Ordre Infirmier et reconnaissance universitaire LMD

12 mai 2009

Communiqué du Conseil National : L’ordre des infir­miers se posi­tionne sur la réforme Licence-Master-Doctorat : reconnaî­tre et pren­dre en compte l’exper­tise de la pro­fes­sion.

Le 13 mars der­nier à Clairefontaine le Président de la République a rap­pelé que la « France comp­tait 450 000 infir­miers, mais avec une den­sité moin­dre (7,7 pour 1 000 habi­tants) qu’en Allemagne (9,7)ou au Royaume-Uni (9,1) car, en France, le métier est moins attrac­tif et il n’est pas reconnu au niveau uni­ver­si­taire ».

Le cons­tat for­mulé est en effet très juste. Toutefois, le remède à cette situa­tion peut-il tenir uni­que­ment dans quel­ques amé­na­ge­ments sala­riaux et sta­tu­tai­res ?

Le Conseil natio­nal de l’ordre des infir­miers doute que ces mesu­res répon­dent, à elle seules, à la demande d’une reconnais­sance légi­time à laquelle aspire la pro­fes­sion infir­mière dans son ensem­ble pour l’avenir.

La loi a fait de l’Ordre National des Infirmiers une ins­ti­tu­tion privée char­gée d’un ser­vice public pour régu­ler et sou­te­nir l’exer­cice de la pro­fes­sion, au béné­fice des patients et de la santé publi­que. La volonté de réfor­mer du poli­ti­que s’ins­crit dans un contexte euro­péen favo­ra­ble qui vise d’une part à déve­lop­per la mobi­lité des pro­fes­sion­nels qua­li­fiés et d’autre part à favo­ri­ser l’accès à tout citoyen euro­péen à une exi­gence de qua­lité des soins har­mo­ni­sée.

Force est de cons­ta­ter que les récen­tes prises de pos­tions émanant du Ministère de la santé ces der­niè­res semai­nes sur l’avenir de la for­ma­tion infir­mière ne s’ins­cri­vent pas, dans cette double opti­que, pour les infir­miers fran­çais et leur avenir...

Le Haut Conseil des Professions Paramédicales, HCPP, a donné son avis le 29 avril sur un projet d’arrêté rela­tif au diplôme d’Etat d’infir­mier :
 Concernant son élaboration, ce projet repose en grande partie sur le réfé­ren­tiel d’acti­vi­tés, de com­pé­ten­ces et de for­ma­tion élaboré par la Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins, anté­rieu­re­ment à la mise en place de l’Ordre National des Infirmiers.
 Concernant sa vali­da­tion, il est essen­tiel de rap­pe­ler que le Haut Conseil des Professions Paramédicales est com­posé pour moins d’un tiers de repré­sen­tants de la pro­fes­sion infir­mière, et qu’en consé­quence, plus des trois quarts n’ont donc aucune exper­tise, ni légi­ti­mité pro­fes­sion­nelle pour l’enté­ri­ner.

L’ordre a été invité in extre­mis à siéger au sein de cette ins­tance - en atten­dant l’arrêté de nomi­na­tion -, mais n’a pas été asso­cié à la mise au point de ce projet d’arrêté. En outre, il ne dis­pose d’aucun droit de vote au sein du HCPP.

Or, le réfé­ren­tiel de for­ma­tion cons­ti­tue un sujet de préoc­cu­pa­tion impor­tant des mem­bres de notre pro­fes­sion. Sa vali­da­tion enga­gera pour long­temps, la for­ma­tion des infir­miers, leur com­pé­tence et leur reva­lo­ri­sa­tion sala­riale.

Cette reva­lo­ri­sa­tion légi­time et atten­due par la pro­fes­sion ne doit pas occulter le pro­blème de fond : le réfé­ren­tiel de for­ma­tion, en l’état actuel, est bien loin des réa­li­tés du ter­rain et des besoins des patients. Notamment, le choix d’une for­ma­tion cen­trée sur un tuto­rat de ter­rain aug­men­tera de facto la charge de tra­vail des infir­miers en poste sans véri­fi­ca­tion du res­pect de la sécu­rité des patients.

