Prévenir et réduire l’antibiorésistance
21 novembre 2021
La résistance des bactéries aux antibiotiques (ou antibiorésistance) est un phénomène naturel, qui est nettement accéléré par l’utilisation des antibiotiques. Avec plus de 5 500 décès attribués aux infections à bactéries multi-résistantes en 2015 en France, l’antibiorésistance est un enjeu majeur de santé publique. L’inefficacité des antibiotiques a des conséquences multiples menaçant les succès de la médecine moderne, puisque les chirurgies complexes, les chimiothérapies anticancéreuses, les greffes d’organes, les prises en charge en réanimation, par exemple, se compliquent fréquemment d’infections bactériennes et nécessitent donc des antibiotiques efficaces. L’antibiorésistance, si elle continuait à s’aggraver, pourrait donc être de nature à remettre en cause cette médecine moderne hautement technique dont nous bénéficions tous aujourd’hui.
Pour prévenir et réduire l’antibiorésistance, deux stratégies doivent être associées :
prévenir les infections (bactériennes et virales, communautaires et associées aux soins) et la transmission des bactéries/virus et gènes de résistance, grâce notamment aux mesures d’hygiène (comme les gestes barrières en santé humaine ou les mesures de biosécurité en élevage), aux tests rapides de diagnostic et de détection ainsi que par des mesures interventionnelles comme la vaccination ; il faut aussi prévenir la diffusion et l’émergence environnementales en préservant les milieux naturels et la faune sauvage des pollutions et contaminations susceptibles de favoriser la résistance des bactéries ;
n’utiliser les antibiotiques que quand il faut et comme il faut.
Antibiorésistance : une mobilisation totale des acteurs autour de la surveillance
La surveillance de la résistance des bactéries aux antibiotiques s’intègre dans la politique nationale de lutte contre l’antibiorésistance, portée par une feuille de route interministérielle, etincluse en santé humaine comme un des axes de travail du programme national d’actions de prévention des infections associées aux soins (Propias).
Depuis 10 ans la mobilisation des acteurs a conduit à une nette amélioration de la surveillance de l’antibiorésistance en France avec la collecte et l’analyse d’un grand nombre de données diverses (suivi des prescriptions et des ventes d’antibiotiques, analyse de prévalence et d’incidence des résistances par espèce bactérienne, par famille d’antibiotiques, par secteur de santé humaine (ville, établissements de santé et médico-sociaux), par filière animale, niveaux de contamination des eaux usées et des milieux aquatiques en résidus d’antibiotiques...).
Évolution favorable de la consommation d’antibiotiques invitant à poursuivre les efforts
Depuis quelques années, la maitrise de la résistance des bactéries aux antibiotiques et la promotion du bon usage des antibiotiques s’améliorent. Si des succès sont constatés en santé animale, la marge d’amélioration reste importante en santé humaine. La France reste parmi les 5 pays européens les plus consommateurs d’antibiotiques.
La pandémie de Covid-19 et les changements de comportement qu’elle a provoqués ont permis d’obtenir une baisse importante de la consommation d’antibiotiques, notamment dans le secteur de ville, démontrant que des améliorations restent possibles. L’ampleur de cette baisse est liée à une moindre transmission des infections bactériennes en raison des confinements et de l’adoption des gestes barrières ainsi qu’à la diminution du nombre de consultations médicales, ces deux facteurs ayant contribué à la baisse du nombre de prescriptions (9,7 millions de prescriptions de moins que ce qui était attendu).
Par ailleurs, on constate une stabilité des prescriptions d’antibiotiques particulièrement générateurs d’antibiorésistance chez les adultes (amoxicilline - acide clavulanique ; céphalosporines de 3ème ou 4ème génération ; fluoroquinolones).
