Fonction publique territoriale : équivalence cadre territorial infirmier

22 juin 2008

Décision du Conseil d’Etat sur la reconnaissance d’équivalence pour l’accès au concours de cadre territorial de santé infirmier.

Mme A est titu­laire du diplôme d’Etat d’infir­mier et d’une licence pro­fes­sion­nelle cadres fonc­tion­nels des établissements sociaux et médico-sociaux déli­vrée par l’uni­ver­sité du lit­to­ral Côte d’Opale. Elle a demandé à béné­fi­cier d’une équivalence pour l’accès au concours de cadre ter­ri­to­rial de santé infir­mier.

A la suite d’un recours gra­cieux formé contre une pre­mière déci­sion de la com­mis­sion d’équivalence prévue par le décret du 13 février 2007, cette com­mis­sion a reconnu que la licence pro­fes­sion­nelle pré­sen­tée par l’inté­res­sée était bien de même niveau que le diplôme de cadre de santé, mais a estimé que le champ des matiè­res cou­ver­tes par ce diplôme était très dif­fé­rent de celui cor­res­pon­dant aux modu­les de for­ma­tion prévus par l’arrêté du 18 août 1995. Le refus d’équivalence a donc été confirmé.

Il est inté­res­sant de cons­ta­ter qu’en ce type d’affai­res, le Conseil d’Etat saisi en appel n’hésite pas à juger en oppor­tu­nité : en admet­tant même que ces dif­fé­ren­ces soient sub­stan­tiel­les au sens des dis­po­si­tions du décret du 13 février 2007, il res­sort des pièces du dos­sier que Mme A jus­ti­fie d’une expé­rience d’une durée de vingt-cinq ans dans les fonc­tions d’infir­mière coor­di­na­trice d’un SSIAD où elle a enca­dré une équipe de soins.

C’est donc à tort qu’en esti­mant que cette expé­rience pro­fes­sion­nelle, et les com­pé­ten­ces acqui­ses de ce fait, n’étaient pas de nature à com­pen­ser les dif­fé­ren­ces cons­ta­tées dans le contenu des ensei­gne­ments rela­tifs aux diplô­mes com­pa­rés, la com­mis­sion d’équivalence a refusé l’équivalence. Elle a fait une inexacte appli­ca­tion des dis­po­si­tions pré­ci­tées des décrets du 23 juillet 2003 (statut par­ti­cu­lier des cadres ter­ri­to­riaux de santé infir­miers) et du 13 février 2007 (équivalences de diplô­mes) et a commis une erreur d’appré­cia­tion des faits que le Conseil d’Etat n’hésite pas à cen­su­rer.

Ainsi Mme Elisabeth A est fondée à deman­der l’annu­la­tion de la déci­sion du 15 mai 2009 confir­mée le 5 février 2010, par laquelle la com­mis­sion d’équivalence de diplô­mes pour l’accès à la fonc­tion publi­que ter­ri­to­riale a rejeté sa demande d’équivalence de diplô­mes pour l’accès au concours de cadre ter­ri­to­rial de santé.

Conseil d’Etat - fonc­tion publi­que ter­ri­to­riale - cadre ter­ri­to­rial infir­mier - équivalence : CE conten­tieux, 21 mai 2010, n° 333722. http://aria­nein­ter­net.conseil-etat.fr/aria­nein­ter­net/getdoc.asp?id=93289&fonds=DCE&item=4

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 Vu la requête, enre­gis­trée le 10 novem­bre 2009 au secré­ta­riat du conten­tieux du Conseil d’Etat, pré­sen­tée par Mme Elisabeth A, demeu­rant ... ; Mme A demande au Conseil d’Etat d’annu­ler la déci­sion du 15 mai 2009, confir­mée le 5 février 2010, par laquelle la com­mis­sion d’équivalence de diplô­mes pour l’accès à la fonc­tion publi­que ter­ri­to­riale a rejeté sa demande d’équivalence de diplô­mes pour l’accès au concours de cadre ter­ri­to­rial de santé ;
 Vu les autres pièces du dos­sier ;
 Vu le décret n° 95-926 du 18 août 1995 ;
 Vu le décret n° 2003-676 du 23 juillet 2003 ;
 Vu le décret n° 2007-196 du 13 février 2007 ;
 Vu l’arrêté du 18 août 1995 rela­tif au diplôme de cadre de santé ;
 Vu le code de jus­tice admi­nis­tra­tive ;

