Tribune COVID : un déficit de prévention

5 octobre 2025

Plus de 30 expert-es, soignant-es, assos (Winslow, SNPI, SNJMG, Handi-Social, Covid Long Solidarité…) demandent :
✔️Le retour du 😷notamment en lieux de soins
✔️Un plan air massif (promis en 2022)
✔️Un investissement dans la recherche
« Il est encore temps de mieux faire »

Un désar­me­ment pré­ma­turé face à la pan­dé­mie

“Après le covid…” Cette expres­sion, désor­mais banale, montre à quel point la pan­dé­mie de COVID est lar­ge­ment vue, dans la France de 2025, comme appar­te­nant au passé. Cependant ce sen­ti­ment col­lec­tif d’avoir tourné la page repose sur une vision tron­quée de ce qu’est le SARS-CoV-2 et de ce qu’il nous fait. Personnes et orga­ni­sa­tions direc­te­ment concer­nées par le COVID ou atten­ti­ves à ses effets, atta­chées à la cause de la Santé Publique à titre per­son­nel ou pro­fes­sion­nel, nous avons sur ce sujet une expé­rience de pre­mière main et menons, avec nos homo­lo­gues dans plu­sieurs pays, une veille scien­ti­fi­que. Ses résul­tats ne vont pas dans le sens d’une dis­pa­ri­tion du COVID ni de ses effets.

D’abord, le virus court tou­jours, comme on peut le cons­ta­ter en France et ailleurs à tra­vers le suivi de sa concen­tra­tion dans les eaux usées. L’OMS rap­pelle régu­liè­re­ment qu’elle n’a pas déclaré la fin de la pan­dé­mie, mais celle de l’urgence sani­taire de portée inter­na­tio­nale. L’“immu­nité hybride”, entre infec­tion préa­la­ble et vac­ci­na­tion, a-t-elle mis le SARS-CoV-2 hors d’état de nuire ? Non, et la recher­che montre qu’il dété­riore les sys­tè­mes immu­ni­taire et vas­cu­laire. Le virus a-t-il muté de lui-même vers des variants bénins ? Non plus : si les symp­tô­mes de l’infec­tion aiguë ont eu ten­dance à s’atté­nuer, cela n’a pas mis un terme à ses effets dif­fé­rés et pro­lon­gés.

Sa viru­lence est-elle réser­vée à une frange bien cir­cons­crite de “vul­né­ra­bles” dési­gnés par leurs mala­dies évidentes ou par le grand âge, qui aurait à porter seule le poids de la pré­ven­tion ?

Ce choix, qui serait éthiquement pro­blé­ma­ti­que, ne cor­res­pond pas à la réa­lité de vul­né­ra­bi­li­tés dif­fé­ren­ciées mais sans excep­tion. Les publi­ca­tions récen­tes de grou­pes d’experts des socié­tés euro­péen­nes de neu­ro­lo­gie et de car­dio­lo­gie rap­pel­lent que per­sonne n’est invul­né­ra­ble.

Le lais­ser-faire pan­dé­mi­que, far­deau des finan­ces publi­ques

En dehors de la recher­che, les comp­tes publics ne reflè­tent-ils pas eux aussi le poids per­sis­tant du COVID, à tra­vers le bond des dépen­ses de l’assu­rance mala­die entre avant et “après” la pan­dé­mie ? Les Inspections géné­ra­les des Affaires socia­les et des Finances ont sou­li­gné que deux tiers de l’aug­men­ta­tion des arrêts de tra­vail pour raison de santé dans le régime géné­ral entre 2019 et 2022 étaient direc­te­ment liés au COVID. Pour l’année 2024, the Economist impact esti­mait à 21 mil­liards, soit 0,6 % du PIB, le coût des arrêts de tra­vail liés au COVID long (hors soins) en France. Cela n’est qu’une évaluation des coûts macro-économiques directs de cette patho­lo­gie. Sur le plan humain, ce sont des vies bou­le­ver­sées, et un recours à la soli­da­rité natio­nale lui-même fra­gi­lisé par la dif­fi­culté du diag­nos­tic.

En fai­sant l’impasse sur le rôle du COVID dans l’aug­men­ta­tion des arrêts-mala­die ces der­niè­res années, les forces d’oppo­si­tion pro­gres­sis­tes lais­sent le gou­ver­ne­ment légi­ti­mer des réfor­mes aus­té­ri­tai­res (jours de carence, limi­ta­tion des indem­ni­tés pour arrêt mala­die, contrôle de leur pres­crip­tion…) par la sem­pi­ter­nelle stig­ma­ti­sa­tion d’un peuple “absen­téiste” qui aurait perdu le goût du tra­vail. Ces “remè­des” gou­ver­ne­men­taux sont contre-pro­duc­tifs.

En effet, moins on est indem­nisé en cas d’arrêt court, moins on s’isole lors­que l’on est infecté, et plus on conta­mine les autres. Désinciter à la pré­ven­tion n’amé­lio­rera ni les comp­tes de la Sécurité sociale, ni la santé de la popu­la­tion, dont la part déjà tou­chée par la mala­die ou le han­di­cap voit “la dette” servir d’alibi à la sup­pres­sion de ses mai­gres moyens de sub­sis­tance.

