Santé mentale des enfants (rapport 2021)
5 décembre 2021
Faute de lits, ou même faute d’unité dédiée, il arrive que les enfants nécessitant des soins pédopsychiatriques soient pris en charge aux côtés des adultes. 25 départements n’ont pas du tout de lits en pédopsychiatrie.
La Défenseure des droits, Claire Hédon, et son adjoint Défenseur des enfants, Eric Delemar, rendent public leur rapport annuel consacré aux droits de l’enfant : Santé mentale des enfants : le droit au bien-être (novembre 2021)
Le défaut de prise en charge des troubles de santé mentale et les manquements aux droits qui en découlent constituent une entrave au bon développement de l’enfant et à son intérêt supérieur, que deux années de vagues épidémiques ont contribué à aggraver.
La Défenseure des droits appelle à prendre la pleine mesure de l’enjeu décisif que représente la bonne santé mentale des enfants et à agir urgemment pour sortir des approches fragmentaires et strictement sanitaires. Elle souhaite que la santé mentale soit appréhendée dans sa globalité, conformément à l’approche retenue par l’OMS, en lien avec la santé physique et avec l’environnement dans lequel évolue l’enfant, comme l’environnement familial et scolaire, les relations affectives, les conditions de vie, les réseaux sociaux, etc.
Les nombreuses saisines traitées par l’institution soulignent de manière récurrente le manque de professionnels du soin et de structures adaptées, mais aussi la difficulté pour les professionnels d’avoir une approche globale de la situation d’un enfant. L’insuffisante prise en compte du bien-être de l’enfant, notamment dans le cadre de la scolarité avec, par exemple les situations de harcèlement, empêche les enfants d’accéder pleinement à leur droit à l’éducation.
Il faut donc répondre aux insuffisances dont souffre le secteur de la santé mentale, notamment dans ses aspects spécifiques touchant aux soins en pédopsychiatrie, en investissant massivement pour développer les offres de prise en charge et d’accompagnement, les propositions de suivi, les lieux d’écoute.
L’intérêt supérieur de l’enfant, consacré par la Convention internationale des droits de l’enfant, impose une prise en charge précoce et rapide du bien-être de l’enfant.
C’est pourquoi, la Défenseure des droits et le Défenseur des enfants demandent au gouvernement de considérer la santé mentale des enfants comme une priorité des politiques publiques et formulent 29 recommandations à destination des pouvoirs publics dans lesquelles ils soulignent, par exemple, l’urgence à agir pour développer des dispositifs d’accueil des jeunes enfants, l’accompagnement à la parentalité, les moyens accordés au réseau de la PMI sur le territoire, et la formation aux droits contre le harcèlement scolaire.
liste des recommandations
Recommandation n°1
La Défenseure des droits recommande aux
pouvoirs publics d’inscrire la prise en compte
de la santé mentale des enfants et adolescents
dans sa dimension la plus large, en conformité
avec la définition de l’OMS, dans le cadre d’une
véritable stratégie publique afin de favoriser,
notamment à l’école , la mise en œuvre de
mesures dédiées et adaptées aux besoins
fondamentaux des enfants.
Recommandation n°2
La Défenseure des droits recommande
au ministre des Solidarités et de la santé,
aux présidents d’intercommunalités et aux
maires de permettre à chaque enfant, quelle
que soit la situation de sa famille, d’accéder
à des dispositifs d’accueil du jeune enfant
et de permettre que ces lieux d’accueil
soient des espaces d’éveil, avec des agents
spécifiquement formés à l’accueil bienveillant.
Recommandation n°3
La Défenseure recommande également
au ministre des Solidarités et de la santé
ainsi qu’aux présidents des conseils
départementaux et aux Caisses primaires
d’assurance maladie (CPAM) d’augmenter
les moyens accordés au réseau de protection
maternelle infantile ainsi que le nombre
de centres sur le territoire de chaque
département.
Recommandation n°4
La Défenseure des droits recommande au
ministre des Solidarités et de la santé, aux
présidents des conseils départementaux, aux
présidents d’intercommunalités, aux maires
et aux directeurs des caisses d’allocations
familiales, d’évaluer, d’intensifier, et de
favoriser la coordination et la visibilité des
dispositifs d’accompagnement à la parentalité,
sur l’ensemble du territoire.
Recommandation n°5
La Défenseure des droits recommande au
ministre des Solidarités et de la santé de
faire réaliser une étude approfondie sur le
phénomène et les conséquences de toutes
les formes d’addictions liées aux écrans,
dans l’objectif de mieux cibler et d’adapter les
campagnes de communication à destination
des familles, des enfants et des professionnels.
Recommandation n°6
La Défenseure des droits recommande
au ministre des Solidarités et de la santé
de favoriser et de soutenir les initiatives
consistant à « aller vers » les familles les plus
précaires, afin de leur apporter un soutien et
de faciliter la prévention, le repérage précoce
et l’évaluation des besoins des enfants, de
permettre leur accès aux dispositifs de soins.
