Souffrance et suicides de soignants à l’hôpital

16 avril 2025

Le porte-parole du SNPI, Thierry Amouroux, était sur le plateau de France24 dans l’émission "L’info du jour" le 16 avril, avec l’avocate Christelle Mazza, qui a déposé une plainte devant la Cour de justice de la République notamment pour « harcèlement moral » et « homicides involontaires » au nom d’une vingtaine de soignants.

La plainte vise les ministres de la santé et de l’éducation, ainsi que le ministre délégué à la santé et à l’accès aux soins, jugés responsables des conditions de travail dégradées des établissements publics. Me Mazza a décidé de saisir la CJR, car depuis plus d’un an, elle alerte en vain l’exécutif sur le risque suicidaire à l’hôpital. Dans un courrier adressé le 5 mars 2024 à la ministre de la santé, et à la conseillère santé de l’Elysée, l’avocate mentionne explicitement « sept situations au moins avec un risque très élevé de décompensation » et d’« atteintes inacceptables à la sécurité des patients » ainsi qu’« à la conduite de la recherche hospitalo-universitaire française ».
https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/04/14/suicides-a-l-hopital-une-vingtaine-de-soignants-attaquent-en-justice-les-ministres-catherine-vautrin-et-elisabeth-borne_6595715_3224.html

Pour sa part, Thierry Amouroux a décrit la souffrance des soignants, face à des conditions de travail indignes, et à une perte de sens. L’hôpital se dégrade années après années du fait des coupures budgétaires qui asphyxient progressivement les hôpitaux.

Les soignants sont broyés par le système :
 d’une part, chaque jour, 10% des soignants sont mis en arrêt maladie par des médecins, pour les protéger eux et leurs patients au vu de leur état. Stress, épuisement, dépression,...
 d’autre part, 180.000 infirmières de moins de 62 ans ont cessé d’exercer, du fait des conditions de travail

Les normes internationales sont de 6 à 8 patients par infirmière, selon les pathologies. En France, c’est le double, avec 12 à 15 patients la journée, et 15 à 30 patients la nuit. De tels ratios entrainent des décès de patients. Lorsqu’une infirmière gère deux fois plus de patients que ce qui est recommandé, les erreurs se multiplient et les occasions d’anticiper les détériorations cliniques se réduisent. Ailleurs, les hôpitaux qui ont limité leurs ratios à 6 patients par infirmière ont constaté une augmentation de 20 % des chances de survie. Pourquoi ? Parce que réduire le nombre de patients par infirmière permet d’observer les signes subtils qui précèdent une aggravation, d’intervenir à temps, de prévenir les arrêts cardiaques, les septicémies ou les infections nosocomiales.

En France, ce niveau de vigilance devient inatteignable. "Les infirmières décrivent des journées où elles courent d’un patient à l’autre, incapables de surveiller correctement l’état de chacun. Les signes d’aggravation sont manqués, et cela coûte des vies", alerte Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers.

Cette surcharge de travail ne se limite pas aux erreurs ou aux retards de soins. Elle condamne les patients à des séjours prolongés, des complications évitables et parfois, à la mort. Le lien entre ratios infirmiers-patients et santé des malades est établi depuis deux décennies, à travers des études internationales. Les hôpitaux dotés de ratios adéquats enregistrent moins d’infections, de réhospitalisations et d’arrêts cardiaques. Pourtant, en France, ces recommandations restent lettre morte.

Loin des discours officiels et des promesses non tenues, la réalité est brutale. Les plans d’économies successifs ont conduit à une dégradation des conditions de travail des soignants, et, par ricochet, des conditions de prise en charge des patients. Les délais d’attente avant la réalisation d’examens complémentaires ou l’admission dans certains services sont catastrophiques. Dans ce contexte, la France est-elle encore en mesure d’assurer à chacun un accès équitable à des soins de qualité ?

Peut-on vraiment se permettre de continuer ainsi, en sacrifiant la santé de la population pour des raisons économiques, dans un pays qui se veut un modèle de justice sociale et d’égalité ? Les réponses à ces questions détermineront l’avenir de notre système de santé, et par conséquent, celui de millions de vies.

**********************
Et vous, qu’en pensez-vous ? Partagez votre point de vue. Echangez avec nous sur
twitter https://x.com/infirmierSNPI/status/1830605997188231643
facebook https://www.facebook.com/syndicat.infirmier/
linkedin https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7236362308703191041/

**********************
Nos articles vous plaisent ?
Seul, vous ne pouvez rien.
Ensemble, nous pou­vons nous faire enten­dre ! Rejoignez nous !
https://www.syndicat-infirmier.com/Comment-adherer.html

**********************

Partager l'article
     

Rechercher sur le site


Dialoguer avec nous sur Facebook
Nous suivre sur Twitter
Nous suivre sur LinkedIn
Suivre notre Flux RSS

Oxyde d’éthylène : l’ombre toxique de la stérilisation plane sur les soignants

La stérilisation sauve des vies. Mais quand elle empoisonne ceux qui soignent, qui protège les (…)

Formation infirmière : la France choisit l’impasse pendant que le monde avance

Mieux formés, les infirmiers sauvent plus de vies. C’est prouvé, documenté, validé. Mais la (…)

Partout où la guerre détruit, les soins reconstruisent

La paix ne commence pas dans les traités, mais dans les gestes quotidiens. C’est l’un des (…)

Redéfinir l’infirmière, c’est refonder la santé

À quoi reconnaît-on une infirmière ? Par la blouse ? Les soins prodigués au chevet ? Trop (…)

Ratios infirmiers : une exigence mondiale, un combat syndical, une loi en attente

Tout le monde le reconnaît désormais : la qualité des soins dépend de la présence suffisante (…)

Le SNPI au Congrès mondial du CII, sous le signe du pouvoir infirmier

Du 9 au 13 juin 2025, la communauté infirmière internationale se donne rendez-vous à Helsinki, (…)