Renoncement aux soins pour raisons financières
23 novembre 2011
Deux études de l’IRDES "Questions d’économie de la santé" analysent le problème :
1) Une approche socio-anthropologique
Le concept de renoncement aux soins, utilisé régulièrement dans les enquêtes et de plus en plus mobilisé dans le débat public en France, n’a pas encore fait l’objet d’un travail méthodologique permettant d’analyser le sens que lui donnent les individus interrogés. Si le renoncement aux soins se réfère le plus souvent dans les enquêtes à un renoncement pour raisons financières, une approche socio-anthropologique, à partir d’entretiens non directifs, permet d’analyser plus largement les significations du renoncement pour les individus ainsi que les logiques sociales, économiques et culturelles qui les déterminent.
Cette étude montre que le renoncement aux soins, qui peut survenir à tout moment d’un itinéraire thérapeutique, prend deux formes principales : le renoncement-barrière et le renoncement-refus.
Dans le premier cas, l’individu fait face à un environnement de contraintes, le plus souvent budgétaires, qui ne lui permet pas d’accéder au soin désiré.
Le second cas est l’expression d’un refus qui porte soit sur des soins spécifiques – il s’agit alors d’un acte d’autonomie à l’égard de la médecine dite conventionnelle – soit, plus radicalement, sur le fait même de se soigner : il revêt alors un caractère définitif et traduit la perception d’une inutilité des soins.
Ces deux formes de renoncement – barrière et refus – sont fréquemment associées : le facteur financier est rarement isolé et se combine à d’autres motifs amenant les individus à renoncer à un soin.
L’approche par le renoncement aux soins
apparaît ainsi particulièrement intéressante
pour l’étude de l’accès aux services
de santé car, en s’appuyant sur la subjectivité
de l’individu, elle le positionne
comme acteur de sa prise en charge et
non comme objet. Cette approche s’inscrit
en continuité avec les principes de la
loi de 2002 qui le reconnaît indirectement
comme expert singulier, détenant des
compétences sur sa maladie et, plus globalement,
sur sa situation personnelle.
Pour plus de détails : http://www.irdes.fr/Publications/2011/Qes169.pdf
2) Une approche économétrique
La France, bien que pourvue d’un système de protection sociale à vocation universelle, connaît des inégalités sociales dans l’accès et l’utilisation des services de santé. L’analyse des déterminants du renoncement aux soins pour raisons financières apporte un nouvel éclairage sur cette question.
En 2008, 15,4 % de la population adulte déclare avoir renoncé à des soins médicaux pour des raisons financières au cours des douze derniers mois. Les barrières financières se concentrent sur les soins dentaires (10 % de la population concernée) et, dans une moindre mesure, l’optique (4,1 %) et les consultations de médecins généralistes et spécialistes (3,4 %).
Ces difficultés d’accès aux soins sont en partie expliquées par les limites du système de protection sociale. L’absence de couverture complémentaire est un facteur important du renoncement aux soins alors que la CMU-C en facilite l’accès. Néanmoins, cette étude révèle d’autres facteurs de renoncement liés à l’histoire de vie, en particulier la situation sociale passée, présente ainsi que les perspectives d’avenir. Cette étude démontre aussi que les prix pratiqués par les professionnels de santé qui peuvent fixer librement leurs honoraires jouent sur l’accessibilité des soins.
L’étude du renoncement aux soins pour
raisons financières confirme le lien entre
couverture complémentaire et accès aux
soins. Elle montre également que des facteurs
socio-économiques de long terme,
c’est-à-dire s’inscrivant tout au long de
la vie des individus, sont à l’oeuvre dans
l’accès financier aux soins.
Même si la CMU-C offre une protection contre le
renoncement aux soins pour raisons financières
aussi bonne que celle offerte par les
meilleurs contrats individuels d’assurance
maladie complémentaire, des disparités
d’accès persistent, à niveau d’assurance
donné, entre les groupes sociaux.
Les résultats des travaux sur le renoncement
suggèrent donc que la question de l’accès
est plus vaste que celle du droit d’accès et
qu’elle ne peut être totalement réglée ni
avec l’universalisation de l’assurance santé
ni avec l’attribution d’une complémentaire
aux plus pauvres.
Pour plus de détails : http://www.irdes.fr/Publications/2011/Qes170.pdf