Antibio’Malin. Les antibiotiques : soyons malins, utilisons-les mieux
Lancé en novembre 2019, l’espace thématique Antibio’Malin sur Santé.fr regroupe sous forme de fiches courtes l’ensemble des antibiotiques disponibles en ville et les principales infections, afin d’accompagner le patient dans sa prise en charge. Cet outil peut également être utile aux professionnels de santé pour les aider dans leur communication avec les patients.
https://www.sante.fr/antibiomalin
Tests rapides angine, un outil indispensable de lutte contre l’antibiorésistance
Les TROD (tests rapides d’orientation diagnostique) de l’angine, appelé aussi tests rapides angine, permettent de vérifier l’origine virale ou bactérienne d’une angine en quelques minutes, grâce à un prélèvement de gorge réalisé par un médecin ou un pharmacien. Plus de 80% des angines sont d’origine virale et ne nécessitent pas d’antibiotiques. Pour rappel, les antibiotiques sont efficaces uniquement dans le cas d’infections bactériennes. Les TROD angine permettent donc de ne prendre des antibiotiques que lorsque cela est nécessaire et de préserver leur efficacité en évitant la résistance des bactéries aux antibiotiques
Soutien aux actions de prévention des infections associées au soins
La mission nationale d’appui transversal à la prévention des infections associées aux soins (MATIS) propose des outils innovants aux établissements de santé, structures médico-sociales et la ville :
L’audit de pratiques pulpe’friction qui permet un diagnostic d’équipe des pratiques de prévention de la transmission par les mains des bactéries (résistantes ou non) et des virus.
https://www.preventioninfection.fr/boites-a-outils/hygiene-des-mains/
L’outil d’évaluation gex simulator qui permet d’identifier la stratégie la plus économique pour gérer les excrétas (selles et urines) dans son service.
La e-formation MATIS Péril fécal : les bactéries résistantes et hautement résistantes sont majoritairement fécales (dans les selles). Cette formation, ouverte à tous, permet de mieux comprendre toutes les facettes du risque pour soi et pour les autres.
La campagne fluo permet de voir le risque de transmission de micro-organismes grâce à de la fluorescéine (un colorant fluorescent) : que ce soit pour l’entretien des surfaces, la gestion d’une toilette au lit ou la gestion du bassin, elle permet les échanges et les choix d’actions en équipe.
Un forum de professionnels qui permet de partager ses expériences et ses questions.
Tous ces outils sont gratuits et accessibles sur https://www.preventioninfection.fr
Une aide dans le choix et la durée des antibiothérapies
Une part encore trop importante de la consommation d’antibiotiques en santé humaine est due à des traitements inutilement prescrits, par exemple pour des infections virales, ou des traitements inappropriés, notamment du fait d’une antibiothérapie à spectre trop large ou d’une durée excessive. Des mesures préventives peuvent permettre de lutter contre l’exposition excessive des populations aux antibiotiques, et limiter ainsi l’antibiorésistance.
La réduction de la durée de traitement antibiotique au minimum nécessaire pour les pathologies bactériennes courantes de ville constitue une des stratégies pour restreindre l’exposition aux antibiotiques et lutter contre l’antibiorésistance.
Recommander des durées de traitement qui ne soient plus mentionnées sous forme d’intervalles étendus (e.g. traitement de 7 jours, et pas traitement de 7 à 14 jours) concourt à cet objectif dans un contexte d’homogénéisation des prescriptions sur le territoire national.
Afin d’accompagner les professionnels de santé de premier recours dans la lutte contre l’antibiorésistance, la Haute Autorité de santé (HAS) en partenariat avec la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP), met à disposition une série de fiches synthétiques qui visent à préconiser le choix et les durées d’antibiothérapies les plus courtes possibles pour les infections bactériennes courantes de ville. Ces fiches ont été relues par le Collège de la Médecine Générale et les sociétés savantes concernées.
Les 19 fiches synthétiques concernent : les infections urinaires chez la femme, les infections ORL de l’adulte et de l’enfant, les infections cutanées bactériennes, les infections à Helicobacter pylori chez l’adulte, les urétrites et cervicites non compliquées, la diverticulite aiguë sigmoïdienne non compliquée.
Une fiche de synthèse qui regroupe le choix de l’antibiothérapie de première intention et sa durée préconisée pour l’ensemble de ces infections est également disponible.
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-08/reco360_synthese_durees_antibiotherapies_coi_2021_07_15_v2.pdf