CISS : lutter contre les déserts médicaux

8 novembre 2015

Communiqué du CISS, le Collectif interassociatif sur la santé

Certains nient l’exis­tence de déserts médi­caux. Au motif qu’avant les recru­te­ments mas­sifs opérés dans les années sans nume­rus clau­sus, les méde­cins sont allés s’ins­tal­ler dans des endroits où l’on n’en avait jamais vu. Certes. L’électricité et l’eau cou­rante fai­saient aussi défaut dans de nom­breu­ses villes et cam­pa­gnes au début du XXème siècle !

Il y a donc bien aujourd’hui des déserts médi­caux, y com­pris en ville. Car un désert médi­cal n’est ni un ter­ri­toire dépeu­plé, ni for­cé­ment un ter­ri­toire enclavé, péri-urbain, ou délaissé par les ser­vi­ces publics. Un désert médi­cal est un ter­ri­toire habité par une popu­la­tion qui peine à accé­der aux soins médi­caux com­pa­ra­ti­ve­ment à la moyenne natio­nale. Et dans les déserts médi­caux, il y a donc bien des vrais gens, comme ceux qui ont répondu au son­dage[1] effec­tué par BVA pour le compte du Collectif inte­ras­so­cia­tif sur la santé. Ce son­dage iden­ti­fie bien les dif­fi­cultés de nos conci­toyens, les res­pon­sa­bi­li­tés et les solu­tions à mettre en œuvre.

Recherche méde­cin déses­pé­ré­ment

Les délais d’attente sont la dif­fi­culté la plus fré­quente : 63% des Français décla­rent en effet avoir déjà été au moins une fois dans l’impos­si­bi­lité de consul­ter un méde­cin (géné­ra­liste et / ou spé­cia­liste) dans un délai rai­son­na­ble. Plus pré­ci­sé­ment : près de 30 % des Français ont déjà été dans l’impos­si­bi­lité d’obte­nir un rendez-vous chez un géné­ra­liste, et ce chif­fre grimpe à 55% concer­nant la consul­ta­tion d’un spé­cia­liste. Et nombre de nos conci­toyens ne trou­vent plus de méde­cin accep­tant de deve­nir leur « méde­cin trai­tant ».

La faute à la mau­vaise répar­ti­tion

Ces dif­fi­cultés d’accès à la consul­ta­tion médi­cale sont lar­ge­ment liées à la den­sité des méde­cins dans les ter­ri­toi­res et les Français en sont majo­ri­tai­re­ment cons­cients : ils sont 60 % à consi­dé­rer que le manque de méde­cins dans cer­tains ter­ri­toi­res résulte avant tout de leur mau­vaise répar­ti­tion.

« Contre les déserts médi­caux, on a tout essayé » ? Non !

Classiquement, des poli­ti­ques inci­ta­ti­ves ont été mises en place. Depuis 2007, divers dis­po­si­tifs, ren­for­cés en 2011, ont été déployés. Avec notam­ment, la créa­tion de l’option D (pour « démo­gra­phie ») finan­cée par l’Assurance mala­die. Le méde­cin adhé­rent s’engage alors à s’ins­tal­ler ou à rester ins­tallé dans la zone ou à proxi­mité pour une durée de 3 ans et à contri­buer à la conti­nuité et à la per­ma­nence des soins. En contre­par­tie de son enga­ge­ment, le méde­cin béné­fi­cie de deux aides : une aide for­fai­taire à l’inves­tis­se­ment (5 000 € /an pour les méde­cins exer­çant en groupe et 2 500 €/an pour les méde­cins mem­bres d’un pôle de santé) et une aide à l’acti­vité (pou­vant aller jusqu’à 20 000 €/an pour des méde­cins exer­çant en groupe).

Ces solu­tions n’ont pas permis de chan­ger la donne. D’ailleurs, dès 2013, un rap­port d’infor­ma­tion du Sénat le reconnait. Il s’inti­tule : « Déserts médi­caux : agir vrai­ment ». C’est tout dire !

Les Français sondés par BVA par­ta­gent l’ana­lyse des Sénateurs. Ils sont 7 sur 10 à consi­dé­rer à la fois que les règles de répar­ti­tion des méde­cins sur le ter­ri­toire ne pren­nent pas assez en compte les besoins des patients, mais aussi que les pou­voirs publics devraient inter­ve­nir pour régu­ler cette répar­ti­tion.

