La relation qui soigne : l’oubliée des missions infirmières officielles

28 novembre 2024

Un patient n’attend pas qu’un soin tech­ni­que. Il veut être écouté, com­pris, ras­suré. Pourtant, la dimen­sion rela­tion­nelle du soin reste invi­si­ble dans la défi­ni­tion offi­cielle des mis­sions infir­miè­res.

La pro­po­si­tion de loi des­ti­née à porter la réforme de la pro­fes­sion infir­mière énumère aujourd’hui seu­le­ment quatre mis­sions prin­ci­pa­les pour les infir­miè­res : soins tech­ni­ques, coor­di­na­tion, pré­ven­tion et for­ma­tion. Mais où est la rela­tion d’aide ? Cette cin­quième mis­sion, pour­tant au cœur de la pra­ti­que quo­ti­dienne, manque cruel­le­ment dans les textes.

Le soin est avant tout une ren­contre.

Quand une per­sonne entre dans un par­cours de soin, elle n’est pas qu’un corps malade à trai­ter. Elle est un indi­vidu en quête d’atten­tion, de com­pré­hen­sion et d’accom­pa­gne­ment. Et cette attente dépasse lar­ge­ment les actes tech­ni­ques. Apaiser une inquié­tude, répon­dre à une ques­tion simple mais essen­tielle, établir un lien de confiance : voilà ce que les infir­miè­res font chaque jour.

Prenons un exem­ple concret. Une patiente appré­hende une chi­mio­thé­ra­pie. L’infir­mière, dans ce moment, n’est pas seu­le­ment là pour poser une per­fu­sion. Elle devient un repère. Elle expli­que le dérou­le­ment de la séance, apaise les inquié­tu­des, et offre un regard humain dans une expé­rience sou­vent déshu­ma­ni­sante. Ce moment de dia­lo­gue est un soin en lui-même. Pourtant, cette inte­rac­tion, qui repose sur l’écoute et l’empa­thie, n’est nulle part men­tion­née dans les textes qui défi­nis­sent le métier infir­mier.

Un rôle invi­si­ble, mais indis­pen­sa­ble.

"La rela­tion d’aide ne se limite pas au réconfort. Elle joue un rôle fon­da­men­tal dans la com­pré­hen­sion des trai­te­ments et l’adhé­sion du patient à son par­cours de santé. Face à une pres­crip­tion com­plexe ou un diag­nos­tic dif­fi­cile, l’infir­mière est là pour déco­der l’infor­ma­tion, la rendre acces­si­ble. Ce "tra­duire pour soi­gner" permet au patient de s’appro­prier son trai­te­ment, de mieux le suivre, et donc d’amé­lio­rer ses résul­tats cli­ni­ques.

Mais ce rôle rela­tion­nel va encore plus loin. Il inclut aussi un tra­vail de coor­di­na­tion, sou­vent invi­si­ble. L’infir­mière devient le trait d’union entre le patient, sa famille, le méde­cin, et les autres pro­fes­sion­nels de santé. C’est elle qui iden­ti­fie les besoins, alerte en cas de pro­blème, et ajuste les actions en fonc­tion des réa­li­tés vécues par le patient" pré­cise Thierry Amouroux, le porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI.

Pourquoi cette mis­sion reste-t-elle absente des textes ?

L’oubli de la dimen­sion rela­tion­nelle dans la défi­ni­tion légale du métier reflète une vision limi­tée de la pro­fes­sion infir­mière, trop sou­vent réduite à son aspect tech­ni­que ou admi­nis­tra­tif. Pourtant, les gestes soi­gnants ne peu­vent être dis­so­ciés de la rela­tion qui les accom­pa­gne. Une injec­tion peut calmer une dou­leur, mais un mot juste, une écoute atten­tive, peut sou­la­ger une angoisse bien plus pro­fonde.

