Améliorer les ratios infir­mière-patients est aussi rentable !

2 septembre 2022

Le nombre de patients par infirmière impacte la qualité et la sécurité des soins, mais les exemples étrangers montrent que c’est aussi rentable économiquement ! Alors pourquoi la France est-elle en train de saborder les établissements hospitaliers ?

Pour assu­rer la qua­lité et la sécu­rité des soins infir­miers, il importe de tenir compte de la nature, de la com­plexité et de l’inten­sité des soins requis par les patients ainsi que de la façon dont ces besoins influent sur la déter­mi­na­tion des soins infir­miers à four­nir et de la com­po­si­tion de l’équipe de soins néces­saire pour répon­dre à ces besoins.

Or, ce sont sou­vent les contrain­tes bud­gé­tai­res et non les besoins en soins requis qui déter­mi­nent le nombre d’infir­miè­res et la com­po­si­tion de l’équipe de soins infir­miers. S’ajoute à cela le fait que le temps de tra­vail des infir­miè­res est de plus en plus occupé par des acti­vi­tés qui ne sont pas liées aux soins donnés aux patients (taches admi­nis­tra­ti­ves, télé­phone, etc.). Le temps consa­cré à ces acti­vi­tés et l’aug­men­ta­tion du nombre de patients par infir­mière vien­nent créer des situa­tions qui peu­vent com­pro­met­tre la pres­ta­tion sécu­ri­taire des soins infir­miers.

Plusieurs études ont exa­miné le rap­port entre la qua­lité et la sécu­rité des soins infir­miers et le nombre d’infir­miè­res, leur for­ma­tion, leurs res­pon­sa­bi­li­tés et la com­po­si­tion des équipes de soins. Les résul­tats des études démon­trent une asso­cia­tion entre l’un ou plu­sieurs de ces éléments et des indi­ca­teurs de qua­lité sen­si­bles aux soins infir­miers, par exem­ple, les taux d’erreurs de médi­ca­ments, de la pré­va­lence des escar­res, des chutes, des failles dans le pro­ces­sus de soins infir­miers et des infec­tions noso­co­mia­les.

Ces événements indé­si­ra­bles nui­sent à l’atteinte de résul­tats de soins opti­maux pour les patients et se tra­dui­sent sou­vent par une aug­men­ta­tion de la durée moyenne de séjour hos­pi­ta­lier, des réad­mis­sions hos­pi­ta­liè­res et des taux de mor­ta­lité à l’inté­rieur de 30 jours.

D’autres études démon­trent qu’une charge de tra­vail infir­mier élevée et une sous-uti­li­sa­tion des connais­san­ces et com­pé­ten­ces des infir­miè­res auraient un impact sur la satis­fac­tion au tra­vail ainsi que sur la fidé­li­sa­tion et le recru­te­ment des infir­miè­res, pou­vant occa­sion­ner des coûts impor­tants en heures sup­plé­men­tai­res et en dépen­ses liées au recru­te­ment.

Selon le Canadian Nursing Advisory Committee, l’uti­li­sa­tion non opti­male de l’exper­tise des infir­miè­res cons­ti­tue un usage inef­fi­cace des res­sour­ces finan­ciè­res du sys­tème de santé.

En somme, les démar­ches pour contrô­ler les coûts par la réduc­tion du nombre d’infir­miè­res ou le rem­pla­ce­ment de celles-ci par d’autres caté­go­ries de per­son­nel en soins infir­miers n’ayant pas les connais­san­ces, les com­pé­ten­ces ou l’expé­rience requi­ses ont sou­vent l’effet opposé et ne per­met­tent d’attein­dre ni les objec­tifs de qua­lité et de sécu­rité des soins et ser­vi­ces pour les patients ni les objec­tifs finan­ciers du réseau de la santé.

Exemples étrangers : quand qua­­lité rime avec ren­­ta­­bi­­lité

Des solu­­tions ont été mises en oeuvre en Californie et en Australie, où le per­­son­­nel infir­­mier a réussi à faire pres­­sion et obte­­nir des ratios infir­­mière-patients pres­­crits par la loi et les conven­­tions col­­lec­­ti­­ves. De tels ratios limi­­tent le nombre de patients dont doit s’occu­­per l’infir­­mière. Par exem­­ple, en Californie, un ratio de 1 pour 4 est pres­­crit par la loi.

À New South Wales, en Australie, les ratios ont été déter­­mi­­nés en fonc­­tion d’une for­­mule d’heures mini­­mum de soins infir­­miers, par patient, par jour. Cette for­­mule peut varier selon les clas­­si­­fi­­ca­­tions au sein de l’hôpi­­tal mais, géné­­ra­­le­­ment, les ratios cor­­res­­pon­­dent à 1 pour 4 de jour. La dota­­tion en per­­son­­nel peut être gérée au niveau de l’unité de soins.