Ainsi, ils sont seu­le­ment 38 % à consi­dé­rer qu’il faut accor­der plus d’avan­ta­ges aux méde­cins prêts à exer­cer dans des déserts médi­caux contre 55% à plé­bis­ci­ter des mesu­res d’enca­dre­ment de l’ins­tal­la­tion : 29 % en limi­tant l’ins­tal­la­tion des méde­cins dans les zones où ils sont déjà en nombre suf­fi­sant, et 26 % en obli­geant des méde­cins à s’ins­tal­ler dans les zones où ils sont en nombre insuf­fi­sant.

Encadrer l’ins­tal­la­tion, une néces­sité main­te­nant

Contrairement à ce qui existe pour d’autres pro­fes­sions libé­ra­les de santé, il n’existe aucun dis­po­si­tif qui tente de régu­ler l’ins­tal­la­tion des méde­cins par des cri­tè­res d’enca­dre­ment tenant compte du rap­port entre la den­sité médi­cale et la den­sité de popu­la­tion dans les ter­ri­toi­res.

Pourtant, des dis­po­si­tifs de ce type sont appli­qués à d’autres pro­fes­sions de santé. Pour les infir­miers, dans le cadre d’un conven­tion­ne­ment avec l’Assurance mala­die qui pré­voit notam­ment qu’un infir­mier envi­sa­geant de s’ins­tal­ler en exer­cice libé­ral dans une zone « sur dotée » ne le peut que si un infir­mier libé­ral cesse son acti­vité dans cette même zone. Pour les phar­ma­ciens, l’ins­tal­la­tion d’une nou­velle offi­cine dans un ter­ri­toire est condi­tion­née à une auto­ri­sa­tion admi­nis­tra­tive déli­vrée par l’Agence régio­nale de Santé en fonc­tion du nombre d’habi­tants.

Comment lutter contre les déserts médi­caux ?

 1) En déci­dant que les besoins en ouver­ture de cabi­net médi­caux figu­rent dans une « carte sani­taire » oppo­sa­ble et en sou­met­tant les méde­cins à une demande d’auto­ri­sa­tion admi­nis­tra­tive en vue de leur ins­tal­la­tion.

 2) En pré­voyant que la pro­chaine conven­tion médi­cale contienne des méca­nis­mes de désin­ci­ta­tion dans les zones sur-denses.

 3) En limi­tant les dépas­se­ments d’hono­rai­res dans les zones sur-médi­ca­li­sées au regard de la carte sani­taire pour éviter que la moin­dre acti­vité ne soit com­pen­sée par l’aug­men­ta­tion des hono­rai­res.

 4) En aug­men­tant la rému­né­ra­tion for­fai­taire des méde­cins qui accep­tent de s’ins­tal­ler dans les déserts médi­caux.

 5) En encou­ra­geant le trans­fert de cer­tains actes médi­caux vers des pro­fes­sion­nels de santé non méde­cins formés à ces actes.

Nous coti­sons tous à l’Assurance mala­die, en regard de cet effort finan­cier il est légi­time de trou­ver le retour de cette coti­sa­tion : la pos­si­bi­lité d’accé­der aux soins.

« Le droit fon­da­men­tal à la pro­tec­tion de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens dis­po­ni­bles au béné­fice de toute per­sonne »[2]. C’est ainsi qu’est rédigé le code de la santé publi­que, ins­piré par la Constitution dont le préam­bule déclare que la Nation « garan­tit à tous, la pro­tec­tion de la santé »[3].

Nos lois per­met­tent donc la mise en œuvre des solu­tions que nous prô­nons et dont notre son­dage atteste qu’elles sont légi­ti­mes et sou­hai­tées par les Français.

 [1] Sondage BVA pour le CISS réa­lisé par télé­phone du 22 au 24 octo­bre 2015 auprès d’un échantillon de 1001 per­son­nes, repré­sen­ta­tif de la popu­la­tion fran­çaise âgée de 15 ans et plus.
 [2] Article L. 1110-1 du code de la santé publi­que.
 [3] Alinéa 11 du préam­bule de la Constitution.

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