Décret d’acte infirmiers : manoeuvres du Ministère !
28 août 2008
Face aux réactions des infirmières, le Ministère retire provisoirement de la future loi Bachelot l’article sur le décret, et désigne un "Groupe de Personnes Qualifiés (PQ)" chargé de produire un rapport dans un mois, de manière à réintroduire cet article sous la forme d’un amendement parlementaire !
La FNI, principal syndicat d’infirmières libérales, indique dans un communiqué de presse qu’elle a été reçue le 26 août par Georges-François Leclerc, directeur de cabinet de Madame Bachelot.
Concernant le décret d’actes, Georges-François Leclerc a
réaffirmé la volonté qui est celle du gouvernement « de faire évoluer de
pair la tâche, la qualification, la responsabilité et la reconnaissance de
cette responsabilité. » Il a ajouté ne pas comprendre la levée de boucliers sur
la place des missions dans la hiérarchie des normes et le décret d’actes et a
confirmé au Président de la FNI que ce projet de modification du décret d’actes
n’était pas inscrit dans la loi « PST » à ce jour.
Philippe Tisserand a souligné à nouveau la demande forte de toutes les
organisations professionnelles et syndicales de mener ce travail de manière plus
approfondie et concertée. La profession ne comprend pas le passage en force et
dans la précipitation de ce projet dont la rédaction est, à ce jour, inaboutie,
floue, non consensuelle et donc préjudiciable pour la sécurité et la qualité des
soins infirmiers.
Afin de « laisser décanter ce débat » sur les transferts de tâches, le directeur de
cabinet a annoncé que le ministère envisage de mener une mission d’un mois sur
cette question du partage de compétences et des délégations de tâches. Cette
mission serait composée de quatre personnalités choisies par le ministère dont
Michelle Bressand, nouvellement nommée au poste de conseiller général des
établissements de santé.
Visiblement le Ministère cherche à gagner du temps, et sort cet article par la porte, pour mieux le faire revenir par la fenêtre (parlementaire).
*** Document vu par l’APM ***
Par ailleurs, une dépèche APM (Agence de Presse Médicale) du 29 août 2008 donne une information différente : Un livre du code de la santé publique instituerait un
principe général de "coopération entre professionnels de santé", selon un avant-projet de loi patients, santé et territoires dont APM a eu copie.
Il s’agit d’une version intermédiaire du texte qui va suivre le processus de concertation avec les différents acteurs de la santé et d’arbitrage interministériel.
Un article de cet avant-projet de loi vise à étendre le principe des collaborations entre professionnels de santé, sous l’égide de la Haute autorité de santé (HAS) et dans des domaines fixés par arrêté.
Le gouvernement souhaite sortir ces collaborations du simple champ des expérimentations, tout en assurant la sécurité des pratiques et des patients selon quatre exigences : les transferts d’actes ne concerneront que les professionnels de santé, qui ne pourront intervenir dans des champs dépassant leurs connaissances et leur expérience, les coopérations étant encadrés par des protocoles approuvés par la HAS et déclarés auprès des ARS.
*** Projet de rédaction du texte supprimant le décret d’actes infirmiers au profit d’une "logique de missions" :
Ce document est donc encore différent du Projet de rédaction présenté par le Ministère (DHOS) aux syndicats lors de la réunion du vendredi 11 juillet 2008 :
L’article L.4311-1 est remplacé par les dispositions suivantes :
« L’infirmier identifie les besoins de santé et évalue la situation clinique des personnes. Il pose un diagnostic infirmier et formule des objectifs de soins.
« Il dispense des soins infirmiers préventifs, curatifs ou palliatifs afin de protéger, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l’autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques pour favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social.
« Il met en œuvre des traitements visant à la prise en charge et la surveillance de la santé des personnes.
« L’infirmier est habilité à entreprendre et à adapter des traitements définis par arrêté du ministre chargé de la santé, dans le cadre de protocoles préétablis, écrits, datés et signés par un médecin. Le protocole est intégré dans le dossier de soins infirmiers.
« En l’absence de médecin, il évalue l’urgence d’une situation et peut mettre en œuvre des protocoles de soins d’urgence.
"L’infirmier exerce sur prescription ou conseil médical, ou en application du rôle propre qui lui est dévolu.