Les études démon­­trent une amé­­lio­­ra­­tion des résul­­tats des patients à la suite de la mise en place de ratios pres­­crits. Des études sur l’expé­­rience aus­­tra­­lienne démon­­trent une dimi­­nu­­tion de la fré­­quence des inci­­dents direc­­te­­ment liés aux soins infir­­miers (indi­­ca­­teurs de résul­­tats liés aux soins infir­­miers), y com­­pris dimi­­nu­­tion du taux de mor­­ta­­lité, des com­­pli­­ca­­tions du sys­­tème ner­­veux cen­­tral, des ulcè­­res, des gas­­tri­­tes, des sai­­gne­­ments duo­­dé­­naux, des sep­­ti­­cé­­mies, des plaies de pres­­sion, et de la durée du séjour à l’hôpi­­tal. Les études sur l’expé­­rience cali­­for­­nienne révè­­lent des résul­­tats simi­­lai­­res par rap­­port au taux de mor­­ta­­lité.

Il est impor­­tant de sou­­li­­gner que le coût lié à une aug­­men­­ta­­tion de la dota­­tion infir­­mière peut être lar­­ge­­ment, voire même entiè­­re­­ment, récu­­péré par l’établissement. Cela s’expli­­que par le lien confirmé entre une aug­­men­­ta­­tion de la dota­­tion infir­­mière et la dimi­­nu­­tion de la durée du séjour, des réad­­mis­­sions, de la mor­­bi­­dité, des erreurs médi­­ca­­les et du rou­­le­­ment du per­­son­­nel infir­­mier.

Plus de détails :
 Infirmiers sur­char­gés, patients en danger http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Infirmiers-sur­char­ges-patients-en.html
 Lien entre mor­ta­lité et charge de tra­vail infir­mière http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Lien-entre-mor­ta­lite-et-charge-de-tra­vail-infir­miere.html
 Déranger une infir­mière aug­mente de plus de 12 % les ris­ques d’erreur http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Deranger-une-infir­miere-aug­mente.html
 Les patients paient le prix du manque de per­son­nel et des sur­char­ges de tra­vail http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Les-patients-paient-le-prix-du
 L’épuisement des infir­miers aug­men­tent les mala­dies noso­co­mia­les http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/L-epui­se­ment-des-infir­miers.html
 Danger : nos condi­tions de tra­vail aug­men­tent le risque d’erreurs de soins http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Nos-condi­tions-de-tra­vail.html
 Majoration du risque d’erreurs de soins avec la pénu­­rie
http://www.syn­­di­­cat-infir­­mier.com/Majoration-du-risque-d-erreurs-de.html
 Les erreurs de médi­ca­tion http://www.syn­­di­­cat-infir­­mier.com/Les-erreurs-de-medi­­ca­­tion-une,

Sources des études :
 Clarke, S. P. et Donaldson, N. E. (2008). Nurse Staffing and Patient Care Quality and Safety. Dans R. G. Hughes (dir.), Patient Safety and Quality : An Evidence-Based Handbook for Nurses. Rockville, Maryland : Agency for Healthcare Research and Quality (US).
 D’Amour, D., Dubois, C.-A., Tchouaket, E., Clarke, S. et Blais, R. (2014). The occur­rence of adverse events poten­tially attri­bu­ta­ble to nur­sing care in medi­cal units : Cross sec­tio­nal record review. International Journal of Nursing Studies, 51(6), 882–891. doi : 10.1016/j.ijnurstu.2013.10.017
 Kalisch, B. J., Tschannen, D. et Lee, K. H. (2012). Missed nur­sing care, staf­fing, and patient falls. Journal of nur­sing care qua­lity, 27(1), 6-12. doi : 10.1097/NCQ.0b013e318225aa23
 Pappas, S. H. (2008). The cost of nurse-sen­si­tive adverse events. Journal of Nursing Administration, 38(5), 230-236. doi : 10.1097/01. NNA.0000312770.19481.ce
 Schreuders, L. W., Bremner, A. P., Geelhoed, E. et Finn, J. (2014). The rela­tion­ship bet­ween nurse staf­fing and inpa­tient com­pli­ca­tions. Journal of advan­ced nur­sing. doi : 10.1111/jan.12572
 Berry, L. et Curry, P. (2012). Charge de tra­vail du per­son­nel infir­mier et soins aux patients. Comprendre la valeur du per­son­nel infir­mier, les réper­cus­sions des char­ges de tra­vail exces­si­ves, et com­ment les ratios infir­mière-patients et les modè­les dyna­mi­ques de dota­tion peu­vent aider. Ottawa, Ontario : Fédération cana­dienne des syn­di­cats d’infir­miè­res et infir­miers.
 Canadian Nursing Advisory Committee (2002). Our Health, Our Future Creating Quality Workplaces for Canadian Nurses. Advisory Committee of Human Health Resources.

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