Erreurs humaines : pour un syndicat infirmier, « le point de rupture » est atteint

6 janvier 2009

Article paru le Lundi 5 Janvier 2009 sue EGORA.fr, site d’actualités médicales

C.H.
Au départ un petit « 1 » de trop sur une pres­crip­tion médi­cale : 411,6 de débit pour une per­fu­sion qui devait être de 41,6. A l’arri­vée, l’erreur a coûté la vie au petit Louis-Joseph, nour­ris­son de six mois décédé ven­dredi der­nier à la suite de cette erreur com­mise à l’hôpi­tal de pédia­trie et de réé­du­ca­tion de Bullion, dans les Yvelines. Le même jour, l’Assistance publi­que-Hôpitaux de Paris annon­çait qu’un pro­blème d’ache­mi­ne­ment du médi­ca­ment à l’inté­rieur de l’hôpi­tal serait à l’ori­gine du décès du petit Ilyès, le 24 décem­bre à Saint-Vincent-de-Paul. D’après un audit interne, « le flacon de chlo­rure de magné­sium uti­lisé par l’infir­mière pour soi­gner l’enfant n’aurait jamais dû se trou­ver dans l’armoire des solu­tés du ser­vice de pédia­trie géné­rale de l’hôpi­tal Saint-Vincent-de-Paul », selon l’AP-HP qui a demandé à être mise en examen en tant que per­sonne morale.

« Comment de telles erreurs peu­vent elles arri­ver ? », s’inter­roge lundi le Syndicat natio­nal des per­son­nels infir­miers (Snpi). « Chaque jour, à chaque geste, chaque infir­mière vit avec cette épée de Damoclès au dessus de la tête. Nous sommes des êtres humains, et l’erreur est humaine. Nous exer­çons une pro­fes­sion à haut risque, et nous por­tons la plus grande res­pon­sa­bi­lité qui soit : celle de la vie d’autrui. Or, le manque de per­son­nel, de moyens, de repos et d’un cadre de tra­vail cor­rect peut deve­nir source d’erreur de la part de n’importe quel soi­gnant. Avec les plans d’économies qui se suc­cè­dent dans les hôpi­taux, la dégra­da­tion des condi­tions de tra­vail est telle que l’effec­tif normal est pra­ti­que­ment sem­bla­ble à l’effec­tif mini­mum du week-end, les repos dus s’accu­mu­lent, et lors des vacan­ces sco­lai­res nous avons atteint le point de rup­ture », affirme le syn­di­cat.

« Les syn­di­cats de l’AP-HP ont déposé en ces der­niers mois une pro­cé­dure d’alerte pour danger grave et immi­nent sur l’ensem­ble des hôpi­taux de l’AP-HP, suite à l’insuf­fi­sance d’effec­tif et la dégra­da­tion des condi­tions de tra­vail qui font courir des ris­ques impor­tants aux patients et aux pro­fes­sion­nels. Lorsqu’après la mort d’un homme, on cons­tate qu’il ne reste que 11 lits de réa­ni­ma­tion dis­po­ni­bles dans une région de 12 mil­lions d’habi­tants, on mesure l’étendue des dégâts », pour­suit l’orga­ni­sa­tion syn­di­cale.

Invitant les infir­miers à « réagir en pro­fes­sion­nels pour pré­ve­nir les ris­ques », le Snpi leur demande de sous­crire sans tarder une assu­rance « res­pon­sa­bi­lité civile pro­fes­sion­nelle », de rem­plir une fiche d’alerte lors de chaque situa­tion dif­fi­cile, et de lui indi­quer les pré­sen­ta­tions médi­ca­men­teu­ses sour­ces de confu­sion, « afin de cons­ti­tuer une banque de don­nées sur des pré­sen­ta­tions et étiquettes de médi­ca­ments qui majo­rent le risque d’erreur ».

Invité du Grand Rendez-Vous Europe 1/Le Parisien-Aujourd’hui en France, le minis­tre du Budget, Eric Woerth, a déclaré que « ces faits très tris­tes » ne devaient conduire ni à jeter le dis­cré­dit sur l’hôpi­tal fran­çais ni à appe­ler sys­té­ma­ti­que­ment à une aug­men­ta­tion des moyens.

« Quitte à être impo­pu­laire, je pense que l’hôpi­tal a aujourd’hui les moyens de fonc­tion­ner », a-t-il dit, appe­lant à « une meilleure orga­ni­sa­tion ». Il a rap­pelé que « l’enve­loppe finan­cière réser­vée aux hôpi­taux » aug­men­te­rait en 2009 de 3,1%, soit « plus que la plu­part des autres ser­vi­ces publics ».

Au contraire, les syn­di­cats du monde hos­pi­ta­lier conti­nuent de récla­mer davan­tage de moyens humains et finan­ciers. Dans un com­mu­ni­qué, le Syndicat natio­nal des pra­ti­ciens hos­pi­ta­liers anes­thé­sis­tes-réa­ni­ma­teurs (Snphar) dénonce la logi­que de « ren­ta­bi­lité » à l’ori­gine, selon lui, des drames récents : « Pour pré­ve­nir et détec­ter les erreurs, il faut du temps, de la séré­nité, de la confiance col­lec­tive. Depuis l’intro­duc­tion d’un nou­veau mode de finan­ce­ment des hôpi­taux (...), il n’est plus ques­tion que de concur­rence, de parts de marché à conqué­rir, de com­pres­sion de per­son­nel, de patients qui rap­por­tent plus ou moins ».

Pour sa part, la minis­tre de la Santé a indi­qué dans une inter­view au Journal du diman­che qu’elle allait orga­ni­ser dès la mi-jan­vier une « réu­nion de retour d’expé­rience sur la per­ma­nence des soins » après la série de drames sur­ve­nue dans les hôpi­taux. « J’invi­te­rai les quatre inter­syn­di­ca­les de pra­ti­ciens hos­pi­ta­liers, les huit syn­di­cats de la fonc­tion publi­que hos­pi­ta­lière et les repré­sen­tants du Samu à une réu­nion de retour d’expé­rience sur la per­ma­nence des soins », a-t-elle déclaré.

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