Les heures supplémentaires imposées : dilemme professionnel
16 janvier 2011
Article paru le 15.01.11 sur le site du Conseil Départemental de l’Ordre des Infirmiers de Paris.
« Le recours aux heures supplémentaires imposées soulève beaucoup d’interrogations de la part des infirmières en regard de leurs obligations déontologiques et ce, quelle que soit la fonction qu’elles occupent.
Le recours aux heures supplémentaires est une question complexe qui est intimement liée aux questions d’insuffisance d’effectifs et de charge de travail, ce qui relève avant tout du domaine de la gestion et des relations de travail, donc des organisations syndicales.
Les heures supplémentaires posent rarement problème si elles sont faites sur une base volontaire. Certaines infirmières acceptent d’ailleurs d’en faire à l’occasion ou même régulièrement. C’est surtout lorsqu’elles sont imposées que nous sommes sollicités en tant qu’Ordre pour avoir notre avis sur une situation donnée, et nous devons le faire en tenant compte de la mission de protection du public de l’Ordre et des obligations déontologiques infirmières qui en découlent.
Une infirmière à qui l’on impose de faire des heures supplémentaires se heurte à un dilemme : l’obligation de prendre des moyens raisonnables pour assurer la continuité des soins aux patients dont elle a la responsabilité, et celle de s’abstenir d’exercer sa profession lorsqu’elle est dans un état susceptible de compromettre la qualité des soins et des services ou la sécurité des patients.
Assurer la continuité des soins
L’infirmière est responsable de fournir des soins sécuritaires et de qualité aux patients qui lui ont été assignés. Avant de quitter son poste de travail, elle doit être certaine que le suivi des soins requis par l’état de santé des patients sera assuré.
Evaluer sa capacité à exercer
L’infirmière est la seule personne qui peut juger si elle est apte à exercer sans causer de préjudice ni aux patients, ni à ses collègues, ni à elle-même. Son évaluation doit toutefois être honnête. En cas de plainte, c’est l’infirmière qui devra démontrer qu’elle n’était pas en état d’exercer.
Après avoir évalué le contexte dans lequel on lui demande de faire des heures supplémentaires, tels la complexité des soins, l’état des patients, etc., l’infirmière peut décider de poursuivre son travail.
Si elle juge qu’elle n’est pas en état d’exercer, elle a alors le droit et le devoir de se retirer du travail ou de refuser de faire des heures supplémentaires. Toutefois, avant d’agir, elle doit :
– avertir son supérieur de sa décision. Elle doit donc détailler par écrit la charge de travail, le nombre d’agents présents, les risques encourus par les personnes soignées.
– indiquer combien de temps elle peut continuer d’exercer en attendant une relève. Le délai doit être raisonnable pour laisser au supérieur le temps de trouver une solution.
En fait, une infirmière qui décide de ne pas faire d’heures supplémentaires parce qu’elle juge que son état est susceptible de compromettre la qualité des soins ou la sécurité des patients ne porte pas atteinte à ses obligations déontologiques si elle a pris des mesures appropriées avant de quitter l’unité de soins. Ces mesures peuvent varier selon le type d’unité de soins, la complexité des soins requis par les patients et les ressources humaines disponibles.
Aussi, les règles professionnelles du Code de la Santé Publique, et demain le Code de déontologie (rédigé par le CNOI, il doit être validé par le Conseil d’Etat pour paraitre au Journal Officiel) précisent les devoirs et les obligations des infirmières envers la personne soignée, le public et la profession et ce, dans une perspective de responsabilité professionnelle individuelle. L’employeur ne doit pas s’en servir comme prétexte pour gérer une situation prévisible de manque de ressources. À l’inverse, les infirmières ne peuvent pas utiliser la déontologie comme moyen de pression pour signifier leur refus de principe de faire des heures supplémentaires ou pour cautionner un geste collectif concerté à cet effet.
Le recours aux heures supplémentaires imposées est une mesure qui devrait toujours être envisagée dans le but de rendre à la population des soins et des services de qualité et en toute sécurité. Dans cette optique, nous encourageons l’employeur à communiquer aux infirmières l’ensemble des démarches qu’il a effectuées avant que cette mesure devienne incontournable. Nous encourageons aussi les infirmières à discuter avec les gestionnaires afin de trouver des solutions satisfaisantes au niveau de l’organisation du travail et des règles d’attribution des heures supplémentaires.
Les élus ordinaux et les juristes de l’Ordre sont disponibles pour aider les professionnels dans leurs choix. »
Source :
Article paru le 15.01.11 sur le site du Conseil Départemental de l’Ordre des Infirmiers de Paris : http://www.conseil-de-lordre-infirmier-de-paris.com/?p=1107