Accompagner la personne en fin de vie
23 août 2008
Recommandations de la Conférence de consensus ANAES 2004.
Accompagner la personne en fin de vie c’est reconnaître et respecter ses droits, son histoire,
sa situation sociale, sa culture, sa spiritualité et ses attachements. L’accompagnement est un
processus dynamique qui engage différents partenaires dans un projet cohérent au
service de la personne, soucieux de son intimité et de ses valeurs propres.
Le devoir d’accompagnement a valeur de civilisation, de culture, de sociabilité. Il touche
au principe même du « vivre ensemble », du lien social exprimé par des solidarités concrètes.
Il engage l’ensemble de la société dans son exigence de non-abandon.
Le législateur a consacré les responsabilités collectives à l’égard de la personne en fin de vie
dans la loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, et
dans la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé.
L’accompagnement en fin de vie ne se limite pas à l’approche spécifique de la phase
terminale, mais il concerne la continuité du cheminement de la personne dans sa
maladie. Il ne concerne pas exclusivement les professionnels de santé dans la mesure où y
sont notamment associés les membres d’associations de bénévoles qui représentent la cité.
L’accompagnement relève donc également de la démarche globale des soins de santé
ainsi que de considérations relatives aux approches de la fin de la vie et de la mort dans
la société.
Relevant de compétences, de savoirs, d’expertises et de pratiques établis, l’accompagnement
ne se limite pas pour autant à la technicité d’actes de soin ou au soutien psychologique des
personnes.
L’accompagnement est une démarche dynamique et participative. Il justifie des
dispositifs d’écoute, de concertation, d’analyse, de négociation qui favorisent une évaluation
constante et évolutive des options envisagées. La qualité de l’accueil, de l’information, de la
communication et des relations qui s’établissent contribue à l’anticipation nécessaire des
prises de décisions.
La pertinence et l’efficacité d’un accompagnement relèvent de l’élaboration d’un projet
coordonné, explicite et transparent qui intègre la multiplicité des facteurs spécifiques à
chaque situation. La considération accordée aux positions exprimées par la personne malade
et ses proches, ainsi qu’à celles formulées au sein de l’équipe soignante, favorise la relation de
confiance.
Les situations de vulnérabilité en fin de vie justifient des règles et des dispositifs de
nature à prévenir tout risque d’irrespect, d’arbitraire ou de dérogation aux bonnes
pratiques professionnelles. À cet égard une attention particulière doit être témoignée aux
personnes dans l’incapacité de communiquer ou dépourvues d’un soutien de proximité du fait
de leur isolement.
De même une approche spécifique s’impose en faveur des personnes
affectées de certaines maladies chroniques à évolution lente. Elles ne bénéficient pas toujours
des possibilités d’un accompagnement pourtant justifié. Cette exclusion de tout dispositif
institutionnel équivaut à une logique du renoncement et suscite parfois des demandes
d’assistance à la mort, faute de proposition d’un suivi digne et adapté.
Une démarche continue et respectueuse de la personne
L’accompagnement en fin de vie n’est pas l’accompagnement de la mort. Dans sa phase
ultime il concerne toutefois la personne qui meurt. Soutenir la personne malade et ses
proches dans leur confrontation à une mort dont l’imminence s’impose toujours à eux, c’est
accepter d’assumer cette exposition à la finitude humaine et à ce qu’elle suscite parfois en
termes de crise existentielle.
Assumer l’accompagnement d’une personne à l’approche de sa mort en institution ou au
domicile relève de la qualité d’une présence, d’une relation humaine, respectueuse,
attentionnée, confiante, solidaire et continue. Cet investissement auprès des personnes est
un engagement, qui nécessite compétence et retenue. Il convient à cet égard d’éviter toute
intrusion qui affecterait l’intimité et les valeurs propres de la personne en fin de vie.
L’écoute, le dialogue et la compréhension permettent d’ajuster les attitudes et de satisfaire aux
attentes exprimées. La valeur et la signification de ce temps ultime de la vie touchent à la
personne comprise dans son histoire propre, notamment à ses attachements d’ordre familial,
affectifs, spirituels, philosophiques et socioculturels. Il convient de les respecter.
De même,
c’est aux volontés exprimées par la personne et ses proches que doivent être ramenées les
décisions en tenant compte des possibilités pratiques. Le retour au domicile ou au pays,
lorsqu’il est souhaité, représente, notamment, un enjeu à ne pas négliger.
Les difficultés spécifiques souvent constatées en période terminale justifient également un
soutien des proches, voire des professionnels.
L’hospitalité des structures de soin tient
pour beaucoup aux conditions d’accueil, d’écoute, d’assistance sociale : ces conditions
favorisent une présence maintenue des proches jusqu’au moment de la mort.
La concertation au sein de l’équipe dans le cadre de réunions régulières contribue au
nécessaire effort d’élaboration, limite les situations de rupture et conforte les bonnes
pratiques. De même le recours indispensable à des compétences relevant du champ des
sciences humaines et sociales peut inciter à l’organisation de formations interdisciplinaires
spécifiques au sein des services.
De même que les différentes phases de l’accompagnement en fin de vie relèvent de
procédures dont il convient d’anticiper la mise en oeuvre, une attention particulière doit être
portée à la période qui suit la mort. À la suite du décès l’accompagnement se poursuit en
institution dans le cadre des chambres mortuaires. Cet espace de soin, trop souvent ignoré,
a mission spécifique d’accueil, intervenant dans la continuité, au terme du processus
d’accompagnement de la fin de vie. Les rites de la mort s’avèrent déterminants dans
l’expression d’un ultime témoignage de considération à l’égard du défunt. Ils permettent à ses
proches de se retrouver auprès de lui et de s’engager dans ce travail de mémoire et de deuil
indispensable à leur devenir. C’est dire l’importance des dispositifs mis en oeuvre afin de
favoriser un accueil digne qui tient à la présentation du défunt et, à la demande des proches, à
la possibilité d’organiser une veillée funèbre.
Les proches du défunt doivent pouvoir bénéficier, s’ils le souhaitent, de l’assistance
morale et sociale qui leur permette, autant que faire se peut, de surmonter ce temps de
rupture et de se réinvestir dans une dynamique de vie. Il importe, là également,
d’accompagner leur cheminement dans le deuil.
Les missions d’accompagnement concernent l’ensemble des professionnels de la santé qui se
doivent d’assumer leurs obligations jusqu’au terme du soin. Les réflexions suscitées par
cette dimension encore trop souvent négligée des responsabilités partagées contribuent à
l’humanité des rapports sociaux et des pratiques soignantes.
Les évolutions démographiques, caractérisées par l’avancée dans le grand âge, et
l’allongement de la durée de vie de personnes affectées de maladie chronique,
soumettent aujourd’hui notre société à la nécessité de choix d’engagements. Ces choix
concernent les politiques de santé publique, car ils interrogent la sensibilité de notre société à
l’égard des situations de vulnérabilité qu’accentue la maladie incurable.
La diffusion d’une
culture et de compétences permettant d’inscrire notre souci de la personne en fin de vie doit
investir le coeur de nos préoccupations. Ne s’agit- il pas pour l’essentiel de réhabiliter
l’éminente valeur symbolique de ce temps ultime de l’existence d’un homme parmi nous ?
L’accompagnement est affaire de société dans la mesure où il n’est envisageable que
dans la dynamique d’une mobilisation, d’une prise de conscience qui concernent la cité
dans ses différentes composantes.