Après avoir entendu en séance publi­que :
 le rap­port de M. Pierre Chaubon, Maître des Requêtes,
 les conclu­sions de M. Cyril Roger-Lacan, rap­por­teur public ;

Sur la fin de non-rece­voir oppo­sée par le pré­si­dent du centre natio­nal de la fonc­tion publi­que ter­ri­to­riale (CNFPT) :

Considérant que contrai­re­ment à ce que sou­tient le pré­si­dent du CNFPT, la requête n’est pas dépour­vue de tout moyen et satis­fait aux exi­gen­ces posées par l’arti­cle R. 411-1 du code de jus­tice admi­nis­tra­tive ; que, par suite, la fin de non-rece­voir oppo­sée par le pré­si­dent du CNFPT doit être écartée ;

Sur la léga­lité de la déci­sion atta­quée :

Considérant, d’une part, qu’il résulte des dis­po­si­tions com­bi­nées des arti­cles 3 et 4 du décret du 23 juillet 2003 por­tant statut par­ti­cu­lier des cadres ter­ri­to­riaux de santé infir­miers, réé­du­ca­teurs et assis­tants médico-tech­ni­ques que le recru­te­ment inter­vient après ins­crip­tion de la per­sonne sur une liste d’apti­tude et que sont ins­crits sur la liste d’apti­tude les can­di­dats décla­rés admis à un concours ouvert aux can­di­dats titu­lai­res, notam­ment, du diplôme de cadre de santé ou de titres équivalents ;
 que le décret du 18 août 1995 por­tant créa­tion d’un diplôme de cadre de santé pré­voit que ce diplôme est déli­vré aux per­son­nes titu­lai­res d’un diplôme, cer­ti­fi­cat ou autre titre leur per­met­tant d’exer­cer toute une série de pro­fes­sions para­mé­di­ca­les, parmi les­quel­les celle d’infir­mier, que ce décret énumère, et qui ont suivi une for­ma­tion dans un ins­ti­tut de for­ma­tion des cadres de santé agréé, et validé l’ensem­ble des modu­les prévus par un pro­gramme fixé par arrêté ;
 que cet arrêté, en date du 18 août 1995, pré­voit que la for­ma­tion dis­pen­sée par ces ins­ti­tuts se com­pose de six modu­les, rela­tifs à l’ini­tia­tion à la fonc­tion de cadre, à la santé publi­que, à l’ana­lyse des pra­ti­ques et à l’ini­tia­tion à la recher­che, aux fonc­tions d’enca­dre­ment et de for­ma­tion, et l’appro­fon­dis­se­ment de ces fonc­tions ;

Considérant, d’autre part, que le décret du 13 février 2007 rela­tif aux équivalences de diplô­mes requi­ses pour se pré­sen­ter au concours d’accès aux corps et cadres d’emplois de la fonc­tion publi­que ins­ti­tue, en son arti­cle 15, une com­mis­sion placée auprès du pré­si­dent du centre natio­nal de la fonc­tion publi­que ter­ri­to­riale, pour l’examen des deman­des d’équivalence aux condi­tions de diplôme pré­sen­tées par les can­di­dats à cer­tains concours et se pré­va­lant d’une expé­rience pro­fes­sion­nelle, soit en com­plé­ment de diplô­mes autres que ceux qui sont requis, soit en l’absence de tout diplôme ;
 qu’il résulte des dis­po­si­tions com­bi­nées des arti­cles 9 et 10 du même décret que la com­mis­sion reconnaît une équivalence aux condi­tions de diplôme, notam­ment, lors­que le can­di­dat jus­ti­fie d’un titre de for­ma­tion ou d’une attes­ta­tion de com­pé­tence sanc­tion­nant un cycle d’études équivalent, compte tenu de sa durée et de sa nature, au cycle d’études néces­sai­res pour obte­nir le ou l’un des diplô­mes requis, et que lors­que le can­di­dat jus­ti­fie d’un titre por­tant sur des matiè­res sub­stan­tiel­le­ment dif­fé­ren­tes de celles cou­ver­tes par le titre de for­ma­tion requis, la com­mis­sion véri­fie que les connais­san­ces acqui­ses par le can­di­dat au cours de son expé­rience pro­fes­sion­nelle sont de nature à com­pen­ser en tout ou partie les dif­fé­ren­ces sub­stan­tiel­les de durée ou de matiè­res cons­ta­tées ;

