Les soins primaires peuvent-ils contribuer à réduire les inégalités de santé ?

3 février 2013

Revue de littérature Yann Bourgueil (Irdes ; Prospere), Florence Jusot (Université de Rouen ; Irdes ; Leda-Legos), Henri Leleu (Irdes) et le groupe AIR Project

Après avoir rap­pelé la défi­ni­tion des soins pri­mai­res et expli­qué leur rôle en tant que prin­ci­pes orga­ni­sa­teurs des sys­tè­mes de soins pour réduire les iné­ga­li­tés socia­les de santé, nous pré­sen­tons une revue de lit­té­ra­ture ciblée sur les inter­ven­tions effi­ca­ces dans ce domaine. Cette revue de lit­té­ra­ture a été réa­li­sée dans le cadre du projet euro­péen AIR (Addressing Inequalities Interventions in Regions).

Trois champs d’inter­ven­tion en soins pri­mai­res ont été dis­tin­gués :
 le pre­mier concerne le déve­lop­pe­ment de la pré­ven­tion de la santé ;
 le second, l’amé­lio­ra­tion de l’accès finan­cier aux soins en direc­tion de popu­la­tions spé­ci­fi­ques ;
 et le troi­sième, les pra­ti­ques qui visent à amé­lio­rer la qua­lité des soins, pour l’ensem­ble de la popu­la­tion, dans le cadre d’un réa­mé­na­ge­ment de l’orga­ni­sa­tion du sys­tème de soins.

Les soins pri­mai­res défi­nis comme
de pre­miers recours, ne cons­ti­tuent
pas en France un axe aussi struc­tu­rant
de la poli­ti­que de santé qu’il l’est
au Royaume-Uni ou dans les pays
scan­di­na­ves.

Les poli­ti­ques menées pour répon­dre
aux inquié­tu­des et aux ten­sions géné­rées
par les pers­pec­ti­ves d’évolution
de la res­source humaine dis­po­ni­ble en
santé, le vieillis­se­ment de la popu­la­tion,
ont été prin­ci­pa­le­ment sec­to­riel­les
(urgen­ces, réseaux par patho­lo­gies,
plans par pro­blè­mes de santé – Plan
santé men­tale, Programme natio­nal
nutri­tion santé, Plan de démo­gra­phie
médi­cale, Plan cancer…).

L’ensem­ble
des évolutions récen­tes en France
(réforme du méde­cin trai­tant en 2004,
créa­tion des agen­ces régio­na­les de santé
(ARS), sché­mas régio­naux d’orga­ni­sa­tion
des soins (Sros) ambu­la­toi­res,
sou­tien aux orga­ni­sa­tions col­lec­ti­ves
comme les mai­sons de santé, intro­duc­tion
du paie­ment à la per­for­mance avec
le Contrat d’amé­lio­ra­tion des pra­ti­ques
indi­vi­duel­les (Capi) témoi­gne d’un
inté­rêt crois­sant pour une plus grande
orga­ni­sa­tion des soins ambu­la­toi­res.

Cependant, au-delà de la super­po­si­tion
de mesu­res et d’actions sec­to­riel­les et
loca­les en France, se pose la ques­tion
d’une appro­che plus inté­grée mais également
plus contrai­gnante pour les pro­fes­sion­nels
et les patients pour orga­ni­ser
les par­cours de soins entre dif­fé­rents
niveaux de soins (cf. conclu­sion avis
Hcaam1 séance 22 mars 2012).

C’est également dans ce contexte que
semble émerger la volonté de défi­nir
une poli­ti­que de réduc­tion des iné­ga­li­tés
de santé qui irait au-delà de l’égalité
d’accès aux soins défen­due par la
loi Hôpital, patients, santé, ter­ri­toi­res
(HPST). En effet, le plan cancer 2009-
2013 met en avant l’objec­tif de réduc­tion
des iné­ga­li­tés socia­les de santé
comme une ques­tion trans­ver­sale.

La
France asso­cie dans le même mou­ve­ment
volonté poli­ti­que de réduc­tion des
iné­ga­li­tés de santé et orga­ni­sa­tion des
soins de santé pri­mai­res.
Deux options, non exclu­si­ves l’une de
l’autre, sont donc pos­si­bles pour mettre
en oeuvre cette poli­ti­que de réduc­tion
des iné­ga­li­tés de santé en s’appuyant
sur les soins pri­mai­res.

La pre­mière
consiste à emprun­ter les nom­breu­ses
pistes offer­tes par les actions iso­lées et
les inter­ven­tions diver­ses, orien­tées vers
des publics ciblés en arti­cu­la­tion avec
les acteurs du sys­tème de soins plutôt
que pas­sant par eux. La revue de
la lit­té­ra­ture montre qu’elles ont une
effi­ca­cité pour lutter contre les iné­ga­li­tés
de santé, là où elles sont menées.
En France, les Ateliers santé-ville et les
futurs contrats locaux de santé peu­vent
s’appa­ren­ter à ce type d’inter­ven­tion.

La seconde option, plus struc­tu­relle,
repo­se­rait sur une modi­fi­ca­tion de l’orga­ni­sa­tion
du sys­tème de santé fran­çais
autour des soins pri­mai­res, par exem­ple
en ren­for­çant le rôle du méde­cin trai­tant
au sein de l’équipe de soins, en
adap­tant les modes de rému­né­ra­tion
des méde­cins et des autres pro­fes­sion­nels
de santé libé­raux, voire en ren­dant
les soins pri­mai­res gra­tuits pour
une popu­la­tion plus large que les seuls
béné­fi­ciai­res de la CMU-C.
Quelles que soient les mesu­res adop­tées
dans le champ des soins pri­mai­res,
l’évaluation de leurs impacts sur les
iné­ga­li­tés de santé, au moment de leur
concep­tion comme après leur mise en
oeuvre, paraît néces­saire. Le très faible
nombre de publi­ca­tions fran­çai­ses sur
ces thé­ma­ti­ques témoi­gne à ce titre d’un
enjeu pour les acteurs de la recher­che en
santé.

Source : http://www.irdes.fr/Publications/2012/Qes179.pdf

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