Relation soignant-soigné et bracelets d’identité

23 novembre 2007

Les groupes de réflexion de l’Espace Ethique AP-HP "Soin citoyen" et "Soignants et éthique au quotidien", se sont opposés à un projet d’identification des malades par des bracelets d’identité en 2000. Le succès de leur pétition et les réactions des infirmières ont amené le Directeur Général de l’AP-HP a faire stopper ce projet d’identifier systématiquement les patients hospitalisés à l’aide d’un bracelet comportant nom, prénom, date de naissance, numéro d’identification et code-barre (étiquette informatisée).

Comme la rela­tion soi­gnant-soigné c’est donner du sens au choses, et refu­ser l’arti­traire de déci­sions tech­no­cra­ti­ques, voici le texte du modèle de lettre dif­fusé à l’époque, car le dos­sier a refait sur­face fin 2007, avec la géné­ra­li­sa­tion du bra­ce­let d’iden­ti­fi­ca­tion à l’hôpi­tal AP-HP Saint Louis lire l’arti­cle.

Monsieur le Directeur géné­ral,

Lors de sa réu­nion du 31 jan­vier 2000, les mem­bres de la CCSSI (Commission Centrale du Service de Soins Infirmiers) de l’AP-HP ont été amenés à débat­tre d’un projet d’iden­ti­fi­ca­tion des mala­des par des bra­ce­lets d’iden­tité.

Le motif invo­qué était la sécu­rité (du malade, ou de l’ins­ti­tu­tion ?), la durée moyenne de séjour dimi­nuant, tandis que le temps de pré­sence d’un même soi­gnant auprès d’un malade va lui aussi dimi­nuer avec la mise en place des 35 heures. Les contrain­tes bud­gé­tai­res actuel­les entraî­nent déjà une plus grande flexi­bi­lité, avec le dépla­ce­ment des agents dans d’autres ser­vi­ces, l’emploi d’inté­ri­mai­res, etc.

Alors que l’on parle d’huma­ni­sa­tion des hôpi­taux, du droit des mala­des, de la dignité des per­son­nes hos­pi­ta­li­sées, nous sommes par­ti­cu­liè­re­ment cho­qués par un tel projet.

Certes, cela peut être accep­ta­ble, au cas par cas, pour des per­son­nes inca­pa­bles de décli­ner leur iden­tité (nour­ris­sons, déments), sachant qu’il ne peut y avoir de caté­go­rie par­ti­cu­lière (une per­sonne sénile ou un malade mental qui connait son nom n’a pas à subir ce genre d’humi­lia­tion), mais que des déci­sions d’équipe sur une per­sonne donnée.

Le cas des mala­des devant avoir une anes­thé­sie géné­rale, ou étant dans le coma, doit se résou­dre par une orga­ni­sa­tion cor­recte du ser­vice, mais ne pose pas par nature le pro­blème de l’iden­ti­fi­ca­tion.

Lorsqu’une per­sonne hos­pi­ta­li­sée est capa­ble de décli­ner son iden­tité, lui deman­der de "s’étiqueter" revient à le nier en tant que per­sonne, à lui faire quit­ter sa qua­lité de "sujet, objet de soins", pour en faire un "objet des soins". Agir ainsi pose de réels pro­blè­mes éthiques, et va à l’encontre de la démar­che soi­gnante.

En d’autres temps, porter une iden­ti­fi­ca­tion sur l’avant-bras jus­ti­fia l’innom­ma­ble, en des­ti­tuant le visage humain, pour mieux nier l’huma­nité de la per­sonne.

A notre sens, la parole est le seul moyen cor­rect pour s’assu­rer de l’iden­tité d’un malade : mar­quer d’un bra­ce­let vise-t-il à s’affran­chir du dia­lo­gue ? Que devient la rela­tion soi­gnant-soigné dans un tel cadre ?

A l’occa­sion d’une réu­nion extra­or­di­naire, le 2 février 2000, les grou­pes de réflexion Miramion de l’espace Ethique de l’AP-HP "Soin citoyen" et "Soignants et éthique au quo­ti­dien" ont décidé d’agir au sein de l’ins­ti­tu­tion pour arrê­ter ce projet.

Nous vous deman­dons donc de bien vou­loir mettre un terme au projet de doter les mala­des d’un bra­ce­let d’iden­ti­fi­ca­tion.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur géné­ral, l’expres­sion de notre consi­dé­ra­tion.

Pour plus d’infor­ma­tions, lire les arti­cles de notre site :
 L’inac­cep­ta­ble bra­ce­let à l’hôpi­tal (arti­cle paru dans Libération) http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/L-inac­cep­ta­ble-bra­ce­let-a-l.html
 Dérive au CHU Saint Louis : quand le sécu­ri­taire bous­cule l’éthique
 Relation soi­gnant-soigné et bra­ce­lets d’iden­tité

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