Covid, grippe… Exigeons le port du masque dans tous les hôpitaux
16 décembre 2023
Des collectifs de patients et des soignants plaident pour un retour du masque et des mesures protectrices et efficaces dans tous les lieux de soins, dans une tribune publiée dans l’EXPRESS le 28.11.23
En septembre sous 28 °C, à Perpignan, l’hôpital déborde de patients examinés sur des brancards en file dehors, sur le parking. Les lieux de soins déjà éprouvés avant 2020 flirtent aujourd’hui quotidiennement avec la catastrophe : il faut sortir de l’aveuglement et mettre en place des mesures sanitaires pérennes et efficaces.
Il n’est pas concevable que la fin de l’état d’urgence ait mis fin à toute mesure de prévention contre le Covid et autres maladies aéroportées, partout, jusqu’aux lieux de soins dont la fréquentation expose à un risque de contamination inacceptable. Attend-on une situation de crise pour éviter de contaminer les patients par des infections nosocomiales ? Doit-on voir à nouveau des morgues mobiles au marché de Rungis, pour que le gouvernement rende le masque obligatoire en établissement de santé ? Les morts nous regardent, et ce n’est pas leur rendre justice que de détourner les yeux. Pourquoi n’avons-nous tiré collectivement aucune leçon de la pandémie, conservant des pratiques inadaptées, alors que la prévention de la transmission du Covid dans les hôpitaux avait également réduit de plus de moitié l’incidence d’autres virus ? L’absence d’évolution est ici une régression qui mène à accepter toujours plus de tragédies et de pertes de chances ; et pour le justifier, une sorte de médiévalisme inquiétant s’installe dans le milieu médical.
Difficile d’expliquer autrement que le protocole dans les hôpitaux, presque quatre ans après le début de la pandémie, ne suive toujours pas l’état de l’art sur les mesures de prévention adaptées aux transmissions de maladies infectieuses dans l’air. Aujourd’hui ces pathogènes circulent librement dans les hôpitaux alors même qu’on a les outils pour l’empêcher, et que les recherches inquiétantes sur les conséquences, pour tous, de l’infection par le Covid se multiplient. Les affichettes arborées par certains lieux de soins recommandent dans le meilleur des cas le masque chirurgical si symptômes, alors qu’il n’est pas celui adapté pour une maladie infectieuse qui se transmet dans l’air (encore moins en port unilatéral), et qu’au moins la moitié des contagions sont le fait de porteurs asymptomatiques. On insiste uniquement sur le lavage de mains, quasi inutile pour ces pathogènes, pour donner l’impression d’agir. On retourne à 2020 en conseillant de tousser dans son coude, comme si les masques n’étaient pas largement disponibles, ou comme si la toux était le seul moyen d’exhaler des aérosols infectieux, émis par simple respiration.
"Il n’est pas acceptable que les patients soient contraints de se mettre en danger"
Le ridicule de cette situation côtoie en permanence la tragédie : les études montrent qu’entre 5 % et 10 % des covid nosocomiaux entraînent un décès, parfois plus. En France, les témoignages de ces drames évitables se multiplient. Non, le virus n’est pas saisonnier, non la vaccination n’est pas suffisante (ni efficace pour tous), et non, il n’est pas acceptable que les patients soient contraints de se mettre en danger pour pouvoir se soigner. Et si le covid tue, le covid long peut aussi tuer, différemment. Il ravage des vies : c’est également une urgence. Les études sur les effets décalés graves du Covid, neurologiques, cardiovasculaires se multiplient. Il faut donc poser quelque part que la protection du public ne doit pas dépendre uniquement de la visibilité d’un tsunami de morts immédiates. Ne rien faire d’efficace est une très mauvaise gestion, qui exclut de fait depuis bientôt quatre ans les personnes cliniquement vulnérables des lieux publics essentiels.
Le déni et l’invisibilisation sont si forts que l’absurde affleure jusque dans les recommandations de l’assurance maladie à ce sujet : l’isolement et le masque ne sont plus obligatoires, mais " il faut éviter le contact avec les personnes vulnérables ", validation institutionnelle de cette inacceptable discrimination. Ces personnes seraient-elles censées afficher ostensiblement leur vulnérabilité en tout contexte ? D’autre part, comment les éviter dans les lieux qui les concentrent par définition, les lieux de soin ? L’isolement social couplé aux abandons de soins résultant de cette situation amène une dégradation de leur santé qui pourrait aboutir à leur mort. Est-ce le but recherché, dans l’objectif de "maîtriser les dépenses de santé", et "repenser notre modèle social" ? C’est la question que certains commencent à se poser, dans le "monde d’après", censé être meilleur que celui d’avant.