Cette vision étroite a des consé­quen­ces. En n’ins­cri­vant pas la rela­tion d’aide dans les mis­sions offi­ciel­les, la loi ne reconnaît ni l’énergie ni les com­pé­ten­ces que ce rôle exige. Elle invi­si­bi­lise une part essen­tielle du tra­vail infir­mier, le relé­guant à une pos­ture acces­soire alors qu’il est au cœur de la pra­ti­que quo­ti­dienne.

Repenser les mis­sions pour répon­dre aux besoins des patients.

La demande de soins cons­ti­tue la pre­mière attente de la popu­la­tion. Mais le soin est un moment pri­vi­lé­gié, pen­dant lequel la per­sonne soi­gnée pose des ques­tions, exprime ses angois­ses. Dans un pre­mier temps, il s’est adressé à une “tech­ni­cienne du soin”, et à cette occa­sion il décou­vre que son besoin va au-delà : il a un trop plein à déver­ser, une confi­dence à faire à la “rela­tion­nelle du soin”, ou bien des inter­ro­ga­tions à for­mu­ler, des conseils à obte­nir de “l’éducatrice de santé”.

La pro­po­si­tion de loi pré­sen­tée par Mme Nicole DUBRE-CHIRAT et M. Frédéric VALLETOUX doit redé­fi­nir la pro­fes­sion infir­mière. Mais pour l’ins­tant, il est juste prévu que "Les mis­sions de l’infir­mier sont les sui­van­tes :
 1° Dispenser des soins infir­miers pré­ven­tifs, cura­tifs, pal­lia­tifs, rela­tion­nels ou des­ti­nés à la sur­veillance cli­ni­que, ainsi qu’à leur évaluation ; « 
 2° Contribuer à la coor­di­na­tion et à la mise en œuvre du par­cours de santé de la per­sonne ; « 
 3° Participer à la pré­ven­tion, aux actions de dépis­tage et à la pro­mo­tion de la santé et à l’éducation thé­ra­peu­ti­que de la per­sonne et, le cas échéant, de son entou­rage ; « 
 4° Concourir à la for­ma­tion ini­tiale et conti­nue des étudiants, des pairs et des pro­fes­sion­nels de santé placés sous leur res­pon­sa­bi­lité ainsi qu’à la recher­che en scien­ces infir­miè­res."

Il manque une cin­quième mis­sion, pour défi­nir la "rela­tion­nelle du soin", avec l’écoute, l’accom­pa­gne­ment, la rela­tion d’aide, le lien de confiance entre l’infir­mière et la per­sonne soi­gnée. Si les textes res­tent figés, le ter­rain, lui, évolue. Les patients expri­ment de plus en plus un besoin d’huma­ni­sa­tion des soins, de repè­res dans un sys­tème par­fois déshu­ma­ni­sant. L’infir­mière est natu­rel­le­ment dési­gnée pour jouer ce rôle, grâce à sa pré­sence cons­tante et sa proxi­mité avec les réa­li­tés du patient.

Ne pas reconnaî­tre ce rôle, c’est passer à côté de l’essence même du soin. C’est aussi négli­ger une demande socié­tale forte : celle de remet­tre l’humain au centre du sys­tème de santé.

Alors que le légis­la­teur s’apprête à redé­fi­nir la pro­fes­sion infir­mière, une ques­tion demeure : peut-on vrai­ment parler de soins sans y inclure la rela­tion ? Et jusqu’à quand ce rôle indis­pen­sa­ble res­tera-t-il absent des textes ?

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Voir également
 Etre la "rela­tion­nelle du soin" une mis­sion infir­mière
https://syn­di­cat-infir­mier.com/Etre-la-rela­tion­nelle-du-soin-une-mis­sion-infir­miere.html
 Relation soi­gnant-soigné : res­pec­ter la per­sonne malade
https://syn­di­cat-infir­mier.com/Relation-soi­gnant-soigne-res­pec­ter-la-per­sonne-malade.html

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