« L’infirmier peut effectuer certaines vaccinations, sans prescription médicale, dont la liste, les modalités et les conditions de réalisation sont fixées par décret en Conseil d’Etat, pris après avis du Haut conseil de la santé publique.
« Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale fixe la liste des dispositifs médicaux que les infirmiers, lorsqu’ils agissent sur prescription médicale, peuvent prescrire sauf en cas d’indication contraire du médecin et sous réserve, pour les dispositifs médicaux pour lesquels l’arrêté le précise, d’une information du médecin traitant désigné par leur patient.
« L’infirmier assure, dans son champ d’intervention défini au présent article, des missions de prévention, de dépistage, d’éducation pour la santé et d’éducation thérapeutique, et peut contribuer à la recherche dans le domaine des soins infirmiers et participer à des actions de recherche pluridisciplinaire.
« Il effectue des actions de formation et d’encadrement des étudiants, stagiaires et professionnels. Il analyse sa pratique et réalise une veille professionnelle.
« Il accomplit ses missions en relation avec les autres professionnels, notamment dans le secteur de la santé, le secteur social et médico-social et le secteur éducatif.
*** Analyse des problèmes posés par ce texte ***
– Qu’est ce qu’un conseil médical ? Une prescription orale ? Une suggestion amicale ?
– Dire que l’infirmier "effectue des actions de formation et d’encadrement des étudiants, stagiaires", revient à préciser qu’il fait des actions mais n’est plus responsable de cette formation (l’IDE est là pour panser, non pour penser), c’est donc remettre en cause les fondements de notre formation. Et qui devient responsable de cette formation alors ? Le médecin ? L’administratif ?
– "Il accomplit ses missions en relation avec les autres professionnels, notamment dans le secteur de la santé, le secteur social et médico-social et le secteur éducatif." c’est donc une liste fourre tout, qui peut aller du médecin (santé) à l’auxiliaire de vie (social) en passant par l’éducateur (éducatif). Cette phrase clé permet toutes les dérives, en particulier l’introduction en gériatrie des "assistants de gérontologie", au bloc des "techniciens de blocs opératoires", etc.
Le décret d’actes infirmiers est le garant de la qualité des soins, et protège de l’exercice illégal par des nouveaux métiers moins qualifiés : sa suppression nous ferait revenir un quart de siècle en arrière (le premier décret d’actes date de 1981).
Nous sommes particulièrement méfiants devant cette insistance ministérielle à changer notre texte fondamental en octobre, alors que le Conseil National de l’Ordre ne sera élu que fin novembre. Les textes rédigés l’été sont rarement porteurs d’évolution positive, et la volonté de court-circuiter l’Ordre est d’autant plus inquiétante sur les objectifs réels du Ministère. Le manque de transparence, les informations contradictoires, les versions du texte différentes selon les interlocuteurs (rencontre FNI du 26, dépêche APM du 29) : le ministère entretient un brouillard pour mieux nous tromper.
La position du SNPI CFE-CGC est ferme :
– le texte actuel, sous la forme d’un décret en Conseil d’Etat intégré au CSP, le Code de la Santé Publique, doit perdurer, car c’est la meilleure garantie contre l’exercice illégal par des "nouveaux métiers" peu qualifiés et peu payés (auxiliaires de vie, techniciens de bloc opératoires, assistants de gérontologie,...)
– par contre, à coté (et non à la place), nous sommes favorables à un article de loi définissant une logique de missions dans le cadre de coopération entre professions de santé réglementées, avec déclinaison de ces pratiques avancées dans un autre texte règlementaire
– aucune modification ne peut se faire tant que le Conseil National de l’Ordre Infirmier n’est pas en place : il n’y a aucune urgence sanitaire à le modifier à un mois de l’élection. Et l’urgence politique de le faire avant que l’ordre national soit opérationnel, nous parait encore plus inquiétante pour la profession
Depuis 1981, notre décret d’acte a régulièrement évolué avec les techniques et les transferts de compétences. En 2004, il a intégré le CSP, il est donc hors de question de le voir se transformer en simple arrêté : qu’on ne touche pas à notre décret !
Au delà de ce socle de base qui préserve la qualité des soins, les pratiques avancées doivent faire l’objet d’un autre texte.
Pour plus de détails :
– appel de Paris
– Le ministère consulte les Ordres Départementaux !
– mobilisation intersyndicale
Merci de signer et faire signer la pétition : lire l’article