Recommandation n°7
La Défenseure des droits recommande au
ministre des Solidarités et de la santé, au
directeur général de la Caisse nationale
d’Assurance Maladie et aux partenaires
locaux, notamment les autorités exécutives
des collectivités territoriales, de conforter
les maisons des adolescents dans chaque
département et d’en sécuriser le financement
Recommandation n°8
La Défenseure des droits recommande
au Gouvernement d’évaluer la faisabilité
et l’opportunité de créer des maisons des
enfants, en lien avec les CMP et CMPP, sur le
modèle éprouvé des maisons des adolescents.
Recommandation n°9
La Défenseure des droits recommande
au ministre de l’Éducation nationale, de
la Jeunesse et des sports et au ministre
des Solidarités et de la santé de permettre
à chaque enfant scolarisé d’accéder à
des activités et à des ateliers permettant
le développement de ses compétences
psychosociales.
Recommandation n° 10
Afin de mieux lutter contre les discriminations,
le harcèlement scolaire et les autres formes
de violences à l’école, la Défenseure des droits
recommande de rendre systématiques et
effectifs les modules dédiés à l’éducation aux
droits, tels que prévus dans les programmes.
Recommandation n°11
La Défenseure des droits recommande
au ministre de l’Éducation nationale, de
la Jeunesse et des sports et au ministre
des Solidarités et de la santé de faire du
renforcement de la médecine scolaire et du
service social aux élèves une véritable priorité,
afin que tout enfant à partir de l’âge de l’école
primaire puisse avoir accès à un médecin
ou une infirmière scolaire et une assistante
sociale dans l’enceinte de son établissement.
Recommandation n°12
La Défenseure des droits recommande aux
directeurs académiques, en concertation avec
les collèges et lycées, de diffuser à chaque
rentrée scolaire, via un support adapté (livret
d’accueil, etc.), les informations relatives à
la présence au sein de l’établissement, de
l’assistante sociale et de l’infirmière scolaire.
Une information systématique à destination
des parents sur l’accès à la médecine scolaire
doit aussi être organisée
Recommandation n°13
La Défenseure des droits recommande au
ministre de l’Éducation, de la Jeunesse et
des sports de rendre obligatoire un minimum
d’heures de formation à l’accueil des enfants
en situation de handicap, dans le cadre de la
formation continue, pour tous les enseignants
en poste.
Recommandation n°14
La Défenseure des droits recommande
au ministre de l’Éducation nationale, de la
Jeunesse et des sports et au ministre des
Solidarités et de la santé et à la secrétaire
d’Etat chargée des Personnes handicapées de
conforter les moyens de l’école inclusive, afin
que tous les enfants en situation de handicap
puissent être orientés dans les établissements
adaptés à leurs besoins et aient accès
aux aides notamment humaines, dans les
établissements scolaires dont ils dépendent.
Recommandation n°15
La Défenseure des droits recommande non
seulement d’augmenter le nombre de centres
médico-psycho-pédagogiques (CMPP) et
de centres médico-psychologiques (CMP),
mais également de développer et de soutenir
les projets de création d’équipes mobiles et
de reconnaître le modèle de l’équipe mobile
comme un « équipement » de l’hôpital.
Recommandation n°16
La Défenseure des droits recommande
au ministre des Solidarités et de la santé
de réaliser une étude pluridisciplinaire et
longitudinale sur les effets à long terme de
la crise sanitaire, sur la santé mentale des
enfants et des adolescents.
Recommandation n°17
La Défenseure des droits recommande au
ministre des Solidarités et de la santé de
développer la prise en charge des urgences
pédopsychiatriques, en assurant la présence
systématique d’un pédopsychiatre dans
les services d’urgence pédiatriques et en
développant des dispositifs d’urgences
pédopsychiatriques permettant d’apporter
rapidement une réponse adaptée et
proportionnée à la situation (depuis
l’intervention au domicile, à la consultation en
structure, voire à l’hospitalisation dans les cas
les plus critiques).
Recommandation n°18
La Défenseure des droits recommande
au ministre des Solidarités et de la santé
de soutenir le développement d’unités
thérapeutiques transversales, rassemblant
dispositifs d’aller-vers, offre de soins
ambulatoire et en hospitalisation, afin d’éviter
les ruptures dans les parcours de soins et de
lutter contre les inégalités dans l’accès aux
soins.
Recommandation n°19
La Défenseure des droits recommande
au ministre des Solidarités et de la santé
de poursuivre la densification de l’offre de
soins hospitalière en pédopsychiatrie, en
poursuivant la trajectoire à la hausse du
nombre de lits et places en pédopsychiatrie,
en réduisant les inégalités territoriales dans
le maillage de l’offre de soins, en développant
les équipes mobiles. Une attention particulière
devrait être portée à la situation dans les
Outre-Mer.
Recommandation n°20
La Défenseure des droits recommande au
ministre de la Justice, garde des Sceaux, et
au ministre des Solidarités et de la santé de
proposer l’inclusion dans la loi de l’interdiction
d’accueil d’un mineur en unité psychiatrique
pour adulte.