De même, ce réfé­ren­tiel refuse l’inté­gra­tion de la for­ma­tion infir­mière à l’Université, confir­mant encore une fois une excep­tion fran­çaise déplo­ra­ble et incom­pré­hen­si­ble. L’Ordre regrette que ce réfé­ren­tiel, plus sou­cieux de répon­dre à des besoins caté­go­riels, ne pro­meuve pas l’avenir de la pro­fes­sion dans son ensem­ble.

La réu­nion de syn­thèse des tra­vaux sur l’inté­gra­tion de la for­ma­tion infir­mière au dis­po­si­tif licence-master-doc­to­rat qui s’est tenue au Ministère de la Santé et des Sports le 5 mai der­nier confirme ces orien­ta­tions :
 Lors de cette réu­nion, il a été confirmé le main­tien du diplôme d’état avec la reconnais­sance d’un « grade » licence afin de « main­te­nir les IFSI dans un uni­vers pro­fes­sion­nel » et de « pré­ser­ver le tissu des IFSI »...
 Cette avan­cée a été qua­li­fiée par la Direction Générale de l’Enseignement Supérieur, DGES, pré­sente, de « révo­lu­tion pour la for­ma­tion des infir­miers ». La volonté d’inté­grer direc­te­ment la for­ma­tion infir­mière dans un cursus uni­ver­si­taire clas­si­que (comme cela est le cas dans de nom­breux pays euro­péens) a été qua­li­fiée de « solu­tion juri­di­que­ment pos­si­ble mais extrê­me­ment lourde, dif­fi­cile et impos­si­ble à résou­dre dès l’automne... »
 Aucune réponse n’a été appor­tée par la DGES à la ques­tion de l’ordre des infir­miers, sur l’euro­com­pa­ti­blité des ECTS (European Credit Transfer and Accumulation System) de la for­ma­tion Licence des infir­miè­res. Cette reconnais­sance des pres­ta­tions d’études est pour­tant néces­saire pour assu­rer la mobi­lité des étudiants, les échanges pro­fes­sion­nels et l’inser­tion de notre for­ma­tion dans l’évolution euro­péenne.
 Les pers­pec­ti­ves de Master pré­sen­tées pour la pro­fes­sion res­tent très floues. Alors que la DGES reconnait « la carence en recher­che infir­mière et le retard fran­çais en la matière » ces hési­ta­tions ne peu­vent occulter les limi­tes du grade licence ne per­met­tant pas d’accès direct aux Masters et le refus de la mise en place d’un cursus de « scien­ces infir­miè­res » à l’uni­ver­sité.

L’Ordre National des Infirmiers refuse que la pro­fes­sion infir­mière ne se voie pas confir­mée et confor­tée dans son exper­tise et ses res­pon­sa­bi­li­tés soi­gnan­tes spé­ci­fi­ques, sur le ter­rain comme à tra­vers son Ordre. Cette exper­tise est cru­ciale, jour et nuit, dans tous les lieux de nos exer­ci­ces : nous avons pu voir à la fin de 2008 à quel point elle devait être mobi­li­sée par les infir­miers, pré­sents à leurs postes de tra­vail. Cette exper­tise ne peut s’accom­mo­der d’une gou­ver­nance désin­volte à l’égard des valeurs, exi­gence, per­for­mance, pro­fes­sion­na­lisme et huma­nisme, qui sont celles des infir­miers et infir­miè­res et qui les ani­ment au quo­ti­dien.

L’expé­rience pro­fes­sion­nelle de chacun des infir­miers nous le démon­tre : beau­coup reste à faire pour que l’avenir de l’infir­mière et de l’infir­mier fran­çais cor­res­ponde à la volonté poli­ti­que pour­tant clai­re­ment affi­chée. Mais - force est de le cons­ta­ter - l’admi­nis­tra­tion qui pré­pare cet avenir reste ancrée dans la vision pas­séiste d’un “per­son­nel infir­mier” à régen­ter dans un cadre d’exer­cice étriqué.

Il est urgent de pren­dre la mesure de la dimen­sion experte, pour­tant reconnue par­tout au niveau euro­péen, qui condi­tionne la qua­lité et la sécu­rité des soins que nous pro­di­guons tous les jours.
Faudra-t-il, dans ce projet comme dans d’autres, s’aper­ce­voir trop tard des erreurs de pers­pec­ti­ves com­mi­ses par ses ins­pi­ra­teurs ?

Communiqué du CNOI, le 11 mai 2009.

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