Bilan et impasses de la "Grande Conférence de Santé"

15 février 2016

Bilan des 22 mesu­res de la feuille de route de la Grande Conférence de Santé du 11.02.05 : deux étaient très atten­dues, deux autres sont à sur­veiller de près, et deux gros man­ques sur l’exer­cice au quo­ti­dien (les ratios de patients par infir­miè­res, et la réac­tua­li­sa­tion du décret d’actes infir­miers).

Pour pré­pa­rer l’avenir, et former des pro­fes­sion­nels infir­miers à répon­dre aux besoins de santé de la popu­la­tion (vieillis­se­ment, mala­dies chro­ni­ques), deux mesu­res sont effec­ti­ve­ment impor­tan­tes :
 Concourir à l’émergence d’un corps d’ensei­gnants cher­cheurs pour les for­ma­tions para­mé­di­ca­les (mesure 15) : pour le SNPI, il faut que ces ensei­gnants cher­cheurs soient des infir­miers avec une for­ma­tion uni­ver­si­taire, et non des uni­ver­si­tai­res non-infir­miers
 Développer les pra­ti­ques avan­cées (mesure 20) : le SNPI demande à par­ti­ci­per au groupe chargé de défi­nir le cadre sta­tu­taire de ce nou­veau métier (réfé­ren­tiels d’acti­vi­tés, de com­pé­ten­ces et de for­ma­tion, débou­chant sur un master et une grille sala­riale spé­ci­fi­que, comme pour les infir­miers anes­thé­sis­tes).

Cependant, lors de son entre­tien avec le Premier Ministre Manuel Valls, Thierry Amouroux, le Secrétaire Général du SNPI CFE-CGC, l’a alerté sur le fait que « la pra­ti­que avan­cée ne va concer­ner que 3% des infir­miè­res, le vrai manque de cette Conférence, c’est l’impasse sur le décret d’acte infir­mier qui n’a pas été réac­tua­lisé depuis 2004 malgré nos deman­des. »

« Or les tech­ni­ques médi­ca­les évoluent sans cesse, et la prise en soins s’est modi­fiée. La loi auto­rise les infir­miè­res à vac­ci­ner l’ensem­ble de la popu­la­tion, elles y ont été for­mées, et ont les com­pé­ten­ces néces­sai­res. Mais le décret stu­pide d’une admi­nis­tra­tion rétro­grade a can­tonné cela à une seule patho­lo­gie, la grippe, et pour un seul seg­ment de la popu­la­tion : les per­son­nes âgées ou les per­son­nes attein­tes de patho­lo­gies chro­ni­ques ! Là on nage en plein délire : nous sommes com­pé­tents pour vac­ci­ner une per­sonne fra­gile, mais sur­tout pas son entou­rage en bonne santé !" s’indi­gne t-il.

Par ailleurs, deux autres mesu­res sont à sur­veiller de près, tant le diable est dans les détails :
 Mesure 9 : Développer et mieux orga­ni­ser les inte­rac­tions entre les étudiants des dif­fé­ren­tes for­ma­tions de santé. « Pour le SNPI, qu’en 3ème année de for­ma­tion, il y ait des cours sur des sujets com­muns (éthique, tra­vail en équipe, réflexions sur le tra­vail plu­ri­dis­ci­pli­naire…) amé­lio­re­rait sure­ment les rela­tions par la suite. Par contre, 68 % de des pro­fes­sion­nels infir­miers sont hos­ti­les à une pre­mière année com­mune aux 14 for­ma­tions para­mé­di­ca­les. Les infir­miè­res ont donc gagné une bataille, mais pas la guerre contre cette année fourre-tout impo­sée aux para­mé­di­caux, nous res­te­rons donc par­ti­cu­liè­re­ment atten­tifs", signale Thierry Amouroux.
 Mesure 13 : Confier – à moyen terme – aux uni­ver­si­tés l’enca­dre­ment péda­go­gi­que des for­ma­tions para­mé­di­ca­les. « Le SNPI est pour l’uni­ver­si­ta­ri­sa­tion de la for­ma­tion, dans le cadre d’une filière LMD en Sciences Infirmières, comme dans 47 pays du monde, où des uni­ver­si­tai­res titu­lai­res d’un diplôme d’infir­mier, puis d’un doc­to­rat en scien­ces mana­gent la for­ma­tion. Mais pas ques­tion de passer sous la coupe de bureau­cra­tes uni­ver­si­tai­res ou de méde­cins qui déci­dent sou­ve­rai­ne­ment de ce qui leur semble bien pour leur petit per­son­nel », pré­cise Thierry Amouroux.