Un endet­te­ment dont on néglige de pro­té­ger nos conci­toyens

Sous pré­texte de “retour à la nor­male” après un dis­pen­dieux “quoi qu’il en coûte”, nous conti­nuons à accu­mu­ler sour­de­ment dans notre chair une dette pan­dé­mi­que, due à une poli­ti­que publi­que irres­pon­sa­ble de “lais­ser faire, lais­ser aller”. Les méca­nis­mes phy­sio­lo­gi­ques de l’infec­tion au COVID mis en lumière par la recher­che sont en effet de nature à dégra­der consi­dé­ra­ble­ment à long terme la santé d’une popu­la­tion qui, mal infor­mée, ne s’en pro­tège pas. Or, si une dette finan­cière peut se rené­go­cier, ce n’est pas le cas d’une dété­rio­ra­tion pro­fonde de l’état sani­taire d’un pays.

Au moment où, sous la devise fal­la­cieuse “Make America Healthy Again”, les États-Unis pren­nent l’anti­vaxisme pour colonne ver­té­brale de leur poli­ti­que de Santé publi­que, ce domaine devrait au contraire béné­fi­cier en France de mesu­res concrè­tes, comme le port du masque dans les lieux de soins ou non-aérés, le “plan air” promis en 2022 ou encore un inves­tis­se­ment dans la recher­che médi­cale liée au virus.

Les incan­ta­tions sur la pré­pa­ra­tion aux crises à venir ne suf­fi­ront pas. Face à une pan­dé­mie qui se pour­suit, il est encore temps de mieux faire, au lieu de livrer la Santé publi­que à un aban­don cou­pa­ble et coû­teux.

Signataires (lors­que le poste de la per­sonne dans un col­lec­tif est noté, la signa­ture est pour le col­lec­tif – en gras) :
Solenn Tanguy, pré­si­dente de Winslow Santé Publique
Thierry Amouroux, porte-parole du syn­di­cat natio­nal des pro­fes­sion­nels infir­miers SNPI
Yakoubi Nora, éducatrice spé­cia­li­sée, Présidente de l’asso­cia­tion Action Covid Long
David Simard, doc­teur en phi­lo­so­phie de la santé, Université Paris Est – Créteil
Louis Lebrun, méde­cin spé­cia­liste de santé publi­que
Odile Maurin, pré­si­dente d’Handi-social, mili­tante anti­va­li­diste et élue locale
Priscilla Ribeiro, Présidente de l’asso­cia­tion Covid Long Solidarité
Sophie, tré­so­rière du SNJMG, Syndicat natio­nal des jeunes méde­cins géné­ra­lis­tes
Alexandre Monnin, ensei­gnant-cher­cheur
Gwen Fauchois, ex vice-pré­si­dente d’Act Up-Paris
Laetitia REBORD, Paire-aidante en santé sexuelle et han­di­cap, Sexpair
Michaël Rochoy, méde­cin géné­ra­liste
Nima SADAGHIANI, méde­cin géné­ra­liste
Matthieu Piccoli, méde­cin des hôpi­taux.
Michela Frigiolini. Act Up-Paris 1992. Activiste les­bienne.
Julie Grasset, pré­si­dente asso­cia­tion CoeurVide19
Pierre-Étienne Marx, au nom du STJV, Syndicat des Travailleureuses du Jeu Vidéo
Olivier, Lek Lafferrière
Florence Rozenbaum, Médecin
Florence Dellerie, illus­tra­trice scien­ti­fi­que et vul­ga­ri­sa­trice
Thomas Rampin, ins­pec­teur élève du tra­vail, Sud TAS
Sabrina Sellami, Vice-Présidente CoeurVide19
Cathie ERISSY, Secrétaire Générale de l’Association de Promotion de la Profession Infirmière APPI
Raphaëlle Fourlinnie, Ingénieure d’étude, Winslow Santé Publique
Priscillia Fautrat, pour le Mask Bloc Bordeaux
Céline Extenso, mili­tante anti­va­li­diste, cofon­da­trice des Dévalideuses
Delphine Crespo, patiente experte COVID long, pré­si­dente d’une asso­cia­tion Covid Long en Espagne (à titre indi­vi­duel).
Le Mask Bloc Paris
Projet Méduses, col­lec­tif sen­tien­tiste
Armelle vau­trot, pro­fes­sion­nelle santé et éducation
Lucie Dubois, doc­to­rante à l’Université de Strasbourg
Maxime Scaduto, Doctorant en scien­ces de ges­tion, Laboratoire HuManiS

https://wins­low.fr/defi­cit-pre­ven­tion/
https://www.lin­ke­din.com/posts/wins­low-sant-publi­que_covid-d%C3%A9ficit-de-pr%C3%A9vention-wins­low-sant%C3%A9-acti­vity-7375585091965702144-MX_v/?utm_source=share&utm_medium=member_ios&rcm=ACoAAAfGb5wBayNHppkJZEkvGE-wwsH4AEDF­zyU

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