­ne­ments aux seules licen­ces aux­quel­les les acteurs privés consen­tent de leur plein gré. La pan­dé­mie de Covid-19 nous a montré que cela est insuf­fi­sant.

Nous recom­man­dons vive­ment l’inclu­sion de l’option 12.B dans l’« arti­cle 12. Accès et par­tage des avan­ta­ges ». En outre, nous recom­man­dons vive­ment l’inclu­sion de l’option 6(c)X pour le sous-alinéa 6(c) de l’option 12.B avec l’ajout d’obli­ga­tions plus concrè­tes pour assu­rer un par­tage équitable des avan­ta­ges. L’option 12.B charge l’Organisation mon­diale de la santé de mettre en place le Système OMS d’accès aux agents patho­gè­nes et de par­tage des avan­ta­ges décou­lant de leur uti­li­sa­tion (le « Système PABS »). Le sys­tème PABS garan­tit un accès rapide aux agents patho­gè­nes à poten­tiel pan­dé­mi­que, y com­pris à leurs séquen­ces géno­mi­ques, ainsi que le par­tage des avan­ta­ges cor­res­pon­dants. La pro­duc­tion effi­cace de vac­cins pan­dé­mi­ques dépend de la pos­si­bi­lité d’uti­li­ser des agents patho­gè­nes à poten­tiel pan­dé­mi­que et leur séquence géno­mi­que. Cependant, l’option 6(c)X ne demande aux pays que de donner 10 % et de vendre 10 %, à un prix rai­son­na­ble, de leurs « pro­duits liés à la pan­dé­mie déve­lop­pés à partir de l’uti­li­sa­tion d’agents patho­gè­nes ayant un poten­tiel pan­dé­mi­que ». En sub­stance, l’option 6(c)X pro­pose de réser­ver seu­le­ment 20 % des pro­duits liés à la pan­dé­mie à 80 % de la popu­la­tion mon­diale, ce qui est tout à fait insuf­fi­sant. L’attri­bu­tion des contre-mesu­res médi­ca­les devrait être basée sur les besoins, et non sur la capa­cité d’un pays à payer des prix élevés.

Nous recom­man­dons vive­ment l’inclu­sion de l’« Option 13.A. Mise en place d’un réseau » dans l’ « Article 13. Chaîne d’appro­vi­sion­ne­ment et logis­ti­que ». L’option 13.A charge l’Organisation mon­diale de la santé d’établir un « Réseau mon­dial OMS de chaîne d’appro­vi­sion­ne­ment et de logis­ti­que en cas de pan­dé­mie » chargé de coo­pé­rer avec les gou­ver­ne­ments pour amé­lio­rer leurs stocks natio­naux afin de garan­tir des stocks suf­fi­sants et une dis­tri­bu­tion effi­cace d’EPI pour les tra­vailleurs.euses de la santé. Il est impé­ra­tif que les gou­ver­ne­ments tra­vaillent à la mise en place d’un sys­tème com­plet de chaîne d’appro­vi­sion­ne­ment médi­cal qui soit coor­donné, trans­pa­rent, effi­cace et effi­cient dans la fabri­ca­tion, le sto­ckage et la dis­tri­bu­tion des équipements de pro­tec­tion indi­vi­duelle. L’option 13.A pré­voit la créa­tion de méca­nis­mes d’infor­ma­tion nor­ma­li­sés afin de garan­tir l’établissement de rap­ports régu­liers sur les stocks et la chaîne d’appro­vi­sion­ne­ment en EPI essen­tiels et autres four­ni­tu­res.

Nous recom­man­dons vive­ment l’inclu­sion de l’option 17.B pour l’ « Article 17. Mise en œuvre tenant compte des dis­pa­ri­tés en matière de niveau de déve­lop­pe­ment ». Nous recom­man­dons en outre vive­ment l’inclu­sion de l’option 19.A pour l’ « Article 19. Financement ». Nous recom­man­dons aussi vive­ment de ren­for­cer ces arti­cles en y incluant le prin­cipe de jus­tice finan­cière ou l’appli­ca­tion du prin­cipe d’équité au finan­ce­ment de la pré­ven­tion, de la pré­pa­ra­tion et de l’inter­ven­tion en cas de pan­dé­mie. En ce qui concerne le ren­for­ce­ment des infra­struc­tu­res de soins de santé des pays en déve­lop­pe­ment, l’option 17.B tient compte des « besoins spé­ci­fi­ques et de la situa­tion spé­ciale des pays en déve­lop­pe­ment Parties, notam­ment de ceux qui sont par­ti­cu­liè­re­ment vul­né­ra­bles aux effets néfas­tes des pan­dé­mies et des autres urgen­ces de santé publi­que de portée inter­na­tio­nale, ainsi que des par­ties aux­quel­les le CA+ de l’OMS impo­se­rait une charge dis­pro­por­tion­née ou anor­male ». (option 17.B(2)).

L’option 19.A s’engage même à « élargir les par­te­na­riats avec les ins­ti­tu­tions de finan­ce­ment du déve­lop­pe­ment dans le but d’appor­ter des finan­ce­ments sup­plé­men­tai­res aux pays en déve­lop­pe­ment, par l’inter­mé­diaire de l’allè­ge­ment prio­ri­taire de la dette, de la restruc­tu­ra­tion de la dette, de l’octroi de sub­ven­tions plutôt que de prêts, ce qui garan­tira que les pro­gram­mes pro­tè­gent les dépen­ses essen­tiel­les de santé et les dépen­ses connexes de tout empié­te­ment ». Néanmoins, le projet actuel de CA+ de l’OMS n’aborde pas les fac­teurs struc­tu­rels et ins­ti­tu­tion­nels sous-jacents qui sapent les capa­ci­tés de mobi­li­sa­tion des res­sour­ces des pays en déve­lop­pe­ment. Il s’agit notam­ment des condi­tions de prêt des ins­ti­tu­tions finan­ciè­res inter­na­tio­na­les qui entraî­nent des pla­fonds d’emploi ou de salaire pour le per­son­nel de santé. La pré­ven­tion, la pré­pa­ra­tion et la réponse aux pan­dé­mies néces­si­tent une archi­tec­ture finan­cière mon­diale qui garan­tisse que ces pays dis­po­sent de res­sour­ces suf­fi­san­tes à injec­ter dans la mise en place de sys­tè­mes de santé publi­que uni­ver­sels, soli­des et résis­tants.

Dans ce contexte, nous exhor­tons votre minis­tère à sou­le­ver les points que nous par­ta­geons ci-dessus lors des négo­cia­tions qui débu­te­ront le 4 décem­bre 2023. Dans l’attente de votre sou­tien, nous res­tons à votre dis­po­si­tion pour toute ques­tion.

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