Commission MARESCAUX sur la réforme des CHU

12 janvier 2009

Lettre de Mission du Président de la République au Prof. Jacques Marescaux, Président de la commission chargée de concevoir la réforme des CHU (novembre 2008).

Les cen­tres hos­pi­ta­liers et uni­ver­si­tai­res (CHU) ont cin­quante ans. En 1958, un petit groupe de méde­cins hos­pi­ta­liers, parmi les meilleurs de leur temps, réunis autour du Professeur Robert DEBRE, élaboraient le contenu d’une réforme qui devait donner nais­sance aux CHU. L’ordon­nance du 30 décem­bre 1958, en créant le temps plein hos­pi­ta­lier, a struc­turé dura­ble­ment l’hôpi­tal et donné ses let­tres de noblesse à la méde­cine hos­pi­talo-uni­ver­si­taire.

Les trente-et-un CHU exer­cent une triple mis­sion de soins, d’ensei­gne­ment et de recher­che. Plusieurs signes mon­trent que leur modèle est aujourd’hui en crise. Ces établissements, qui emploient chacun plu­sieurs mil­liers de col­la­bo­ra­teurs et regrou­pent plu­sieurs mil­liers de lits, enre­gis­trent qua­si­ment tous un défi­cit d’exploi­ta­tion. Un grand nombre d’entre eux consa­crent une part signi­fi­ca­tive de leurs res­sour­ces aux soins de proxi­mité au détri­ment des soins de recours.

La mis­sion d’ensei­gne­ment, dans un contexte d’aug­men­ta­tion conti­nue du nume­rus clau­sus depuis quel­ques années, sol­li­cite également beau­coup les CHU, dont le fonc­tion­ne­ment dépend par­fois à l’excès des seuls inter­nes en méde­cine. Dans ces condi­tions, la recher­che est une varia­ble d’ajus­te­ment dans l’acti­vité des pôles. De fait, les écarts de pro­duc­tion entre CHU dans le domaine de la recher­che sont très impor­tants. En réa­lité, il est devenu très dif­fi­cile pour un pra­ti­cien hos­pi­ta­lier de mener de front et avec une égale impli­ca­tion ses acti­vi­tés de soins, d’ensei­gne­ment et de recher­che.

L’ensem­ble de ces dif­fi­cultés a son ori­gine dans les par­ti­cu­la­ri­tés de la gou­ver­nance des CHU, qui jux­ta­pose sans faire de véri­ta­ble choix la logi­que de l’uni­ver­sité et la logi­que de l’hôpi­tal. Dans ces condi­tions, les CHU sont sus­cep­ti­bles de perdre de façon dura­ble leur attrac­ti­vité auprès des meilleurs étudiants et inter­nes en méde­cine.

En 1958, l’ins­ti­tu­tion du temps plein a rendu l’hôpi­tal attrac­tif. Aujourd’hui, le temps plein ne suffit plus au rayon­ne­ment des CHU. Il faut leur trou­ver de nou­veaux attri­buts, en phase avec notre temps, pour que ces établissements conti­nuent d’atti­rer les meilleurs et de pro­duire des soins, de l’ensei­gne­ment et de la recher­che d’excel­lence.

Je sou­haite vous confier la mis­sion de pro­po­ser un nou­veau modèle pour les CHU fondé sur l’excel­lence. Vos tra­vaux devront porter sur les dif­fé­rents aspects d’une réforme dont j’attends qu’elle soit aussi ambi­tieuse et pion­nière que celle de l’ordon­nance « DEBRE » de 1958.

Vous vous atta­che­rez d’abord à pro­duire un bilan de la pro­duc­tion scien­ti­fi­que des équipes de recher­che dans les CHU. Cet état des lieux devra être par­tagé et incontes­ta­ble.

Vous exa­mi­ne­rez les cir­cuits de finan­ce­ment, en dis­tin­guant les flux qui res­sor­tis­sent à la Recherche, à l’ensei­gne­ment, aux soins de recours et aux soins de proxi­mité. Vous étudierez la tra­ça­bi­lité des flux finan­ciers, des cais­ses d’assu­rance mala­die jusqu’au béné­fi­ciaire final à l’inté­rieur du CHU. Vous vous inter­ro­ge­rez sur la pos­si­bi­lité d’adap­ter la tari­fi­ca­tion des soins rele­vant d’une pra­ti­que médi­cale ou chi­rur­gi­cale de haute tech­ni­cité.

Les condi­tions d’un déve­lop­pe­ment des par­te­na­riats entre les CHU et les entre­pri­ses, en par­ti­cu­lier les indus­tries de santé, devront également rete­nir votre atten­tion. Les éventuelles dif­fi­cultés juri­di­ques en ce domaine devront être iden­ti­fiées pour que des répon­ses y soient appor­tées.
Vous pro­po­se­rez des amé­lio­ra­tions dans la ges­tion des car­riè­res des pra­ti­ciens pour favo­ri­ser l’exer­cice conjoint d’une ou plu­sieurs mis­sions selon des moda­li­tés réa­lis­tes. Le contrat et la mobi­lité devront être au cœur de vos réflexions sur la ges­tion des res­sour­ces humai­nes.

Enfin, vous ana­ly­se­rez la per­for­mance de l’orga­ni­sa­tion et du mana­ge­ment des établissements aujourd’hui et for­ma­li­se­rez dif­fé­rents scé­na­rios d’évolution aussi bien dans les rela­tions entre CHU qu’en leur sein.

Pour rem­plir votre mis­sion, vous pré­si­de­rez une com­mis­sion cons­ti­tuée de per­son­na­li­tés poli­ti­ques, scien­ti­fi­ques, médi­ca­les, mana­gé­ria­les, indus­triel­les et ins­ti­tu­tion­nel­les. Cette com­mis­sion mettra elle-même en place des grou­pes de tra­vail sur les dif­fé­rents thèmes que je vous demande d’ins­truire.

Vous béné­fi­cie­rez dans votre tra­vail de l’appui des minis­tè­res de la santé et de la recher­che.

Vous vou­drez bien me remet­tre vos pro­po­si­tions pour la fin du mois de mars 2009. Vous me ferez un point d’étape à mi-par­cours au début du mois de février.

Je vous remer­cie d’avoir accepté cette mis­sion dont je sou­haite qu’elle soit une contri­bu­tion déci­sive au ren­for­ce­ment dura­ble des capa­ci­tés de recher­che et d’inno­va­tion de notre pays.

Je vous prie de croire, Monsieur le Professeur, en l’assu­rance de mes sen­ti­ments les
meilleurs.

Nicolas SARKOZY

Source : lire l’arti­cle sur www.elysee.fr

Partager l'article