Recommandation n°21
La Défenseure des droits réitère sa
recommandation au ministre des Solidarités
et de la santé de consacrer par la loi un droit
à la présence parentale dans le cadre du
Code de la santé publique en vue d’organiser
un véritable accueil des parents et/ou des
représentants légaux au sein des hôpitaux.
Toutefois, ce principe doit tenir compte
des besoins spécifiques des adolescents.
C’est pourquoi, il conviendrait de recueillir le
consentement de l’enfant selon son degré
de discernement afin de s’assurer de son
adhésion à la présence parentale.
Recommandation n°22
La Défenseure des droits recommande
au ministre de l’Éducation nationale, de
la Jeunesse et des sports et au ministre
des Solidarités et de la santé de renforcer
les relations partenariales entre santé et
éducation afin de garantir le respect des droits
fondamentaux des enfants hospitalisés en
raison de troubles de la santé mentale et de
d’assurer une continuité pédagogique pour
chaque enfant hospitalisé.
Recommandation n°23
La Défenseure des droits recommande
au ministre de l’Intérieur de renforcer la
formation initiale de l’ensemble des agents
aux spécificités de l’audition du mineur
victime et de systématiser la formation au
protocole NICHD des agents appartenant aux
brigades de protection des familles (police et
gendarmerie).
La Défenseure des droits recommande de
nouveau au Garde des Sceaux, ministre de
l’Intérieur et au ministre de la Justice d’étendre
à toutes les brigades de protection des familles
(police et gendarmerie) le dispositif des salles
d’audition dédiées, mieux adaptées à l’intérêt
de l’enfant et au travail de l’enquêteur
Recommandation n°24
La Défenseure des droits recommande au
ministre des Solidarités et de la santé et aux
présidents des conseils départementaux de
renforcer la pluridisciplinarité et le partenariat
dans la prise en charge des enfants protégés
à l’aide sociale à l’enfance (ASE), notamment
par la création de référentiels communs et en
rendant effective l’obligation d’établir un Projet
pour l’enfant.
La Défenseure des droits recommande aux
présidents des conseils départementaux,
des directeurs territoriaux de la Protection
judiciaire de la jeunesse (PJJ) et aux
directeurs des ARS la signature de protocoles
opérationnels portant sur la santé des enfants
confiés en protection de l’enfance.
La Défenseure des droits recommande de
renforcer la présence de professionnels de
santé dans l’ensemble des établissements
d’accueil relevant de la protection de l’enfance,
en recrutant un infirmier.
Recommandation n°25
La Défenseure des droits recommande
au ministre des Solidarités et de la santé
d’assurer le développement de la présence
d’interprètes dans les centres et structures de
soins ;
La Défenseure des droits recommande
de nouveau aux présidents des conseils
départementaux de solliciter l’agence régionale
de santé dont il dépend et l’ensemble des
partenaires de l’offre de soins pour mettre
en œuvre l’organisation d’un bilan de santé
conforme aux préconisations du Haut conseil
de la santé publique pour tout jeune exilé en
phase d’évaluation ;
La Défenseure des droits recommande
de nouveau aux présidents des conseils
départements de multiplier les partenariats
extérieurs afin de renforcer l’offre de soin en
matière de santé mentale pour les mineurs
non accompagnés et de renforcer la formation
des évaluateurs à l’appréhension des troubles
psychiques et au repérage des symptômes de
stress posttraumatique.
Recommandation n°26
La Défenseure des droits recommande au
ministre des Solidarités et de la santé de
proscrire le placement à l’hôtel de tout mineur
quel que soit son statut.
Recommandation n°27
La Défenseure des droits recommande
aux directions territoriales de la protection
judiciaire de la jeunesse et aux agences
régionales de santé de construire des
partenariats entre les structures locales de
pédopsychiatrie et les centres éducatifs
fermés (CEF), afin de renforcer l’accès aux
soins de santé des enfants en CEF.
Recommandation n°28
La Défenseure des droits recommande
également la réalisation d’une recherche
longitudinale menée par des chercheurs
indépendants sur la trajectoire des mineurs
à l’issue de leur passage en détention ou en
centre éducatif fermé, en terme notamment
d’insertion sociale, de santé, de formation,
de logement, de vie familiale et de récidive
d’infraction pénale.
Recommandation n°29
La Défenseure des droits recommande de
nouveau au Gouvernement de proscrire
le placement en zone d’attente pour les
mineurs non accompagnés étant entendu
qu’aujourd’hui, toute personne se déclarant
mineure en zone d’attente doit se voir nommer
un administrateur ad hoc « sans délais », avant
même toute contestation ou remise en cause
de son âge.
La Défenseure des droits recommande
également de faire évoluer la législation
pour proscrire dans toutes circonstances le
placement de familles avec enfants en centre
de rétention administrative
Source :
– https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/communique-de-presse/2021/11/la-sante-mentale-des-enfants-un-enjeu-de-societe-pour-developper-le
– https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/synth-rae-21-22-press-190x270-15.11.21-sstrtscoupes.pdf