Vaccination grippale : quand l’État se contente d’un bon et laisse tomber les plus fragiles

27 janvier 2025

Vacciner, c’est pré­ve­nir l’hos­pi­ta­li­sa­tion, la réa­ni­ma­tion, voire la mort. Pourquoi est-ce encore si com­pli­qué pour les plus vul­né­ra­bles ?

Chaque année, la grippe sai­son­nière tue près de 9 000 per­son­nes en France, prin­ci­pa­le­ment des seniors. Des décès évitables grâce à la vac­ci­na­tion. Mais l’État, en charge de pro­té­ger les plus fra­gi­les, se contente du strict mini­mum. Un bon de prise en charge est envoyé par l’Assurance mala­die, puis... plus rien. Aucun suivi, aucun accom­pa­gne­ment, aucune ten­ta­tive de com­pren­dre pour­quoi autant de per­son­nes vul­né­ra­bles ne sont pas pro­té­gées.

Les recom­man­da­tions vac­ci­na­les sont lim­pi­des : les per­son­nes âgées, les mala­des chro­ni­ques, les femmes encein­tes, et d’autres grou­pes à risque doi­vent être vac­ci­nés en prio­rité. Pour cela, l’Assurance mala­die envoie chaque année des bons vac­ci­naux per­met­tant une prise en charge à 100 %. Mais ce geste admi­nis­tra­tif, aussi simple soit-il, s’arrête là. Aucune relance télé­pho­ni­que pour com­pren­dre les réti­cen­ces ou rap­pe­ler les bien­faits de la vac­ci­na­tion. Aucune ten­ta­tive d’éducation pour ras­su­rer sur les effets secondai­res. Et sur­tout, aucun effort pour attein­dre les per­son­nes iso­lées, sou­vent les plus à risque.

Le béné­fice/risque est évident. Nous avons des décen­nies de recul sur le vaccin grip­pal, plu­sieurs mil­liards de doses ont été admi­nis­trées dans le monde entier. Ses effets indé­si­ra­bles sont bénins et tem­po­rai­res : res­sen­tir par­fois une petite dou­leur, une rou­geur ou un gon­fle­ment 24h au niveau de l’endroit où le vaccin a été admi­nis­tré. En revan­che, les consé­quen­ces pour les patients les plus fra­gi­les peu­vent être fata­les. La majo­rité des décès sur­vien­nent chez les plus de 65 ans, sou­vent frap­pés par des com­pli­ca­tions graves ou un déclin fonc­tion­nel irré­ver­si­ble. Pourtant, malgré des vac­cins pris en charge à 100% et une pré­ven­tion acces­si­ble, la cou­ver­ture vac­ci­nale reste dra­ma­ti­que­ment basse : 41 % chez les seniors et seu­le­ment 19 % pour les per­son­nes à risque de moins de 65 ans. Chez les per­son­nes âgées, la vac­ci­na­tion contre la grippe est moins effi­cace mais permet tou­te­fois de réduire la mor­bi­dité et la mor­ta­lité grip­pale.

Les chif­fres par­lent d’eux-mêmes : 79 % des patients en réa­ni­ma­tion grippe cette année n’étaient pas vac­ci­nés. Combien parmi eux n’ont pas reçu d’infor­ma­tion suf­fi­sante ? Combien, trop isolés ou dépen­dants, n’ont pas pu se rendre en phar­ma­cie, chez un méde­cin ou un infir­mier pour rece­voir leur dose ? Envoyer un bon vac­ci­nal sans suivi, c’est aban­don­ner ces per­son­nes à leur sort.

Pourquoi ne pas envoyer une infir­mière ?

Les infir­miè­res pour­raient jouer un rôle déci­sif dans cette lutte contre la grippe. 700.000 infir­miè­res géné­ra­lis­tes, dont 140.000 en exer­cice libé­ral, der­niè­res pro­fes­sion­nel­les de santé à se rendre quo­ti­dien­ne­ment au domi­cile des patients. Elles sont déjà for­mées pour pres­crire, admi­nis­trer les vac­cins et ras­su­rer les patients. Alors pour­quoi ne pas déployer des équipes mobi­les de vac­ci­na­tion à domi­cile ? Les seniors en perte d’auto­no­mie, les béné­fi­ciai­res de l’Allocation per­son­na­li­sée d’auto­no­mie, ou encore ceux vivant dans des zones rura­les éloignées des cen­tres de soins devraient être prio­ri­tai­res. Chaque dépla­ce­ment serait une oppor­tu­nité pour évaluer, mettre à jour les car­nets de vac­ci­na­tion et sen­si­bi­li­ser à l’uti­lité du vaccin grip­pal. Ce contact direct pour­rait chan­ger la donne, sur­tout avec le lien de confiance entre l’infir­mière et le patient. L’idée est simple : "aller vers" les patients au lieu d’atten­dre qu’ils vien­nent.

Chaque hiver, la grippe est une héca­tombe silen­cieuse. 9 000 morts, c’est l’équivalent de trente crashs aériens en une saison. Pourtant, l’État per­siste à igno­rer l’évidence. La pré­ven­tion ne peut se limi­ter à un cour­rier stan­dard. Elle demande un enga­ge­ment réel, des moyens concrets et une stra­té­gie proac­tive. Ne pas inves­tir dans la vac­ci­na­tion des plus vul­né­ra­bles, c’est accep­ter qu’ils soient sacri­fiés.

Prévenir, c’est réduire les hos­pi­ta­li­sa­tions, les com­pli­ca­tions post-infec­tieu­ses et les coûts liés au déclin fonc­tion­nel des seniors. C’est aussi pro­té­ger les plus vul­né­ra­bles par l’immu­nité col­lec­tive. Pourtant, ce levier reste sous-uti­lisé. Pourquoi une mesure si évidente peine-t-elle à se déployer plei­ne­ment ?

Le dis­po­si­tif « Aller Vers » vise à par­ve­nir à la cou­ver­ture vac­ci­nale des per­son­nes fra­gi­les, pré­cai­res et éloignées du sys­tème de santé. Cela peut aussi passer par la mobi­li­sa­tion d’unités mobi­les de vac­ci­na­tion, des opé­ra­tions de vac­ci­na­tion dans les cen­tres d’héber­ge­ment d’urgence, les hôtels sociaux, les relais ali­men­tai­res asso­cia­tifs,...

L’État a le devoir moral et légal de pro­té­ger les plus fra­gi­les. La vac­ci­na­tion est une solu­tion éprouvée, effi­cace et acces­si­ble. Alors pour­quoi conti­nuer à trai­ter ce pro­blème avec autant de légè­reté ? Pourquoi fermer les yeux sur des mil­liers de morts évitables chaque année ? La société accepte-t-elle que ses anciens soient lais­sés-pour-compte, alors que les solu­tions sont à portée de main ?

Et vous, pensez-vous que l’État fait suf­fi­sam­ment pour pro­té­ger ceux qui en ont le plus besoin ?

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