« L’autre impasse de la Grande Conférence de Santé, c’est de ne pas avoir traité le lien entre mor­ta­lité et charge de tra­vail infir­mière. Il faut des ratios : pour telle spé­cia­lité, une infir­mière pour tel nombre de patients. »

Deux décen­nies d’études natio­na­les et inter­na­tio­na­les ont établi, de façon cons­tante, un lien très clair entre la dota­tion ina­dé­quate en per­son­nel infir­mier et la santé des patients, y com­pris une aug­men­ta­tion du taux de mor­ta­lité, des infec­tions uri­nai­res, des sep­ti­cé­mies, des infec­tions hos­pi­ta­liè­res, des sai­gne­ments gas­tro­duo­dé­naux, des chocs et des arrêts car­dia­ques, des erreurs médi­ca­les, des échecs des secours, et des durées plus lon­gues que pré­vues du séjour à l’hôpi­tal. La fer­me­ture de ser­vi­ces entraine un sur­peu­ple­ment des urgen­ces avec des « soins infir­miers dans les cou­loirs » et autres lieux inap­pro­priés.

Les recom­man­da­tions qui décou­lent des études inter­na­tio­na­les sont clai­res :
 il faut s’enten­dre sur une charge de tra­vail com­pa­ti­ble avec des soins de qua­lité avec des ratios : pour telle spé­cia­lité, une infir­mière pour tel nombre de patients.
 amé­lio­rer les condi­tions de vie au tra­vail du per­son­nel infir­mier, afin de réduire la fati­gue chez le per­son­nel infir­mier, source d’absen­téisme
 asso­cier le per­son­nel infir­mier aux déci­sions rela­ti­ves aux soins des patients
 aug­men­ter les bud­gets alloués à la for­ma­tion et au déve­lop­pe­ment pro­fes­sion­nel continu DPC

L’étude parue dans le Lancet en 2014 montre que chaque patient ajouté à la charge de tra­vail quo­ti­dienne d’une infir­mière en chi­rur­gie aug­mente le risque de décès de 7% (sur 420.000 patients de 300 hôpi­taux de 9 pays euro­péens). Le pire est qu’une étude simi­laire publiée en 2002 dans le jour­nal de l’American Medical Association (menée sur 800 hôpi­taux de 11 états amé­ri­cains) était arri­vée exac­te­ment au même chif­fre de 7%, mais que 12 ans après les pou­voirs publics conti­nuent à aug­men­ter notre charge de tra­vail !

En 2009, une enquête inter­na­tio­nale (conduite auprès de 2.203 infir­miè­res dans onze pays : Afrique du Sud, Brésil, Canada, Colombie, États-Unis, Japon, Kenya, Ouganda, Portugal, Royaume-Uni et Taiwan) pré­sen­tée lors du 24e Congrès du Conseil inter­na­tio­nal des infir­miè­res, démon­trait que la charge de tra­vail s’est aggra­vée depuis 2004, avec des consé­quen­ces poten­tiel­les sur la qua­lité des soins pro­di­gués aux patients.

Or en France nous n’avons un ratio infir­mier que dans cer­tains ser­vi­ces, comme en réa­ni­ma­tion http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Ratio-d-IDE-par-patients-en,466.html
et en dia­lyse http://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Ratio-d-IDE-par-patients-en.html

Les patients paient le prix du manque de per­son­nel et des sur­char­ges de tra­vail

Ces der­niers mois, la sur­charge de tra­vail comme le manque de per­son­nel se fait res­sen­tir dans de nom­breux ser­vi­ces, et nos mili­tants enre­gis­trent une aug­men­ta­tion des erreurs médi­ca­les. Elles sont prin­ci­pa­le­ment trai­tées en interne au sein des établissements, où l’on fait la part entre le man­que­ment pro­fes­sion­nel per­son­nel et ce qui impu­ta­ble à une charge de tra­vail exces­sive.

Il en découle une aug­men­ta­tion du risque de mor­bi­dité et de mor­ta­lité à l’hôpi­tal : mau­vaise ges­tion de la dou­leur, mau­vaise ges­tion des dou­leurs tho­ra­ci­ques aigues, retard dans l’admi­nis­tra­tion d’anti­bio­ti­ques par rap­port aux pro­to­co­les recom­man­dés, aug­men­ta­tion du nombre de réad­mis­sions à l’hôpi­tal, et dimi­nu­tion du degré de satis­fac­tion des patients.

 http://www.miroir­so­cial.com/actua­lite/12970/grande-confe­rence-de-sante-bilan-et-impas­ses
 http://san­te­news.reseau­pro­sante.fr/actua­lite/bilan-et-impas­ses-de-la-grande-confe­rence-de-sante/65303
 http://cfecgc-san­te­so­cial.fr/gcs/

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