Considérant que Mme A est titu­laire du diplôme d’Etat d’infir­mière et d’une licence pro­fes­sion­nelle cadres fonc­tion­nels des établissements sociaux et médico-sociaux déli­vrée par l’uni­ver­sité du lit­to­ral Côte d’Opale, et qu’elle a demandé à béné­fi­cier d’une équivalence pour l’accès au concours de cadre ter­ri­to­rial de santé infir­mier ;
 qu’à la suite d’un recours gra­cieux formé contre une pre­mière déci­sion de la com­mis­sion d’équivalence prévue par les dis­po­si­tions citées ci-dessus, cette com­mis­sion a reconnu que la licence pro­fes­sion­nelle pré­sen­tée par l’inté­res­sée était bien de même niveau que le diplôme de cadre de santé, mais a estimé que le champ des matiè­res cou­ver­tes par ce diplôme était très dif­fé­rent de celui cor­res­pon­dant aux modu­les de for­ma­tion prévus par l’arrêté du 18 août 1995 et men­tion­nés ci-dessus ;
 que tou­te­fois, en admet­tant même que ces dif­fé­ren­ces soient sub­stan­tiel­les au sens des dis­po­si­tions du décret du 13 février 2007 sus­rap­pe­lées, il res­sort des pièces du dos­sier que Mme A jus­ti­fie d’une expé­rience d’une durée de vingt-cinq ans dans les fonc­tions d’infir­mière coor­di­na­trice, au titre des­quel­les elle a enca­dré une équipe de soins rele­vant d’un ser­vice de soins infir­miers à domi­cile ;
 que par suite, en esti­mant que cette expé­rience pro­fes­sion­nelle, et les com­pé­ten­ces acqui­ses de ce fait, n’étaient pas de nature à com­pen­ser les dif­fé­ren­ces cons­ta­tées dans le contenu des ensei­gne­ments rela­tifs aux diplô­mes com­pa­rés, la com­mis­sion d’équivalence a fait une inexacte appli­ca­tion des dis­po­si­tions pré­ci­tées des décrets du 23 juillet 2003 et du 13 février 2007 et a commis une erreur d’appré­cia­tion des faits ;

Considérant qu’il résulte de ce qui pré­cède que Mme Elisabeth A est fondée à deman­der l’annu­la­tion de la déci­sion du 15 mai 2009 confir­mée le 5 février 2010, par laquelle la com­mis­sion d’équivalence de diplô­mes pour l’accès à la fonc­tion publi­que ter­ri­to­riale a rejeté sa demande d’équivalence de diplô­mes pour l’accès au concours de cadre ter­ri­to­rial de santé ;

D E C I D E :

Article 1er : La déci­sion du 15 mai 2009, confir­mée le 5 février 2010, de la com­mis­sion d’équivalence de diplô­mes pour l’accès à la fonc­tion publi­que ter­ri­to­riale est annu­lée.

Article 2 : La pré­sente déci­sion sera noti­fiée au à Mme Elisabeth A et au pré­si­dent du centre natio­nal de la fonc­tion publi­que ter­ri­to­riale.

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