Aux Etats-Unis, où les citoyens s’organisent, manifestent, font des campagnes pour réclamer le port du FFP2 dans les lieux de soins, certains hôpitaux ont déjà répondu favorablement. Au Royaume-Uni, le gouvernement devra répondre à une pétition à ce sujet. En France, les directions d’hôpitaux, les ARS et les élus contactés ne répondent pas. Pendant ce temps-là, les victimes continuent de s’accumuler - environ 40 000 morts en 2022 et deux millions de personnes souffrant de Covid long - et les responsabilités aussi.
Il est évident maintenant qu’il faut des règles claires et nationales : la population est désinformée, le masque est passé dans l’imaginaire collectif de mesure de protection à tabou, évocateur d’une réalité que chacun voudrait oublier. Il est un stigmate porté par des patients en général déjà malades chroniques, sur qui seuls repose la charge impossible de se protéger unilatéralement dans un environnement insalubre. Or la responsabilité de la sécurité de ces lieux incombe aux décideurs politiques et aux autorités sanitaires : la déontologie et le Code de la Santé Publique ne peuvent pas continuer à être bafoués ainsi.
Retournons à la raison et au rationnel, et vite : en voulant se soigner, des gens meurent, d’autres développent un covid long invalidant, le système de santé saturé va s’effondrer sous le poids de la décision absurde ne pas prévenir ces infections nosocomiales.
Sortons du déni en suivant la science et le droit : pour sauver des vies et les valeurs de notre société, exigeons l’assainissement de l’air intérieur et le port obligatoire du masque dans tous les établissements de soins, partout, maintenant.
Signataires :
Solenn Tanguy, présidente de l’association Winslow Santé Publique, le Collège de Millions Missing France, Elisa Zeno, Ingénieur R & D, co-fondatrice du Collectif Ecole et Familles Oubliées, Thierry Amouroux, porte-parole du syndicat national des professionnels infirmiers SNPI, Cathie Erissy, Secrétaire Générale de l’Association de Promotion de la Profession Infirmière APPI, Les Dévalideuses, collectif handi-féministe, Marie Valdes, Association PIMS Covid, Pauline Oustric, Présidente Association #ApresJ20 Covid Long France, Matthieu Calafiore, Médecin généraliste, Directeur du département de médecine générale de Lille, Clarisse Pean, Traductrice, Présidente d’ASSOMAST, Odile Maurin, activiste anti validisme et élue municipale de Toulouse, CLHEE, Collectif Lutte et Handicap pour l’Egalité et l’Emancipation, Gwenn Desliens, SEA pairaidance, Corinne Depagne, pneumologue, Christian Lehmann, médecin généraliste, Julie Grasset, Présidente Association CoeurVide19, Celine Castera, infirmière, #Apresj20, Tom Lachaise, #ApresJ20, Mylène Damamme, co-fondatrice #ApresJ20 Covid Long France, Béatrice Blanc #ApresJ20 - Association Covid Long France, Chantal Somm, fondatrice de Millions Missing France, membre du Collège, Michaël Rochoy, médecin généraliste, Alexandre Monnin, Enseignant-chercheur, Laetitia Rebord, Pair-aidante, Directrice de SEXPAIR, Samy Bounoua, enseignant et doctorant, Université de Lille, Céline Extenso, rédactrice d’audiodescription, militante handi-féministe, cofondatrice du collectif Les Dévalideuses, Béatrice Pradillon, chroniqueuse radio, Arnaud Mercier, Professeur université Paris Panthéon-Assas, ARRA, Association pour la Réduction des Risques Aéroportés, Association SOS syndrome de l’oeil sec, Hélène Poirier, médecin, Séverine Grélois, Maîtresse de conférences, #ApresJ20, Cristina Mas, Collectif Covid Long Pédiatrique, Marie-Anne Panet, Médecin généraliste, Yannick Freymann, médecin généraliste, Fateh Singh, président, ON-LIGHT, Alexander Samuel, enseignant, docteur en biologie moléculaire, Laure Dasinieres, journaliste, Christophe Lamarre, médecin à Roubaix, Xavier Lesprit, infirmier, Igor auriant, médecin réanimateur, Jonathan Favre, Médecin généraliste, Clémentine Zill, membre des Dévalideuses, Alice Ohayon, doctorante.